La centrale de Bouchainremise en selle par EDF

Les élus respirent : leurs craintes au sujet de la centrale électrique de Bouchain disparaissent. EDF vient en effet d’annoncer que cette unité, condamnée à l’arrêt en 2015, repartait pour un long cycle de 30 ans minimum, cette fois à partir du gaz ou d’autres énergies que le charbon. La combinaison gazénergies renouvelables démarrera dans trois ans grâce à une turbine nouvelle génération, parée de bien des vertus.

Les élus du Denaisis estimaient, voilà peu, être menacés de perdre leurs deux centrales électriques à Hordain et Bouchain. Pour la seconde en tout cas, les choses étaient très claires d’assez longue date : un nouveau directeur, Marc- Antoine Rupp, était nommé vers septembre dernier afin de préparer la fermeture du site à l’horizon 2015. Et ce, en dépit de la présence d’une très puissante conduite de gaz passant sous son sol, argument de maintien de l’activité brandi par les politiques de ce territoire au balcon du Cambrésis. Les raisons de cet arrêt ? Le poids des ans tout d’abord. Construite en 1970, cette centrale au charbon (qui figure dans un ensemble national de 19 unités d’EDF au charbon) comporte deux unités d’une puissance de 250 MW. Depuis 1995, date à laquelle la tranche 2 a été stoppée, la centrale qui emploie 88 techniciens ne fonctionne qu’avec la tranche 1 ; 14 ans plus tard, elle produisait 685 000 MWh d’électricité, soit à peu près la consommation annuelle du Valenciennois urbanisé (450 000 âmes). Enfin, l’arrêt de la centrale de 1970 ne serait pas dicté par une décision unilatérale d’EDF mais par l’application des normes environnementales ainsi qu’Henri Proglio, PDG d’EDF, l’écrit début décembre au président de la CAPH, Alain Bocquet.

Interventions répétées de la Dreal. Car, au pied des 125 m de sa cheminée qui en fait un point de repère inévitable dans le Sud-Denaisis, les discussions entre syndicats et écologistes allaient bon train. Certes, les différentes directions ont toujours lutté avec plus ou moins de succès contre la pollution engendrée par l’approvisionnement en charbon. La Dreal, ex- Drire, est revenue à plusieurs reprises à la charge pour que l’unité bouchinoise quitte le peloton des quatre plus gros pollueurs de la région en émissions de CO2 mais aussi de soufre et d’oxyde d’azote. A quoi il faut ajouter 350 tonnes de poussières par an, faisant du site le troisième plus gros pollueur en la matière dans le Nord-Pas-de-Calais. Ces réactions, toujours néfastes à l’image d’un grand groupe, les tensions permanentes qui en découlaient hors de l’usine et une technologie appartenant au passé faisaient de ces 100 hectares (30 sont en réserve) un condamné en sursis et tout se faisait, dans la transparence, pour une fermeture en 2015.

Opportune présence du gaz en sous-sol. Bouchain recélait cependant un atout de taille avec une grosse conduite de gaz alimentant la centrale E.ON d’Hordain. L’occasion était donc belle pour EDF et son PDG, Henri Proglio, d’utiliser cette potentialité et de poursuivre l’engagement d’EDF dans les solutions alternatives. Il s’agit donc aujourd’hui d’installer une nouvelle turbine encore à l’état de prototype, qui a été dévoilée dans une usine de Belfort – GE Energy –, par son directeur Europe Ricardo Cordoba. Ce groupe américain n’est autre que la tentaculaire General Electric avec qui EDF a signé récemment un partenariat “stratégique”. Cette turbine FlexEfficiency 50, en construction à Belfort, permettra d’ici 2015 de transformer l’ancienne unité en une superbe centrale à cycle combiné gaz, d’une capacité de plus de 510 MW (équivalent de 600 000 foyers).

Des décennies de tranquillité. GE Energy Europe doit impérativement trouver des débouchés pour les premiers exemplaires de sa nouvelle turbine. L’installation à Bouchain entre dans cette stratégie. Ses performances sont multiples. Elle a un rendement énergétique de 61% contre habituellement 40 à 45% ailleurs, ses variations en puissance sont très rapides en restant très efficaces et elle peut travailler avec l’énergie produite par les centrales nucléaires en base ou les énergies alternatives, même lorsqu’elles sont défaillantes, ce qui peut arriver avec le solaire et l’éolien. Le président américain estime que cette “vitrine énergétique” médiatique sera opérationnelle au moins 30 ans. Deux autres arguments plaident en sa faveur : le kWh produit par ces centrales est le moins cher au monde, et les réserves de gaz, qui avoisinent les 200 ans pour l’instant, ne cessent d’augmenter, en particulier en mer.