La filière lin tire son épingle du jeu
À l’heure où bon nombre de secteurs agricoles connaissent une baisse de leur cours, le lin, fibre naturelle aux applications multiples, connaît au contraire un succès grandissant. Si la France réalise plus de 50% de la culture mondiale, la Picardie fait partie des quatre régions productrices.
Premier producteur mondial de fibre de lin, la France est réputée pour la qualité de sa production, grâce notamment à une météo adaptée et un savoir-faire indéniable. La Haute-Normandie, le Nord- Pas-de-Calais, la Picardie et la Basse Normandie réalisent à elles quatre en moyenne près de 96% de la production nationale chaque année. La majorité des producteurs sont rassemblés en coopérative.
Premier producteur mondial Le lin présente de sérieux atouts environnementaux, puisque la plante ne nécessite aucune irrigation, peu de traitement et l’ensemble (étoupe, anas, graine, fibre) est valorisable et recyclable. Cependant, la culture du lin est soumise aux aléas climatiques qui entraînent des variations de qualité et de rendement. En plus de cette contrainte météorologique, le lin demande une technique précise, d’où la nécessité pour les producteurs d’investir régulièrement dans des machines performantes. Après une croissance de 110 jours, le lin est arraché, laissé au sol le temps du rouissage où la plante macère, avant d’être retournée et enfin enroulée. Les fibres longues, obtenues après le teillage, une opération mécanique où l’on extrait la fibre, sont la source principale des revenus des producteurs. Ces fibres sont généralement utilisées pour le textile. Aujourd’hui, 68% du lin textile mondial est produit en Europe, essentiellement en France, en Belgique et aux Pays-Bas. Sur les dernières campagnes de récolte, la France représente plus de la moitié de la production mondiale sur une surface globale de 65 000 hectares. Les coopératives assurent, quant à elles, 60 % de la transformation linière hexagonale. À l’heure actuelle, l’industrie textile reste le cœur du marché pour les producteurs français, mais l’intérêt croissant des industriels pour les fibres végétales, permet désormais à la filière d’envisager de nouveaux débouchés à travers la valorisation des fibres courtes et des anas jusqu’alors un peu délaissés.
Anticiper l’avenir Les coopératives se sont d’ailleurs penchées sur ces nouveaux marchés, à l’image de la Coopérative agricole linière de la région d’Abbeville (Calira) qui a pris part à des projets tels que Sinfoni. Labellisé Investissement d’avenir, Sinfoni vise à structurer la filière d’approvisionnement en créant les conditions d’utilisation à grande échelle et en réunissant des acteurs industriels et scientifiques. « Il s’agit de créer une interface entre le monde industriel et les producteurs. Nous cherchons à créer un langage commun pour pouvoir trouver de plus en plus d’applications industrielles. Notre but aujourd’hui est de concurrencer la fibre de verre et la fibre de carbone », explique Vincent Delaporte, directeur de Calira. Aujourd’hui, les recherches se concentrent sur la caractérisation de la matière pour garantir une qualité constante. Autre centre de R&D, le technopôle Fibres recherches et développement installé à Troyes qui regroupe aussi bien des industriels (Vivescia, Invivo, ARD) que des producteurs (Lin Industriel Picard, GCF…). En Picardie, le Pôle IAR travaille également sur les agromatériaux. Si les producteurs sont à la recherche de nouveaux débouchés, ils ne sont cependant pas prêts à tout comme le souligne Vincent Delaporte : « Nous souhaitons rester maîtres de la filière, nous sommes à la recherche de valeur ajoutée, le lin est un beau produit qu’il ne faut surtout pas galvauder. »
Lin 2 000, coopérative innovante
La coopérative agricole Lin 2 000 située à Grandvilliers (Oise) spécialisée dans le teillage de lin, rassemble 230 producteurs et produit en moyenne quelque 7 000 tonnes de lin. Celle-ci a toujours cherché à se diversifier et à innover, dans une optique constante de valorisation permanente de la production de ses adhérents. La coopérative a donc choisi d’exploiter l’intégralité de la plante, de la graine à la fibre longue ou courte, en passant par les anas (pailles de lin), permettant de s’orienter aussi bien vers le textile (fibres longues) que l’automobile, la papeterie ou encore les matériaux d’isolation (fibres courtes) que l’alimentation animale (graines). À l’affût de nouvelles opportunités de développement, la coopérative s’est lancée en 2008 dans la production d’isolants et de paillages naturels, à travers sa filiale Naturlin. Seule sur ce marché prometteur, l’entreprise a connu un bon démarrage avant d’être victime de la crise économique et de voir ses ventes chuter dramatiquement. Aujourd’hui cependant, les isolants naturels ont connu un retour en grâce malgré un prix élevé, permettant ainsi à la coopérative de s’inscrire durablement dans ce secteur. Parallèlement, Lin 2 000 a mené un second projet plus qu’ambitieux : la mise au point d’une chaudière à biomasse qui assure le chauffage de la piscine municipale, du collège de l’agglomération ainsi que de 230 logements d’un éco-quartier. L’objectif d’alors ? 15 à 20% d’économies réalisées par la ville, la valorisation énergétique des anas de lin et l’élimination en continu des déchets liés au lin. Malheureusement, en 2011, le projet connaît un coup d’arrêt avec la panne de la chaudière. Il faudra attendre janvier 2014 pour qu’une nouvelle chaudière biomasse soit mise en service. Lin 2 000 s’est également investie dans la culture du lin oléagineux, jusqu’alors mis de côté par les producteurs. Pour cela, la coopérative s’est associée avec des sélectionneurs mais aussi des entreprises de courtage pour créer l’association de négoce de graines de lin Oleo Lin.