La Fed s'abstient de bouger ses taux face à l'incertitude "inhabituellement élevée" aux Etats-Unis
La banque centrale américaine (Fed), qui a sans surprise laissé ses taux inchangés mercredi, a évoqué une incertitude "inhabituellement élevée" dans la première économie mondiale, deux mois après le retour de...

La banque centrale américaine (Fed), qui a sans surprise laissé ses taux inchangés mercredi, a évoqué une incertitude "inhabituellement élevée" dans la première économie mondiale, deux mois après le retour de Donald Trump à la Maison Blanche.
Les marchés s'attendaient à un maintien des taux de la Fed à leur niveau actuel (dans une fourchette comprise entre 4,25% et 4,50% depuis décembre), le temps que le brouillard se dissipe sur les effets des politiques du nouvel exécutif américain.
Les principales nouvelles sont donc ailleurs, notamment dans les mots employés par le président de l'institution en conférence de presse, à l'issue de deux jours de réunion de politique monétaire.
"L'incertitude (est) inhabituellement élevée" aux Etats-Unis, a déclaré Jerome Powell.
Le président de la Fed a aussi estimé que les nouveaux droits de douane, sur une partie des produits entrant aux Etats-Unis, avaient commencé à tirer les prix vers le haut, ajoutant que cela "pourrait retarder" les progrès sur l'inflation.
Politiques chaotiques
Les responsables de la Fed ont par ailleurs livré leurs prévisions pour l'économie des Etats-Unis, les premières depuis décembre et l'investiture de Donald Trump en janvier.
Elles montrent que leur confiance dans l'avenir a reculé.
Ils anticipent une croissance du produit intérieur brut (PIB) bien moins soutenue, à +1,7% à la fin de l'année (contre 2,1% prévu auparavant).
Ils prévoient aussi une accélération de l'inflation à 2,7% (contre 2,5% en décembre).
Ils ont aussi légèrement relevé le taux de chômage attendu, à 4,4% (contre 4,3% précédemment).
Les investisseurs n'ont pas été effarouchés par cette dégradation des prévisions: les marchés américains ont clôturé dans le vert.
Ils ont vraisemblablement été rassurés de ne pas être confrontés à une décision inattendue et par le maintien de l'estimation du nombre de baisses de taux qui devraient intervenir dans l'année (pour un demi-point de pourcentage au total).
"La Fed avait clairement indiqué qu'elle préférait attendre avant d'agir", a réagi l'économiste Matt Colyar, de Moody's Analytics, auprès de l'AFP.
"L'environnement économique au sens large a changé, principalement du fait des politiques chaotiques décidées à Washington", a-t-il ajouté.
Effet transitoire
Depuis la précédente réunion de la Fed fin janvier, qui s'était aussi traduite par un statu quo sur les taux, les entreprises ont subi de nouvelles taxes sur les importations.
Les consommateurs ont commencé à surveiller leur porte-monnaie, et les investisseurs à sérieusement douter que le pays puisse sortir sans dommages de l'essoreuse enclenchée par le président Trump.
Outre son escalade, ponctuée de revirements, sur les droits de douane, le chef de l'État investi le 20 janvier a lancé le milliardaire Elon Musk à l'assaut de l'État fédéral pour tailler dans les dépenses et faire fondre le nombre de fonctionnaires.
Pour le conseiller économique de la Maison Blanche Kevin Hassett, "le président Powell a clairement indiqué que s'il y avait un effet tarifaire, il serait transitoire".
"Le 2 avril, vous saurez clairement ce qui sera soumis à des droits de douane et ce qui ne le sera pas", a-t-il ajouté, en référence à la date à laquelle M. Trump a fait part de son intention d'imposer des taxes de rétorsion aux partenaires commerciaux des États-Unis.
Jusque-là, face à une économie florissante et un taux de chômage faible, la Fed s'était surtout focalisée sur la lutte contre l'inflation, encore au-dessus de sa cible de 2% (à +2,5% sur un an en janvier, par rapport au pic de 7,2% en juin 2022, selon l'indice PCE privilégié par la banque centrale).
Les spécialistes anticipent désormais un regain d'inflation — ce qui implique en principe que la Fed relève ses taux directeurs pour la freiner —, en même temps qu'un refroidissement de l'économie — ce qui plaide pour un abaissement de taux afin de relancer la machine.
Jerome Powell a observé mercredi que la probabilité d'une récession aux Etats-Unis avait augmenté aux yeux des analystes, sans qu'elle soit "élevée". Il a aussi rappelé que la Fed ne faisait pas "ce type de prévision".
"Les membres du FOMC (comité de politique monétaire de la Fed) sont des gens comme les autres", ironisent dans une note les analystes de High Frequency Economics, "ils ne savent pas plus que nous quelles seront les prochaines initiatives du gouvernement Trump".
372T6P9