L'UE parée pour obliger les géants de la tech à "changer de comportement"

L'UE est prête à déployer tous les outils de sa nouvelle législation pour forcer les géants technologiques à "changer leur comportement" en termes de concurrence déloyale, a assuré, dans un entretien à l'AFP...

La commissaire européenne à la Concurrence Margrethe Vestager, lors d'un entretien avec l'AFP, le 6 mars 2024 © Simon Wohlfahrt
La commissaire européenne à la Concurrence Margrethe Vestager, lors d'un entretien avec l'AFP, le 6 mars 2024 © Simon Wohlfahrt

L'UE est prête à déployer tous les outils de sa nouvelle législation pour forcer les géants technologiques à "changer leur comportement" en termes de concurrence déloyale, a assuré, dans un entretien à l'AFP,  la commissaire à la Concurrence Margrethe Vestager.

Six champions de la tech - les américains Alphabet (Google), Amazon, Apple, Meta (Facebook, Instagram) et Microsoft, ainsi que le chinois ByteDance, propriétaire de TikTok - doivent se mettre en conformité avec le nouveau règlement européen sur les marchés numériques (DMA), qui entre jeudi pleinement en application.

"Ce que nous attendons des +contrôleurs d'accès+, c'est un changement de comportement", explique Margrethe Vestager, vice-présidente de l'exécutif européen.

Certes, la responsable danoise reconnaît que ces entreprises ne pourront pas respecter immédiatement la totalité des dispositions prévues dans ce texte visant à contrer les abus de position dominante. Mais les utilisateurs européens devraient constater dès à présent une série de modifications très concrètes, par exemple un choix accru pour les navigateurs Internet et moteurs de recherche, alors que chaque groupe privilégiait jusqu'à présent ses propres solutions.

"Nous verrons (pour certaines mesures) une mise en conformité totale de la part de certains groupes, mais je pense qu'il y aura des cas de non-respect" des nouvelles règles, observe-t-elle. 

Gendarme de la concurrence dans l'UE, la Commission se voit dotée par le DMA d'un important pouvoir de contrôle et de sanctions, avec des amendes pouvant aller jusqu'à 10% du chiffre d'affaires mondial du contrevenant, voire 20% en cas de récidive, avec la menace d'un démantèlement en dernier recours.

"Si vous regardez notre historique, nous avons montré que nous recourrons à tous les outils à notre disposition", a insisté Mme Vestager, en charge de la concurrence depuis 2014, dans son bureau au 12e étage du siège de la Commission.

Dernier en date de ses faits d'arme: Bruxelles a infligé lundi à Apple une amende de 1,84 milliard d'euros pour avoir empêché ses utilisateurs de s'informer sur les offres concurrentes de streaming musical. "Nous ne sommes pas là pour démanteler des entreprises ou pour vous infliger de lourdes amendes! Nous sommes là pour faire pression en faveur du respect des règles", rappelle la commissaire.

-Plus de "choix" -

Margrethe Vestager rappelle que la nouvelle législation s'ajoute aux outils antitrust déjà utilisés précédemment par Bruxelles contre des entreprises technologiques. "Si la créativité se développe dans les comportements illégaux, nous aurons tous les outils qu'il faut", estime-t-elle.

L'enjeu majeur du DMA est selon elle d'offrir plus de "choix" aux usagers, et sa mise en oeuvre sera attentivement scrutée des deux côtés de l'Atlantique notamment pour les plateformes d'applications.

Apple a ainsi promis d'autoriser le téléchargement sur ses iPhones de "boutiques d'applications" alternatives à son App Store même si certains développeurs se plaignent de procédures trop complexes. La marque à la pomme n'en conteste pas moins devant la justice certains aspects du DMA, tout comme ByteDance et Meta. Margrethe Vestager s'est refusée à commenter ces procédures: "Les tribunaux trancheront, et cela guidera nos actions à l'avenir".

La Commission a par ailleurs annoncé fin février qu'elle examinerait le partenariat entre Microsoft et la start-up française Mistral dans l'intelligence articielle conversationnelle, alors qu'elle évalue déjà l'impact pour la concurrence de l'investissement du géant américain des logiciels dans OpenAI, créateur de ChatGPT.

Si elle ne souhaite pas commenter l'enquête, Mme Vestager se montre rassurante sur le cas de Mistral: "Il s'agit d'un montant d'un ordre de grandeur complètement différent par rapport à l'investissement de Microsoft dans OpenAI, c'est beaucoup, beaucoup plus petit". "Bien sûr, il est important que nous soyons vigilants (...) mais je pense que le risque de problème de concurrence est bien moindre dans cette situation", a-t-elle déclaré. 

Margrethe Vestager, qui doit quitter son poste après les élections européennes de juin, assure n'être pas fixée sur son avenir. "Ce qui est étrange, c'est que j'ignore ce que je vais faire. Je sais que je n'en ai pas fini avec l'Europe: c'est un endroit incroyable, il y a encore des milliards de choses à faire".

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