La compétitivité, le nouveau Graal
A l’heure où l’Europe s’interroge sur la meilleure méthode pour retrouver une compétitivité industrielle, les Etats-Unis pourront compter sur la forte hausse de leur production d’hydrocarbures qui constitue une véritable révolution industrielle.
Cette nouvelle révolution américaine n’est pas numérique mais bien basée sur la vieille économie. Les fameux gaz de schiste tant craints en Europe devraient transformer le paysage industriel mondial.
L’impact sur l’économie américaine sera d’une ampleur significative car le pays dépassera la production russe de gaz dès 2017 et deviendra par la suite, le premier producteur mondial, devançant même l’Arabie Saoudite. L’Etat américain envisage de transformer une partie de son parc automobile pour le faire fonctionner au gaz afin de profiter de l’abondance de ses ressources. Le pays deviendra ainsi auto-suffisant en hydrocarbure dès 2020, une redistribution des cartes pourrait ensuite intervenir au Moyen-Orient. Les USA auront-ils encore besoin de jouer au «gendarme du monde» ?
Cette hausse de la production nécessitera des investissements importants dans les infrastructures (pipeline, gazoduc, usine de liquéfaction du gaz…). Avec de nombreuses créations d’emplois à la clé, plus d’un million de postes seront créés sur les 20 prochaines années directement ou indirectement.
Aux Etats-Unis, les sociétés de services parapétroliers telles que Halliburton, Schlumberger, Weatherford ou encore Baker Huges profitent au maximum de cette manne. En Europe, la société autrichienne Schoeller Bleckmann fera partie des gagnants de cette thématique grâce à son statut de leader mondial dans le forage directionnel. L
’abondance du gaz US a provoqué un véritable bouleversement dans les prix de l’énergie. Ainsi, les prix du gaz ont atteint 2$/mbtu aux Etats-Unis contre 7$/mbtu en Europe et 15$/mbtu en Asie. Ce différentiel de prix incite naturellement les industriels à envisager des investissements dans le pays.
Ainsi, l’industrie chimique a annoncé la construction de nouvelles capacités, à l’instar d’Exxon, qui prévoit la mise en chantier d’une usine d’éthylène pour plusieurs milliards de dollars et la création de 10 000 emplois.
Les industriels européens espèrent pouvoir profiter du développement de l’industrie du gaz aux Etats-Unis. Ainsi, Technip, le groupe français, a récemment finalisé l’acquisition d’une société américaine spécialisée dans l’ingénierie pour la pétrochimie. En outre, le développement de centrales électriques fonctionnant au gaz pourra profiter à des sociétés européennes comme Siemens ou Wartsila même si le grand gagnant sera certainement General Electric.
Au-delà de l’impact sur la balance commerciale, l’impact fiscal sera aussi important, avec des rentrées fiscales proches des 900Mds$ sur les 20 prochaines années.
Grâce à cette manne, la croissance additionnelle du PIB des USA devrait être proche de 0,8% par an pour les 20 prochaines années…
Pendant ce temps, l’Europe réfléchit toujours sur la meilleure solution pour retrouver de la compétitivité sur les marchés internationaux afin de relancer sa croissance.
En France, la création en France d’un ministère du «Redressement productif» illustre bien les enjeux de la réindustrialisation. Mais les programmes d’exploration pétrolière sont bloqués repoussant ainsi les perspectives de développement de la Guyane – et le développement des gaz de schiste est également au point mort alors qu’il pourrait représenter 10 années de consommation de gaz en France. Le risque écologiste existe évidemment et est à prendre en compte ; cependant même nos amis allemands continuent à faire des recherches dans ce domaine. L’Union Européenne envisagerait une enveloppe de 120Mds€ affectée à des projets de croissance, mais cette option ressemble plus à un pansement car ce montant représente seulement 1% du PIB de la zone. Et, dans la situation budgétaire délicate de la zone, il apparaît difficile d’appliquer des vieilles recettes basées sur une relance keynésienne (dépense de l’Etat pour soutenir l’économie) sans nouvelle sanction des marchés financiers.
Aujourd’hui, les politiques européens ne semblent en définitive pas prêts à s’attaquer aux coûts trop élevés de l’emploi notamment du fait de la pression fiscale (à l’exception de l’Allemagne qui a déjà réalisé des efforts). Pire, la volonté de sortir du nucléaire représente un risque important car la faiblesse des prix de l’électricité représentait un des avantages compétitifs de l’Europe et de la France en particulier. Le signal d’alarme lancé par le président de Solvay (chimiste belge qui a récemment racheté Rhodia) démontre le malaise des industriels européens.
Dans ce paysage, la baisse récente de l’Euro constitue la seule bonne nouvelle… La poursuite d’une politique monétaire laxiste permettant d’abaisser nos coûts de production grâce à la baisse de la monnaie unique serait d’ailleurs la voie la plus politiquement correcte. Cependant, la rigueur allemande dans ce domaine empêche une baisse des taux directeurs de la BCE (Banque Centrale Européenne) plus franche.
Au final, la volonté affichée de reconstruire un tissu industriel dans l’ensemble de l’Europe est certes séduisante mais prendra du temps. Et malheureusement, le temps nous est compté. Les prochaines réunions de l’Europe pour une meilleure intégration économique et politique seront donc décisives…