La finance s’empare de la question climatique

Quelques semaines après la COP23 à Bonn en Allemagne, Paris a accueilli tous ceux qui souhaitent accélérer le financement de la lutte contre le changement climatique. Résultat : même si les États ont du mal à s’engager, des accords financiers ont été trouvés et certains Nordistes en ont profité. 

Emmaunuel Macron, entouré de 70 chefs d'Etat
Emmaunuel Macron, entouré de 70 chefs d'Etat

La rencontre du 12 décembre 2017 était à l’initiative du président français, Emmanuel Macron, Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, et Jim Yong Kim, président du Groupe Banque mondiale. Objectif : pousser les banques, les fonds, les compagnies d’assurances, les fondations… à réinventer leurs modèles et à financer davantage de projets de lutte contre le réchauffement climatique. Étaient également présents 70 chefs d’État, de grandes entreprises (AXA, Engie, Alstom, EDF…), des ONG, une forte délégation américaine et des people : Arnold Schwarzenegger, Marion Cotillard, Richard Branson, Bill Gates… 4 000 personnes s’étaient déplacées pour cette journée sur l’île Seguin, près de Boulogne-Billancourt.

Il faut dire que deux ans après l’accord de Paris, pour réussir le pari de la transition énergétique il faudrait lever 6 000 milliards de dollars/an sur 15 ans. En 2015, les pays développés s’étaient engagés sur une enveloppe de 100 milliards de dollars/an tous les ans à partir de 2020, à destination des pays émergents. Mais on en est loin, et la COP23 n’a pas permis d’avancer significativement sur ce point.

Négociations sur l'ile Seguin 

Négociations sur l’ile Seguin.

12 «Climacts»

Le sommet s’est tout de même clôturé sur douze engagements internationaux financiers significatifs : les «Climacts». On retiendra le programme Global Urbis pour aider les villes à simplifier leurs accès aux financements climatiques. 32 villes et 15 pays (dont la France) ont également adhéré à la Towards Carbon Neutrality afin de fixer une trajectoire de neutralité carbone d’ici 2050.

La Chine s’est engagée à lancer son premier marché du carbone d’ici 2019. D’autres pays comme la France poussent à une hausse du prix du carbone pour inciter investisseurs et entreprises à développer des business models compatibles à un réchauffement climatique limité à 2°C. À ce sujet, la Suède a témoigné avoir imposé 130 euros/tonne de CO2 ; un prix élevé qui n’a pas empêché le pays d’être en croissance et les entreprises d’innover.

Bruno Lemaire, ministre de l'économie et des finances

Bruno Lemaire, ministre de l’Économie et des Finances.

En dehors de ces annonces politiques, ont été négociés en off des accords sur place. Ainsi, un important projet de géothermie en Indonésie a trouvé des partenaires financiers pour près de 400 millions de dollars. D’autres accords ont été trouvés dans des domaines bien précis (agriculture, adaptation des côtes africaines, financement de la recherche dans les pays émergents….). La veille du sommet, EDF, poussé par le gouvernement, a annoncé investir 25 milliards d’euros dans des fermes solaires et le photovoltaïque flottant sur les retenues d’eau des barrages. Durant le Climate Finance Day, qui s’est tenu le 11 décembre, de nombreux acteurs financiers se sont engagés à verdir leurs portefeuilles. Ainsi le Crédit agricole, la Société générale et Natixis renoncent à tout financement de projets de production de pétrole en Arctique.

Déceptions

En revanche, les ONG regrettent qu’il n’y ait pas eu d’engagement concret de la part des États pour alimenter ce fonds de 100 milliards de dollars/an cité ci-dessus. Pour l’Europe, on attendait un projet de taxe européenne sur les transactions financières plus ambitieux. Et la France n’a toujours pas donné de calendrier sur la fin de ses subventions aux projets d’énergies fossiles.

One Planet Summit

One Planet Summit.

En 2050, 70% de la population vivra en ville

En marge de ce sommet politique, des rendez-vous étaient animés sur divers sites parisiens par le World Efficiency Solutions, entre le 10 et 13 décembre, réunissant près de 10 000 personnes. La société civile (entreprises, ONG, associations, investisseurs…) a pu s’y retrouver pour partager des solutions concrètes. Nicolas Imbert, président du Learning Center ville durable de Dunkerque et directeur de l’ONG Green Cross France, a organisé différentes conférences : Quelles sont les solutions face au phénomène d’urbanisation des territoires ? Comment financer la transition écologique des territoires ?

Pour Nicolas Imbert, les investissements seront importants, mais on manque d’une boîte à outil de financement : «On a parlé ville durable, l’urgence sanitaire pour retrouver un air, une eau de qualité et du bien-être car, en 2050, plus de 70% du monde vivra en ville, consommant 75% de l’énergie mondiale. Les territoires et les villes ne peuvent pas attendre tout de l’État, ils doivent trouver des financements innovants à des échelles locales, impliquant les différents acteurs financiers privés et publics.» Cela rejoint la position de Jean-Louis Chaussade, DG de Suez et présent au Sommet, pour qui la lutte contre le réchauffement climatique passe par les villes, «avec une forte collaboration entre technologie, villes et entreprises».

«Dans les années 80, le plus gros marché était celui des télécommunications ; aujourd’hui, c’est celui des énergies renouvelables.»

Nouveau partenariat entre Terraotherm et Poujoulat.

De son côté, l’entreprise Terraotherm (basée à Villeneuve-d’Ascq et Grande-Synthe) a été invitée par l’Ademe à présenter ses solutions de recyclage de fumées industrielles. Elle a signé le 13 décembre, sur place, un nouveau partenariat avec le dernier fabricant nantais de cheminées, Poujoulat. Durant le Sommet, étaient également présents Gilles Pargneaux, député européen (circonscription Nord-Ouest pour les régions Normandie et Hauts-de-France) et vice-président de la commission environnement du Parlement européen, et Barbara Pompili, députée de la Somme, présidente de la commission développement durable et aménagement du territoire à l’Assemblée nationale.

John Kerry

John Kerry.

Un nouveau marché à saisir

Ce Sommet montre une fois de plus qu’il ne faut pas tout attendre des États. Il y a de réelles capacités financières ; les acteurs doivent se rencontrer, être innovants et se faire confiance. Mais une chose est sûre, il y a un rendez-vous à ne pas manquer, comme l’a dit l’ancien secrétaire d’Etat sous la présidence Obama, John Kerry, présent au Sommet : «Dans les années 80, le plus gros marché était celui des télécommunications ; aujourd’hui, c’est celui des énergies renouvelables.»

Chiffres : One Planet Summit

  • 4 jours
  • 10 000 personnes
  • 70 chefs d’Etat