Entretien avec Fabrice Le Saché, vice-président du Medef en charge de l'Europe
«La France a besoin d'un vrai marché européen des capitaux»
En visite chez Lesaffre le 2 février dernier, Fabrice Le Saché, vice-président du Medef en charge de l'Europe, a profité de sa venue dans les Hauts-de-France pour s'arrêter à Entreprises et Cités. Le Medef organise une tournée nationale pour porter la voix des entrepreneurs à l'occasion des élections européennes, du 6 au 9 juin prochains.
La Gazette Nord-Pas-de-Calais. Quel est l'objectif de cette tournée dans les différents Medef régionaux et territoriaux ?
Fabrice Le Saché. On s'engage
dans la bataille démocratique des Européennes pour peser dans le
débat et façonner l'Europe telle qu'on la souhaite, c'est-à-dire
une Europe compétitive qui entreprend, qui est beaucoup plus rapide
et efficace dans son processus de décision. Nous allons faire des
propositions, consulter les entreprises et les adhérents.
À l'heure d'aujourd'hui, nous n'avons
pas une situation financière qui nous permette d'avoir les mêmes
armes que la Chine et les États-Unis. Il faut accélérer toutes les
mesures non budgétaires mais aussi simplifier le poids des normes.
On l'a vu récemment avec les agriculteurs et on le voit également
au quotidien dans les entreprises : il y a presque plus d'agents
administratifs que de commerciaux, avec une cascade de réglementations pour les PME – sur la
comptabilité carbone, les plans climats, les trajectoires RSE, etc. Avant d'aller
dans des directions si profondes, nous demandons des études d'impact à
l'échelle européenne.
Est-ce que ces normes pèsent sur le développement des entreprises et en freinent le développement ?
Il est certain qu'elles pèsent sur
notre économie, qui dépend à 60% du marché intérieur. Pour fonctionner, il faut de la
rapidité et de la fluidité. Évidemment, nous avons besoin de
réglementations mais pas qu'elles soient tatillonnes ! Entre 2017
et 2022, il y a eu 5 000 pages de textes dont 850 nouvelles
obligations nouvelles pour les entreprises. Elles ne sont pas
inutiles mais un certain nombre sont trop lourdes. 70%
des règles qui régissent nos entreprises sont européennes. Nous
demandons donc un allègement des obligations.
Quelles sont vos autres propositions ?
Le second sujet concerne l'énergie et nous voulons nous battre pour un accès à une énergie pas chère, décarbonée et compétitive. Il y a aussi le sujet des accords commerciaux et une problématique de désindustrialisation franco-française. 20% des emplois en France dépendent du commerce international.
Nous ne sommes pas pour une autarcie mais pour une
ouverture non naïve et nous soutenons tous les instruments
anti-subvention, anti-coercition, ainsi que le filtrage des
investissements mis en place par la Commission européenne parce qu'il
faut se protéger des comportements prédateurs ou qui ne jouent pas
les règles du jeu mondial.
Vous évoquez également le manque d'entreprises françaises hautement technologiques.
Il n'y a pas une entreprise européenne
dans le top Tech 50 mondial, nous n'avons pas réussi à faire
émerger des leaders mondiaux en Europe mais il ne faut pas rater le
virage de l'intelligence artificielle. Et là également, une
réglementation trop contraignante sur l'usage des données aura des
impacts. Il faut une réglementation avec un principe
d'expérimentation et d'innovation, qui irrigue toute la philosophie
des réglementations européennes et de neutralité technologique.
Qu'en est-il des levées de fonds ? Aujourd'hui de nombreuses entreprises sont obligées d'aller Outre-Atlantique car elles ne trouvent pas d'investisseurs en France.
Il n'y a pas de réelle union des marchés de capitaux aujourd'hui, c'est l'un des principaux axes d'amélioration que l'on prône au Medef : accélérer sur l'union des marchés de capitaux afin d'avoir un vrai marché européen des capitaux, qui rende les capacités de levées de fonds au-delà des tickets de 50 M€, davantage réalisables en Europe.
Aujourd'hui, le marché américain étant beaucoup plus dynamique, avec des rendements plus élevés et des instruments plus diversifiés, on voit un mouvement de l'épargne européenne vers les Etats-Unis. On a besoin de sociétés d'assurance et de sociétés de gestion européennes qui peuvent investir plus fortement dans l'économie réelle. On se bat pour assouplir les règles sans mettre en risque la stabilité du système financier et on souhaite qu'il y ait des sociétés de gestion beaucoup plus européennes. Il faut un secteur financier puissant, profitable et capable de distribuer des capitaux dans des entreprises en création ou en développement.