Matériaux

La filière chanvre se met en place lentement dans les Hauts-de-France

S’il vous arrive de traverser un champ de chanvre, inutile d’appeler le 17. Cette culture participe en toute légalité au renouveau de cette plante très cultivée en France jusque dans les années 50 et dont on redécouvre toutes les qualités agronomiques et techniques. En région Hauts-de-France, le chanvre est cependant encore peu présent.

Formation à la pose du béton de chanvre. © CD2E
Formation à la pose du béton de chanvre. © CD2E

Le chanvre ne présente que des qualités. Naturellement bio, la culture n’a besoin ni de produit ni d’arrosage, ce qui est un gros avantage comparativement, par exemple, au coton. Comme le lin, le chanvre permettrait, de plus, de relocaliser en France toute une filière textile. Son seul défaut serait son appartenance au genre cannabis ; mais la variété cultivée, qui provient de semences sélectionnées, ne contient aucune substance psychotrope.

Une production à développer

La production reste encore marginale dans les Hauts-de-France. Cinq producteurs de chanvre sont établis dans le Sud de l’Aisne, en contrat avec la Chanvrière dans l’Aube. À Aguilcourt, Jean Baptiste Cagniart cultive ainsi 25 hectares de chanvre depuis 2009. « C’est une production intéressante, car elle demande peu d’intrants. Une fois la graine – le chènevis - récoltée, la paille doit être séchée, andainée, bottelée, une opération très dépendante de la météo. À cette période, fin octobre, on doit aussi jongler avec la récolte des betteraves et les semis des céréales. »

Côté agronomique, la culture présente un enracinement profond, utile dans un assolement. Avant un blé, elle aère le sol et augmente le rendement. Le traitement de la paille doit être fait à proximité des zones de production ; or, il n’existe pas encore d’unité spécialisée en Hauts-de-France. Le lin étant beaucoup plus répandu, des essais de défibrage avec des unités de traitement du lin sont en cours. La coopérative Noriap mène, depuis deux ans, des expérimentations de culture de chanvre dans la Somme. Des améliorations sur la récolte et sur la rentabilité doivent encore être apportées avant de voir plus grand.

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Big Ball de paille de chanvre. @JB Cagniart

Le chanvre et ses multiples débouchés

Alimentation, cosmétique, pharmacie, pour la graine et textile, matériaux techniques y compris dans l’aéronautique et l’automobile pour la fibre, les débouchés sont très variés et la transformation du chanvre est déjà complexe et normée…

Dans le secteur du bâtiment, la paille de chanvre, mélangée à la chaux selon un procédé précis, donne du béton de chanvre. C’est l’association « Construire en chanvre » qui assure la promotion et la formation des utilisateurs pour garantir la qualité technique des réalisations en béton de chanvre. Ce matériau est doté de qualités exceptionnelles pour l’isolation thermique, phonique et pour la régulation de l’hygrométrie… soit un gain de 70% par rapport à la laine de roche de la même épaisseur, mesuré avec le logiciel Wufi par le Cerema dans une étude, publiée en mars 2021, note Nathalie Fichaux, secrétaire générale de Construire en Chanvre et directrice d’Interchanvre.

Des chantiers en béton de chanvre

Seules trois entreprises ont été référencées en Hauts-de-France par l’association, dont Sébastien Calmus du cabinet d’architecture Arietur à Wimille. Outre la Maison de l’Ingénieur à Loos-en-Gohelle, Arietur a utilisé le béton de chanvre dans la base technique du Parc régional des Caps et Marais d’Opale, en particulier pour la réalisation de la dalle de sol et pour le calfeutrage des ouvertures.

D’autres chantiers d’isolation en béton de chanvre sont menés par le bailleur Maisons et Cités pour la rénovation intérieure des logements des cités minières classées au patrimoine de l’Unesco, et pour lesquels il est impossible de modifier l’aspect extérieur. « Le béton de chanvre est un matériau qui respire et qui dure 100 ans, explique Nicolas Guezel de l’association CD2E. Ce n’est certes pas le cas de la laine de verre, qui doit être renouvelée après quelques années ». Compte tenu de ces multiples qualités, la demande en chanvre devrait augmenter considérablement et être multipliée par 4 en deux ans…