La Cour des comptes s'invite dans la confection du budget par des propositions chiffrées

"Douze propositions pouvant être engagées dès la loi de finances 2025": la Cour des comptes, qui tire depuis des mois le signal d'alarme sur les finances publiques, a décidé de s'en mêler en publiant régulièrement des...

"Douze propositions pouvant être engagées dès la loi de finances 2025": la Cour des comptes, qui tire depuis des mois le signal d'alarme sur les finances publiques, a décidé de s'en mêler en publiant régulièrement des notes proposant des pistes d'économies précises et chiffrées.

La première a été présentée jeudi par le Premier président de la Cour, Pierre Moscovici. Ses préconisations permettraient de dégager 2,7 milliards d'euros dès cette année en moindres dépenses et recettes accrues, et plus encore en 2027.

Intitulée "Les mesures d'aide exceptionnelles: une sortie de crise à achever pour le budget de l'Etat", elle constate que de nombreuses mesures de soutien à l'économie prises pendant le Covid et la crise inflationniste perdurent, "alors que les crises qui les justifient sont globalement résorbées".

"Il est impensable de maintenir un recours au quoi-qu'il-en-coûte qui ne fait qu'empirer la situation des finances publiques", a remarqué le Premier président, observant que les dépenses publiques ont augmenté "de trois points de PIB par rapport à l'avant-crise", à 57%.

La Cour liste donc une série de mesures qui selon M. Moscovici "ne touchent aucune ligne rouge".

Par exemple, réserver l'aide à l'embauche des apprentis aux niveaux d'études 3 et 4 (secondaire) et en exclure les entreprises de plus de 250 salariés: 745 millions d'euros économisés en 2025.

Ou encore, abaisser à 1,925 tonne le plafond d'éligibilité des véhicules au bonus écologique (200 millions d'euros), revenir au barème fiscal kilométrique en vigueur en 2021 (530 millions d'euros), revenir au plafond antérieur du crédit d'impôt pour frais de garde d'enfant hors du domicile (200 millions).

La Cour suggère aussi d'annuler les crédits non engagés d'un fonds et d'une initiative destinés à soutenir la culture, pour 194 millions au total.

La note, qui était à l'origine une commande de l'ancien Premier ministre Gabriel Attal, en préfigure d'autres, qui seront cette fois d'initiative : "pour que, tout simplement, le gouvernement et le Parlement puissent s'en saisir dans le cadre de la discussion du PLF et en anticipation des textes financiers ultérieurs", a espéré M. Moscovici.

Vigie

L'ancien ministre, dans des gouvernements socialistes, et ex-commissaire européen en charge des Affaires économiques, a une parole souvent sévère vis-à-vis des gouvernements, régulièrement coupables à ses yeux d'être trop optimistes dans leurs prévisions et pas assez fermes dans la réduction des déficits.

Il a insisté jeudi sur la nécessité d'inscrire dans le budget 2025 un déficit public qui reste inférieur à 5,5% du PIB, après 6,1% en 2024 - celui préparé sous Michel Barnier prévoyait 5% - pour rester sur la voie d'un retour sous les 3% en 2029, comme promis à Bruxelles.

"En 2025, nous serons la vigie qui rappelle les fait, pose les enjeux, soulève les défis et propose des réformes", a-t-il assuré.

Celles-ci seront conçues pour ne pas "handicaper la croissance, affaiblir la qualité du service public ou fragiliser le modèle social".

M. Moscovici a érigé la publication de ces notes en "méthode", annonçant "une salve de revues de dépenses de ce type" en 2025, "courtes, très opérationnelles, pas des tartines de texte, pour proposer des économies de dépenses intelligentes dans tous les domaines".

La Cour, dont la mission affichée est de "s'assurer du bon emploi de l'argent public, (et d')en informer les citoyens", publie chaque année des dizaines de rapports extrêmement précis et fouillés, mais souvent assez rébarbatifs.

La note publiée jeudi, au contraire, émaillée de mentions en vert pimpant et d'encadrés synthétiques, semble beaucoup plus maniable.

La prochaine, d'ici au printemps, passera en revue les dépenses de l'assurance maladie.

"L'exigence de réduire le déficit s'est transformée en urgence", a observé M. Moscovici. La Cour des comptes veut donc "contribuer encore plus directement au débat sur les finances publiques". Et "elle n'en a pas fini de leur remise en ordre", a-t-il prévenu.

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