Entretien avec Hubert Tondeur, président de l'Ordre des experts-comptables Hauts-de-France pour Campus 2022

«L'expert-comptable est au cœur des problématiques de l'entreprise»

Les 7 et 8 juillet prochains au Touquet, l'Ordre des Experts-comptables Hauts-de-France invite la profession à se réunir pour son rendez-vous annuel, Campus 2022. Après deux éditions au format virtuel, cette année 2022 sera placée sous le thème de «La profession engagée au cœur de la société : incontournable et performante».

Hubert Tondeur, président de l'Ordre des experts-comptables Hauts-de-France.
Hubert Tondeur, président de l'Ordre des experts-comptables Hauts-de-France.

La Gazette Nord - Pas-de-Calais : Pouvez-vous nous présenter le programme de cette édition, en présentiel, après deux ans de virtuel ?

Hubert Tondeur : Nous allons traditionnellement commencer par l'actualité fiscale, sociale et du secteur associatif, avec notamment des sessions d'ateliers-formation sur «La mise en cause de l'expert-comptable dans le cadre de la transmission d'entreprise» ou «Le nouveau statut juridique et fiscal de l'entrepreneur individuel». Mais nous aurons également des sujets liés à la gestion de patrimoine et la cybercriminalité.

C'est un enjeu majeur ?

Avec l'évolution technologique, c'est évidemment un sujet d'actualité et il nous semblait assez naturel d'identifier les risques auxquels peuvent être soumis les professionnels du chiffre et du droit ainsi que nos clients. Campus 2022 sera aussi l'occasion d'avoir un point de situation sur les actions de la Gendarmerie nationale.

Nous parlerons également de médiation parce qu'il est important de résoudre les litiges sans passer par la case judiciaire. C'est un sujet de fond dans la région, avec l'implication de nombreux professionnels du chiffre et du droit.

Il y aura également deux conférences plénières lors du Campus...

La première sera co-animée par Erick Boitel et Marie-Camille Hegazy, de Brikx Consulting, sur «L'amélioration de la santé performance des dirigeants et de leurs équipes par le renforcement du capital psychologique». Ils vont nous parler psychologie, relation à l'autre, management, confiance... et nous apporter des solutions pour nos clients mais aussi pour nos cabinets.

L'ensemble de la profession est attendue au Touquet les 7 et 8 juillet 2022.

C'est important pour un chef d'entreprise de projeter son organisation dans l'avenir, mais aussi ses salariés, tout en sachant relativiser, ce qui est tout sauf facile ! L'expert-comptable est celui qui connaît les chiffres de l'entreprise mais aussi les problématiques du dirigeant et son environnement personnel. C'est lui qui cristallise les forces et les faiblesses du chef d'entreprise. Le vendredi 8, le professeur en criminologie Alain Bauer interviendra sur la thématique : «2022 et après : cyberchaos ou cyberrésilience ?» (voir encadré).

En tant que président de l'Ordre des experts-comptable, quel est votre point de vue sur le sujet ?

Nous sommes par essence même dans un univers plus technologique. Si nous voulons continuer à vivre ensemble, il est certain qu'il va falloir apprendre la cyberrésilience ! Quand on parle de cyberchaos, on pense à la guerre technologique. Et l'on voit bien, avec le conflit ukrainien, que la guerre se gagne sur la Toile, à la fois en termes de communication mais aussi militaire.

Qu'en est-il de l'attractivité de la profession ? Eprouvez-vous, comme bon nombre de secteurs d'activité, des difficultés de recrutement ?

Il faut avant tout fidéliser nos collaborateurs, et c'est dans ce cadre que nous remettrons, le 7 juillet à 18h30, les médailles pour les collaborateurs qui ont 20 ou 30 années d'ancienneté. Bien sûr, nous sommes touchés par les problématiques de recrutement ; nous mettons en place des outils et des actions auprès des jeunes pour essayer d'attirer et de faire prendre conscience que les cabinets sont en capacité d'attirer. Il faut démontrer l'intérêt de la relation clientèle et de l'évolution technologique. Nous mettons également en place des politiques de management et de cohésion de travail.

Vous qui êtes aux côtés de nombreux chefs d'entreprise, comment ressentez-vous leur moral ?

Ils sont en situation d'attente. Il y a une inquiétude importante sur la capacité des entreprises à tenir le choc dans un contexte d'augmentation des prix et de pénurie des matières premières. Les investissements semblent difficiles à imaginer dans ce contexte. Et du côté de la digitalisation, notamment des TPE et PME, il y a beaucoup de retard.

Quels sont les prochains enjeux de la profession ?

Comme nous l'évoquions précédemment, le recrutement mais aussi la fidélisation des collaborateurs. Sans compter la facture électronique – obligatoire dès 2026 – et la data. L'enjeu, c'est que tous nos clients soient équipés. J'accorde une importance toute particulière à la formation, et je pense même que les Hauts-de-France sont la région au sein de laquelle la profession en bénéficie le plus !

Alain Bauer : «C’est l’histoire de l’humanité que d’avoir réussi à survivre dans un univers hostile"

Alain Bauer, professeur de criminologie au Conservatoire national des arts et métiers, New York et Shanghai, responsable du Pôle sécurité défense renseignement criminologie cybermenaces crises (PSDR3C), interviendra le vendredi 8 juillet à 10h30 sur le thème «2022 et après : cyberchaos ou cyberrésilience».

Dans un contexte où l'on vient de subir la crise Covid et maintenant, la crise ukrainienne, comment les chefs d'entreprise et plus généralement, les professionnels, font-ils face ?

Pour l’essentiel, la crise est un phénomène disruptif et perturbant qui provoque soit la crispation et le blocage décisionnel, soit la sous estimation et le déni. En France, curieusement, on estime souvent que la crise ne peut pas arriver ou «nous» arriver, et que la préparation à la crise provoquerait paradoxalement sa survenance. On préfère donc ne pas être prêt. Dans le monde anglo-saxon, on ne doute pas culturellement de la crise, on considère juste le rapport entre les effets financiers des conséquences versus l’investissement préventif.

Le fait de considérer la crise comme un phénomène naturel, comme l’accident ou la démarque inconnue, facilite paradoxalement sa gestion et surtout la survie de l’entreprise. Avec l'explosion de notre exposition au web (télétravail, objets connectés...), ainsi que celle des cyberattaques, comment concilier le progrès – inéluctable – tout en se protégeant au mieux, à titre personnel comme professionnel ?

Après chaque évolution technologique, la réaction sociale commence par la fascination, la peur de l’interdit, la demande de sanctions, puis la mise en place d’un dispositif de régulation. Ainsi en fut-il de l’automobile qu’il fallait conduire lentement, avec un coureur annonçant l’arrivée du véhicule en ville, avant de passer aux bolides sans contrôles, aux passages piétons, feux tricolores et même ceintures de sécurité. La question cyber (qui ne veut pas dire informatique mais complexité) est du même niveau. On peut donc parfaitement anticiper, prévoir, réduire les risques. Mais pas plus que sur la route, on ne pourra les éliminer.

On parle beaucoup de résilience de la population et des dirigeants d'entreprise, mais n'est-ce pas là aussi un fatalisme ?

On s’adapte toujours au contexte. C’est l’histoire de l’humanité que d’avoir réussi à survivre et à se développer dans un univers hostile. Et de comprendre, parfois très lentement, de ses propres excès. Les entrepreneurs sont parmi les plus adaptables et les plus flexibles des humains dans leur univers particulier. Il faut savoir transformer la contrainte en atout. C’est aussi possible dans le risque cyber. Comme pour tous les autres.