La fermeture administrative pour travail illégal
Les bars et restaurants sont régulièrement la cible des autorités locales ou étatiques. Lorsque des agents de contrôle y constatent des faits de travail illégal, ils ont l’obligation de transmettre le procès-verbal de constat au préfet. Sur la base de l'article L. 8272-2 du Code du travail, celui-ci peut ordonner la fermeture administrative de l'établissement pour une durée de trois mois. Toutefois, le gérant possède certains moyens de défense.
Quels sont les motifs d’une fermeture administrative ?
A sa disposition, le préfet possède un véritable arsenal juridique lui permettant d’ordonner la fermeture administrative d’un débit de boissons ou d’un restaurant. Une telle fermeture administrative est possible en cas de troubles à l’ordre public (nuisances sonores, dégradations…), d’infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements (problèmes sanitaires…), de commission de délits ou de crimes et en cas de travail illégal.
Au titre de l’article L. 8211-1 du Code du travail, le travail illégal est principalement constitué en cas de travail dissimulé, de marchandage, de prêt illicite de main d’œuvre, ou enfin, d’emploi d’un étranger non autorisé à travailler. Cas le plus courant, rappelons qu’un travail est réputé dissimulé lorsque l’employeur s’est soustrait à la déclaration préalable à l’embauche, n’a pas délivré de bulletin de paie ou n’a pas effectué les déclarations auprès des organismes de sécurité sociale.
Quelle est la procédure de rédaction d’un procès-verbal pour travail illégal ?
L’infraction de travail dissimulé est constatée par voie de procès-verbal lors d’un contrôle effectué sur place par les agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du Code du travail : outre les agents de l’inspection du travail, sont également concernés les agents des douanes, les officiers de police judiciaire ou encore les agents des organismes de sécurité sociale.
Si la procédure de mise en demeure préalable ne s’applique pas à la constatation de faits de travail illégal, l’article L. 8113-7 du Code du travail impose tout de même à l’agent de contrôle d’informer la personne visée au procès-verbal des faits susceptibles de constituer une infraction pénale, ainsi que des sanctions qu’elle encourt. Cette obligation d’information permet à l’employeur de faire part au parquet ou au préfet de ses observations avant d’être formellement mis en cause dans le cadre de la procédure pénale ou administrative postérieure. Une telle démarche proactive prouvera la bonne volonté de l’employeur.
Quelle est la procédure de fermeture administrative ?
Une fois rédigé, le procès-verbal est transmis au procureur de la République ainsi qu’au préfet du département. A ce stade, sur la base de l’article L. 8272-2 du Code du travail, ce dernier peut alors ordonner la fermeture administrative de l’établissement. Cependant, la décision administrative de fermeture doit suivre une procédure particulière et une présenter une certaine forme pour être légale.
En ce qui concerne la procédure : le Code du travail précise que cette fermeture ne peut avoir lieu que «si la proportion de salariés concernés le justifie, eu égard à la répétition ou à la gravité des faits constatés.» De plus, le préfet devra mettre en œuvre une procédure contradictoire. L’article L. 122-1 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA) prévoit que les décisions défavorables «n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix.» S’il désire ordonner la fermeture administrative, le préfet est donc dans l’obligation de permettre au gérant de présenter ses observations. Cette formalité est accomplie par l’envoi d’une lettre avec demande d’accusé réception (art. R. 8272-7 du Code du travail). Dans cette lettre, le préfet évoque les faits susceptibles de fonder sa décision et fixe au gérant un délai de 15 jours pour présenter ses observations. Le non-respect de cette procédure entraîne la nullité de la décision de fermeture administrative.
Lorsqu’il reçoit cette lettre, il est vrai que le gérant peut se sentir quelque peu démuni puisqu’il ne possède pas le procès-verbal constatant les faits de travail illégal. En effet, les procès-verbaux sont des actes de procédure et non des actes administratifs. A ce titre, ils ne peuvent donc être communiqués.
Une fois le délai de 15 jours passé, le préfet peut prononcer la fermeture administrative. Il notifie sa décision à l’entreprise par lettre recommandée avec avis de réception et transmet immédiatement une copie au procureur de la République. Sur le fond, cette fermeture ne peut dépasser trois mois. Elle peut également s’accompagner de la saisie, à titre conservatoire, du matériel professionnel.
En ce qui concerne la forme, la décision doit être motivée en droit, c’est à dire comporter les références juridiques nécessaires à sa compréhension. De plus, le préfet doit y faire figurer un minimum de références factuelles : dates et résultats des contrôles, attitude du gérant, procédure postérieure… Enfin, la décision doit être datée et signée par une personne qui en a la compétence.
Comment contester?
Eu égard aux conséquences souvent désastreuses d’une fermeture administrative, le gérant confronté à une telle mesure pourra saisir le juge des référés du Tribunal administratif pour voir ordonner, à titre provisoire, la suspension de la décision. Il devra pour cela prouver l’urgence à statuer, par exemple en calculant les pertes potentielles prouvées par des bilans comptables et devra invoquer un moyen propre à créer un doute sur la légalité de la décision attaquée (vice de forme, vice de procédure, incompétence du signataire, erreur manifeste d’appréciation …). A peine d’irrecevabilité, la requête en référé doit être accompagnée d’une copie de la décision attaquée, ainsi que de la requête au fond.