"La justice commerciale doit aider de façon efficace les entreprises en difficulté"
L’audience solennelle du tribunal de commerce d’Arras s’est tenue le 10 janvier sous la présidence de Marc Villain, en présence d’André Lourdelle, procureur de la République d’Arras, et des personnalités représentant les autorités politiques, civiles, administratives, judiciaires et universitaires.
Après les réquisitions du procureur, Marc Villain a souligné les grandes tendances de l’année judiciaire qui vient de se terminer, puis a développé les préoccupations du tribunal et de ses juges pour 2020… et au-delà.
Le bilan 2019 dans la continuité
Pour Marc Villain, «2019 a connu un épisode de continuité dans les procédures collectives. Malgré une diminution du nombre de déclarations de cessation de paiement qui retrouve le niveau de 2017, la taille des entreprises concernées est désormais en légère hausse, ce qui semble démontrer une relative fragilité du tissu économique local». Il précise «qu’il ne faut pas faire dire à ces chiffres ce qu’ils ne veulent pas dire. L’échantillon des entreprises rencontrées n’est pas représentatif de la moyenne des entreprises du sud du département, d’autant que ne sont connues que des entreprises en difficulté». Il indique toutefois «que les échanges avec les dirigeants d’entreprise rencontrés à cette occasion font ressortir la dureté du climat économique actuel».
Les formalités du registre du commerce restent stables en nombre, «ce qui semble indiquer une consolidation des entreprises existantes plus qu’une reprise de la création d’entreprise». Le président note que «les entreprises unipersonnelles connaissent un taux d’échec relativement plus important».
Le président a souligné que la coordination renforcée avec les services de la préfecture et de la Banque de France permet d’être proactif dans la résolution des difficultés des entreprises. Le président constate depuis quelques années une baisse sensible du nombre d’affaires instruites par le tribunal siégeant en audiences de contentieux. Il se réjouit que la résolution amiable des différends devienne une voie pratiquée par les entreprises, préservant ainsi de façon plus appropriée la qualité des rapports commerciaux ultérieurs entre sociétés. «Dans le domaine des procédures de contentieux, la médiation par les avocats s’installe progressivement comme un outil de résolution à l’amiable des conflits entre entreprises.»
Ceci va conduire à expérimenter la réduction des audiences de contentieux à une audience par semaine, le mercredi après-midi. Prise en accord avec les bâtonniers du ressort du tribunal, cette décision est applicable dès 2020 et sera évaluée en cours d’année.
La mise en place de systèmes d’informations dématérialisés permet d’accélérer les procédures en diminuant de façon importante les délais de transmission des documents. «Il reste à compléter le dispositif avec tous les acteurs concourant au bon fonctionnement de la justice commerciale.» Marc Villain souligne «la qualité du greffe, partie intégrante et prépondérante de la bonne marche d’un tribunal de commerce, dont la collaboration acquise en permanence est un point fort».
Un satisfecit et un appel concernant les juges
En matière de formation des juges, les nouvelles obligations se mettent en place, «mais malgré la bonne volonté de tous, des difficultés subsistent en matière de coordination entre les différents acteurs de cette formation». Le président a rendu un hommage appuyé aux juges et les a remerciés pour leur bénévolat : «Grâce à eux nous pouvons continuer à aider les entreprises en difficulté, et ce n’est jamais très simple.»
2019 a connu un renouvellement important : neuf juges parmi les vingt-huit que compte le tribunal se représentaient ou se présentaient pour la première fois à l’élection consulaire. Ainsi, quatre nouveaux juges, dont deux femmes, ont été élus et installés au début de cette audience solennelle.
Marc Villain souligne «la charge qui pèse sur chacun des juges puisqu’en 2018, 383 décisions par juge ont été rendues contre une moyenne de 230 pour une taille comparable de tribunal de commerce dans toute la France. Il s’agit de maintenir cette capacité en formant sans cesse de nouveaux juges pour les conduire progressivement à plus de responsabilités». Il met à profit ce moment privilégié pour lancer un appel pressant, «une constante, car il s’agit d’anticiper plusieurs années à l’avance les recrutements de juges afin d’éviter des trous d’air dans les effectifs. Il est nécessaire pour le monde des entreprises des trois arrondissements du ressort du tribunal de marquer son attachement à la justice consulaire dans le domaine économique».
Le président a rappelé avec conviction «que l’intérêt de la justice commerciale est avant tout de traiter rapidement les contentieux et d’aider de façon efficace et rapide les entreprises en difficulté grâce aux connaissances et à l’expérience accumulée des juges consulaires».
Une collaboration fructueuse avec le ministère public
Les remerciements et la satisfaction du président vis-à-vis du ministère public, «avec lequel nous entretenons des rapports fructueux en matière de procédures collectives», ne sont pas de circonstance. Les juges apprécient en effet l’apport et l’appui des représentants du ministère public lors des audiences de procédures collectives. «Malgré leur renouvellement et sans doute également grâce à lui, nous évitons la monotonie et sommes toujours à leur écoute.» Leur support se révèle essentiel : «Il faut redire ici à quel point leur implication dans certains dossiers assez lourds nous aide dans l’accompagnement des entreprises en difficulté.»
Le tribunal a bien entendu le souhait du ministère public de voir s’instaurer une aide psychologique aux responsables d’entreprise en procédure collective, parfois placés en situation de perdition quasi totale. Le président déclare «être prêt à participer à cette initiative qui regrouperait nos efforts respectifs», mais le budget étant ce qu’il est, «il faut trouver des ressources pour financer cette aide».
L’apport constant et l’engagement des auxiliaires de justice que sont les mandataires et les administrateurs sont soulignés. «Quelquefois décriés, il faut reconnaître publiquement que leur tâche n’est pas toujours facile car confrontés à des situations parfois apocalyptiques.»
Pour conclure, les remerciements furent nombreux et méritent objectivement d’être relayés : «Au nom de l’Association des juges de notre tribunal, les collectivités locales qui ont contribué par leur subvention à la mission des juges bénévoles en leur permettant de minimiser les frais liés à leur premier équipement ; le greffe pour la qualité de son fonctionnement et le dévouement de ses collaboratrices ; les huissiers-audienciers pour leur disponibilité et leur efficacité ; les mandataires et les administrateurs judiciaires pour leur professionnalisme ; les experts dont les contributions sont toujours appréciées ; les avocats, habituellement présents, dont la compétence en matière de procédure est d’une grande aide pour les justiciables».
Les quatre nouveaux juges installés
• Bénédicte Garcon, expert-comptable
• Jean-Michel Hasbroucq, ancien directeur général du SIADEP, consultant
• Hélène Morel, juriste de formation, gérante d’hôtel à Arras
• Fabrice Limeux, directeur commercial d’une menuiserie à Vermelles