La crédibilité d’une SCOPsur le bureau du juge…

Promoteur de la petite annonce gratuite en 1971, René Bétourné se lance dans un autre combat : racheter les ruines de la Comareg (Paru Vendu) à Lomme et relancer un autre Inter 59. Il y va de la viabilité du modèle coopératif puisque tel est le pilier sur lequel s’appuie un projet de reprise, examiné début février par le tribunal de commerce de Lyon. A Lomme et à la Région, tout le monde y croit !

A 82 ans, il aurait pu s’adonner aux joies de la taille du bonsaï mais René Bétourné a choisi de s’attaquer à un dossier de reprise : faire revivre Hebdoprint que créa la Comareg, avant de mettre la clé sous la porte en novembre 2011 (plus de 3 000 licenciements en France).

La SCOP : un investissement. Plusieurs raisons à ce retour aux affaires pour cet autodidacte. “Je ne pouvais pas laisser ces 70 gars partir comme ça à Pôle emploi, quitter un si bel outil. J’étais leur patron ou plutôt leur dirigeant, ils n’ont jamais eu le besoin de se syndiquer avec moi comme l’a dit la CFDT, et ils sont mes voisins… Je ne pouvais pas non plus être témoin d’une activité qui est parfaitement viable à condition d’y remettre un peu de bon sens et d’humain, et un peu moins de technocratie éloignée des réalités du terrain.
Concrètement, le tribunal de commerce de Lyon, ville du siège de l’ex-Comareg, se prononcera début février 2012 sauf report. Plusieurs projets de reprise seraient sur le bureau du juge mais pour le site de Lomme, seul le projet de René Bétourné – la “SCOP Inter59. fr” – est étudié. Les discussions avec les salariés, actuellement au chômage, sont quotidiennes et, semble-t-il, une décision positive venue des bords du Rhône emporterait l’adhésion des derniers réticents. Car il faudra au personnel accepter la discipline de la SCOP, à savoir contribuer financièrement au capital en versant tout ou partie des indemnités et des salaires, ou accepter – notamment pour les futurs commerciaux – des salaires inférieurs aux barèmes habituels, la différence étant versée au capital. En effet, même ceux qui refuseraient d’appartenir à la SCOP pourraient y travailler mais avec des émoluments plus réduits. L’ensemble du projet nécessite un investissement de 3 M€. Mais le conseil d’administration, qui serait présidé par René Bétourné, bénéficierait de soutiens financiers locaux.

Le soutien des élus. Au moment où cette reprise via une SCOP est sur le feu, tout le monde (les responsables politiques, évidemment) regarde l’évolution du dossier SeaFrance. Mais la détermination de René Bétourné et la pertinence de son projet ont déjà emporté l’adhésion de Me Bruno Walzack, administrateur judiciaire, qui a prolongé les délais de réflexion de la justice. Car, autour de René Bétourné, de forts soutiens se pressent : le Conseil régional, le député-maire de Lomme, Yves Durand, le conseiller général Roger Vicot, Pôle emploi, Jean- Marie Florin, secrétaire général des SCOP régionales, ainsi que Jean-Marie Cousin, CDID, qui évalue les éléments matériels de la vente. Aujourd’hui, ce projet prévoit qu’un peu moins de 100 personnes seraient reprises sur les 170 précédentes, sur les sites de Lomme, de la Somme et de l’Aisne.
René Bétourné l’avoue tout net : “Les SCOP, je n’y croyais pas trop avant tout ça. Mais là je suis dans ma partie, dans mon métier, sur mes terres, avec des gars que je connais bien. Et je sais que ça va marcher.” René Bétourné veut profiter à plein des réseaux coopératifs. Il a obtenu des Paralysés de France de participer à la moitié de la diffusion qui se fera au porte-à-porte, une société se chargeant du reste. Le cadre est ainsi fixé : on travaille à l’ancienne par certains côtés, exactement le contre-pied de ce que fit la Comareg qui, selon lui, “était trop théorique et technocratique et ne songeait qu’aux économies possibles quand cela commençait à aller mal, au lieu d’investir et de remettre en question ses process. J’ai même demandé rendez-vous à Philippe Hersant quand la Comareg a fermé. On ne m’a jamais répondu…”. Pour la petite histoire, c’est à la Comareg que René Bétourné vendit le groupe Inter59 en 1989 (4e groupe de gratuits en France, 233 personnes), la Comareg étant donc intégrée au groupe Hersant par la suite. Sorte de clin d’oeil de l’histoire…