Consulaire
«La chambre devra s’adapter ou disparaître»
Trois ans après son élection à la tête de la chambre de commerce et d’industrie Meuse Haute-Marne, Richard Papazoglou a récemment présenté son plan stratégique avec la volonté de ne plus subir la situation économique et retrouver une ambition pour ces deux territoires ruraux. Explications.
Les Tablettes Lorraines : Pourquoi avoir dévoilé votre projet stratégique en fin d’année, lors de la dernière assemblée générale, sachant que votre mandat court jusqu’à la fin 2026 ?
Richard Papazoglou : Sa genèse démarre il y a trois ans, après mon élection. Ma première année était de comprendre la machine et de voir de quelle manière la CCI peut entrer en résonnance avec le territoire, être actrice du développement économique. Le point de départ, c’était aussi de répondre à une question : que fait la CCI ? On a une spécificité avec la fusion de deux chambres (Meuse et Haute-Marne) en 2019. Ce sont deux territoires de deux ex-régions autour d’une cohérence, d’un grand projet stratégique qui est Cigéo (Centre industriel de stockage géologique de Bure). Mais nous avons également deux écosystèmes avec deux préfets, deux conseils départementaux et des problématiques différentes. Nous avons été les premiers à faire le pont entre ces deux territoires.
L’autre constat, c’est notre modèle économique qui reposait en grande majorité sur la fiscalité. Or, au regard de la situation budgétaire, il faut changer ce modèle pour ne pas continuer à subir. Il ne s’agit pas de sauver le soldat CCI, mais de savoir comment être opérant pour notre territoire. On a toujours eu un problème de communication sur notre rôle, ce que l’on fait. Nous devons redevenir davantage visibles auprès des entreprises. Dans le même temps, il faut savoir que l’une des missions régaliennes des CCI n’était plus exercée, notamment la formation, au sein de notre territoire Meuse Haute-Marne depuis bien longtemps. Il nous faut revenir à notre ADN. Alors plutôt que de présenter un bilan de mi-mandat, nous avons opté pour une réflexion avec la volonté de construire et de proposer un plan stratégique opérationnel et concret tout de suite.
Face à ce constat, quels sont les enjeux et vos nouvelles priorités ?
La chambre devra s’adapter ou disparaître. C’est fini, le quoi qu’il en coûte. Nous devons être autonomes et créer la richesse du territoire. Arrêtons d’attendre tout de l’État. Nous avons trois axes avec en tête : le projet Cigéo (Bure) qui va conditionner tout le reste. C’est un parti pris que nous assumons. La demande d’autorisation de création (DAC) a été déposée par l’Andra en janvier 2023. Les travaux devraient démarrer dans deux ou trois ans. C’est donc pour demain. La chambre, dans tout ce qu’elle va faire, devra avoir en tête le prisme Cigéo pour recueillir les retombées économiques de ce projet, en créant les conditions optimales. Deuxième axe, c’est la formation que nous souhaitons proposer pour répondre aux besoins des entreprises et en lien avec nos spécificités. Nous ne voulons pas créer un «bidule», mais nous avons décidé de nous appuyer sur le réseau des CCI. Je constate que dans le 54, en Meurthe-et-Moselle, l’outil de formation l’EESC fonctionne très bien. Nous allons donc travailler avec eux en rentrant dans le capital pour construire ensemble une offre adaptée à déployer en Meuse et en Haute-Marne. C’est une révolution avec des premières formations engagées dès 2025. Et enfin, le troisième axe, c’est le foncier. Il faut savoir qu’un quart de nos recettes provient de l’immobilier. On a déjà cette compétence, mais l’idée est d’aller plus loin. Aujourd’hui, il y a une vraie tension sur le foncier.
N'est-ce pas un peu paradoxal sachant qu’en Meuse, les terrains ne manquent pas ?
Certes, mais le plan ZAN (zéro artificialisation nette) a créé une vraie tension. L’autre constat sur notre territoire est qu’aucun terrain n’est prêt pour une installation. Quand un porteur de projet qui a un besoin se manifeste, si la réponse n’est pas structurée, les investisseurs s’installent ailleurs. La CCI doit donner une impulsion, mais doit faire avec les autres, notamment avec les collectivités, en créant une foncière. L’aménagement, c’est un métier. On va donc s’appuyer sur le réseau consulaire avec la CCI de la Marne qui a ce savoir-faire pour monter en compétences, se structurer et proposer ensuite. Il s’agit de répondre aux différentes sollicitations pour que des terrains soient viabilisés et prêts.
Quelles sont les prochaines échéances ?
Avant
la fin février, nous aurons contractualisé avec l’EESC pour la
formation. Pour le partenariat avec le 51, ce sera acté dans
l’année. On est en train d’acheter un bâtiment à Saint-Dizier,
on regarde ce qui peut être intéressant en termes de sites
identifiés comme la gare Meuse TGV. Mais on ne le fera pas seul. Je
n’oublie pas non plus le commerce. Aujourd’hui je travaille avec
la Banque des territoires pour créer une foncière à l’échelon
du département avec la volonté d’acheter des commerces sachant
que les centres-villes sont impactés par la crise. Le modèle
économique est compliqué en raison des prix des loyers pratiqués
par des bailleurs privés que ce soient à Bar-le-Duc ou Verdun. On
doit le réguler en créant une foncière à l’échelle
départementale pour qu’elle soit viable. Ça se fait ailleurs,
notamment sur le territoire de Hainaut dans le Nord, du côté de
Valenciennes. Nous devons regarder ce qui se fait dans des
territoires qui nous ressemble et avoir une approche décomplexée
pour arrêter de subir et de ne pas copier ce que font les
territoires urbains.