La filière nautique s'inquiète de l'annulation des salons
L’annulation des salons d’automne du nautisme inquiète un secteur qui avait connu une reprise au printemps, d’après la FIN, Fédération des industries nautiques. Celle-ci espère que les nouvelles tendances sociétales stimuleront l’activité de la navigation de plaisance.
Cela ressemble plus à des montagnes russes qu’à une dégringolade. Le 3 septembre, à Paris, lors d’une conférence de presse, la FIN, Fédération des industries nautiques présentait les résultats de l’activité en 2019 de ce secteur qui compte 5 600 entreprises (43 700 emplois), ainsi que l’inquiétante actualité de sa rentrée. Celle-ci est marquée par l’annulation en série – pour des raisons sanitaires – des salons qui scandent normalement l’agenda de septembre de la profession : HISWA à Amsterdam, le Grand-Pavois de la Rochelle (grand-public), le Yachting Festival de Cannes (haut-de-gamme)… Or, «les salons d’automne représente les deux tiers des ventes. (…) . Notre filière peut survivre, mais c’est un choc majeur qui fait peser une menace sur notre activité», pointe Stéphan Constance, vice-président de la Fédération des industries nautiques. Pire, «avec l’annulation des salons d’automne, nous avons perdu nos repères (…). Au delà du chiffre d’affaires, cela pose des difficultés pour l’anticipation industrielle», complète Yves Lyon-Caen, Président de la FIN. Sur les salons, se nouent des contacts, s’échangent les informations qui permettent aux entreprises d’anticiper sur la suite de la saison. Autant d’échanges qui auraient peut-être permis de consolider la reprise encourageante qu’a connu le secteur après le confinement : pour une partie importante des entreprises, le niveau d’activité atteint à l’été 2020 a constitué une «divine surprise (…). Très tôt, dès que les contraintes ont été levées, l’activité est repartie. Et la location maritime se poursuit de manière active, en septembre», relate Stéphan Constance. L’activité estivale a été essentiellement liée à une clientèle domestique : celle-ci a remplacé celle étrangère, qui réalise les deux tiers des locations en temps normal. Toutefois, certaines activités, comme les services pour la grande plaisance, ont pâti de l’absence des étrangers. Au total, «cette embellie va permettre de compenser en partie la catastrophe de la période de confinement. Mais cela restera une saison avec une perte activité», conclut Stéphane Constance. L’année devrait se clore avec un chiffre d’affaires en baisse de 15 à 30%, selon les métiers, d’après la FIN.
Un cap ambitieux
Pour l’avenir, difficile de faire des pronostiques : «l’été 2020 a été source de réconfort, et le début de saison, source d’inquiétude . Aujourd’hui, nous n’avons pas tous les éléments pour apprécier les changements structurels» en cours, estime Yves Lyon-Caen. Côté positif, l’animation retrouvée en quelques jours sur les pontons et les plans d’eau pourrait bien constituer le signe de «changements de mode de vie que la crise du COVID est susceptible d’introduire de façon durable. (…)Tous les témoignages qu’on recueille montrent un changement puissant d’une partie de la population qui aspire à un changement de mode de vie, avec la recherche d’un nouvel équilibre, plus résistant. Il s’observe dans les migrations de la ville vers le monde rural et néo-rural, et aussi vers la mer. Des gens qui possèdent un bateau l’ont utilisé plus longtemps que d’habitude. Et nous avons vu apparaître de nouveaux clients pour l’achat d’un bateau qui y voient la possibilité d’un nouveau mode vie. Nous verrons si cette tendance est durable ou ponctuelle», analyse Yves Lyon-Caen. Côté négatif, la crise du tourisme et celle des transports internationaux, lourdement impactantes pour le secteur, constituent un «élément d’inquiétude», pointe Yves Lyon-Caen.
Quant au plan de relance prévu par le gouvernement, «je crains que l’impact de ce plan de soutien soit progressif et peu sensible sur 2021, déjà presque écrit du point de vue économique », commente Yves Lyon-Caen. La filière, qui s’est appuyée sur les mesures du plan d’urgence, comme les PGE (Prêts garantis par l’État) ou les fonds de solidarité, entend utiliser les dispositifs de chômage partiel longue durée (APLD). Et la Fédération mise sur l’organisation du salon Nautic de Paris, qui pourrait se tenir en décembre prochain.
Pour Yves Lyon-Caen, l’année 2019 constitue un « repère, (…) un cap pour reprendre le chemin de la croissance après l’épisode que nous traversons». Cette année là, la filière nautique a atteint un chiffre d’affaires global de 5,3 milliards d’euros, en hausse de 5% par rapport à 2018, un taux similaire à celui de l’année précédente. La croissance a particulièrement bénéficié à l’industrie (constructeurs, équipementiers, motoristes…). Au total, 45 010 bateaux (voiliers et bateaux à moteur), ont été produits. Spécificité du secteur, son haut niveau d’export s’est maintenu à hauteur de 76% du chiffre d’affaires. Un «cap» ambitieux, pour l’avenir de la filière.
Anne DAUBREE