L'ex-maire de Canteleu relaxée des accusations de complicité de trafic de drogues
Depuis 33 mois, elle clamait à corps et à cri son innocence: dans le procès du tentaculaire narcotrafic de la petite ville de Canteleu (Seine-Maritime), le tribunal de Bobigny a relaxé jeudi l'ex-maire Mélanie Boulanger...
Depuis 33 mois, elle clamait à corps et à cri son innocence: dans le procès du tentaculaire narcotrafic de la petite ville de Canteleu (Seine-Maritime), le tribunal de Bobigny a relaxé jeudi l'ex-maire Mélanie Boulanger des poursuites pour complicité de trafic de stupéfiants.
Si le tribunal correctionnel a noté un "affaiblissement des garde-fous déontologiques" de l'élue socialiste de 47 ans, qui entretenait une relation avec son adjoint proche des trafiquants, il a en revanche considéré qu'il n'y avait dans le dossier aucun "acte positif" susceptible de caractériser une complicité.
L'élue socialiste, qui a démissionné en février du mandat qu'elle détenait depuis 2014, clamait son innocence depuis sa garde à vue d'octobre 2021. Elle démentait tout acte ayant favorisé les affaires du clan Meziani, famille qui tient d'une main de fer le trafic de drogues de sa ville.
Venue en robe noire au délibéré, Mélanie Boulanger a accueilli la relaxe avec une forte émotion. "J'ai perdu mon goût de me donner à la chose publique par un mandat mais j'ai retrouvé mon honneur et justice a été rendue", a-t-elle déclaré à la presse à la sortie.
"Enfin le cauchemar se termine (...) C'est un dossier qui a été beaucoup fantasmé", a dénoncé son avocat, Me Arnaud de Saint-Rémy, qui avait plaidé la relaxe. "Il était contradictoire de pouvoir lui reprocher ce qu'elle a toujours, toujours combattu", a-t-il ajouté.
Au nom d'une République "exemplaire" face à la pieuvre du narcotrafic dans cette "narco-ville", le parquet de Bobigny avait fin juin requis à son encontre un an de prison avec sursis, ainsi que cinq années d'inéligibilité et 10.000 euros d'amende.
Pour la procureure, la transmission aux trafiquants de certaines informations sensibles par la maire sous pression, ainsi que quelques-unes de ses interventions auprès de la police locale, signaient un "pacte de non-agression" avec les trafiquants.
Le tribunal a en revanche condamné à un an de prison avec sursis son adjoint et amant Hasbi Colak, qui avait notamment prêté sa voiture ayant servi à une transaction de cocaïne en Seine-Saint-Denis, pour "sanctionner les atteintes à la probité en tant qu'élu".
Organisation "clanique
Lors d'un procès chaotique étalé de fin mai à fin juin, le tribunal de Bobigny a jugé 18 prévenus en lien avec un trafic "de très haute intensité" de cocaïne, d'héroïne et de cannabis basé à Canteleu, commune pauvre de l'agglomération de Rouen.
Selon une estimation conservatrice du tribunal, cette organisation criminelle a généré un chiffre d'affaires de 15 millions d'euros sur les deux années visées par l'enquête, entre 2019 et 2021.
"Le tribunal a constaté une présence quasi-dynastique sur Canteleu, renforcée par les liens d'amitiés et de mariages, donnant au groupe délinquant un aspect clanique particulièrement difficile à infiltrer", a déclaré son président, Jean-Baptiste Acchiardi.
À la tête de cette "entreprise délinquante générant des rentrées de capitaux exceptionnelles", Aziz Meziani dit "Le U", le chef de clan en fuite au Maroc, a été condamné en son absence à la peine maximale de 10 ans de prison, ainsi que deux millions d'euros d'amende.
Les lieutenants d'Aziz Meziani, Camel Bey et Mohamed Mellouk, détenus depuis leur arrestation en octobre 2021, ont été condamnés à une peine de huit ans de prison et à des amendes de 200.000 et 300.000 euros.
Sa sœur Fouzia Meziani a été condamnée à trois ans de prison, dont un avec sursis, avec mandat de dépôt et devra s'acquitter d'une amende de 50.000 euros. Tous les autres prévenus ont été condamnés.
Au cours de quatre semaines d'une audience tumultueuse, hachée par les recours et les incidents, le tribunal correctionnel s'est heurté à un bloc de silence de la part des prévenus. Certains d'entre eux ne se sont pas présentés à l'audience ou ont refusé d'être extraits de leur cellule pour répondre aux questions.
La justice a donc dû en grande partie se rabattre sur la lecture des volumineuses écoutes issues des près de deux ans d'enquête, entre 2019 et 2021, qui documentent la mainmise du trafic de drogues à l'échelle d'une petite ville. Un phénomène en pleine expansion en France, dont s'alarmait récemment un rapport sénatorial.
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