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L’Ethyloborne, cet outil de prévention au service des entreprises

De par son expérience personnelle et professionnelle, le Mosellan Patrick Bordin est très sensibilisé aux problématiques liées à l’alcoolémie. Il en a fait son chemin de bataille en lançant sur le marché une borne éthylotest préventive «L’Ethyloborne», va à la rencontre des collectivités territoriales et de la sphère d’entreprise pour convaincre de sa démarche de santé publique. Si les données quant à la consommation d’alcool dans notre pays semblent montrer une relative amélioration, il n’empêche, la France n’est ici pas une bonne élève… surtout quand on l’associe à la conduite.

Patrick Bordin a lancé son entreprise juste avant la pandémie.
Patrick Bordin a lancé son entreprise juste avant la pandémie.

22 % de Français dépasseraient les plafonds de consommation d’alcool recommandés, d’après les données de Santé Publique France. Selon l’Inserm, l’alcool est responsable de 49 000 décès par an pour un coût social estimé à 118 Mds€. «L’alcool, c’est maximum deux verres par jour et pas tous les jours», martèle la radio et la télévision. Pour limiter l’impact sur la santé de la consommation d’alcool, depuis 2017, des repères de consommation à moindre risque (maximum dix verres par semaine, maximum deux verres par jour, et des jours dans la semaine sans consommation) font l’objet de campagnes d’information. Ces dernières années, une diminution a été observée, principalement chez les hommes, les plus jeunes, les plus âgés et ceux possédant des diplômes et de plus forts revenus. Et pourtant, malgré ces signes encourageants, la France reste l’un des pays au monde les plus adeptes de l’alcool et compte quelque 43 millions de consommateurs.

Comme un déclic...

Consommation d’alcool responsable directement ou indirectement de plus d’une soixantaine de maladies (cancers, maladies cardiovasculaires, digestives, mentales…). Elle est la première cause d’hospitalisation et la seconde cause de mortalité évitable en France, après le tabac. L’Inserm notait, dans l’une de ses notes épidémiologique : «La satisfaction individuelle et les profits financiers engendrés par la consommation d’alcool ne parviennent pas à dépasser le coûts des pathologies et la mortalité.» Il convient donc, au-delà de l’invocation de la «tradition» et la «culture hexagonale», de continuer à informer et sensibiliser sur les risques de la consommation d’alcool, même à faibles doses. «L’alcool, de par mon histoire familiale et professionnelle, je la fréquente depuis l’enfance», explique Patrick Bordin. Le Mosellan a créé juste avant la pandémie la société Ethyloborne, s’appuyant sur une expérience de trois décennies dans le monde de l’alcool auprès des centrales d’achat, grande distribution, entrepositaires, producteurs, cafés, hôtels et restaurants, réseaux de distribution. En 2018, il découvre dans la Marne une borne préventive dans une discothèque. «Là, je me suis dit que cet appareil était fort utile. J’ai eu cette idée de me lancer dans une démarche similaire, d'en créer un, de le diffuser à grande échelle, dans les lieux où du public et de l’alcool peuvent se rencontrer. Cela ne concerne pas seulement les discothèques, pas seulement les jeunes.»

L'Ethyloborne pour tous

Patrick Bordin comprend rapidement les potentialités d’un tel dispositif. Il en synthétise la démarche : «Il ne s’agit pas d’interdire aux gens, de boire, de s’amuser, mais d’y associer de la responsabilité individuelle et collective. En somme, réduire les risques, les conséquences irréversibles, le retard et l’absentéisme en entreprise, diminuer les accidents de travail.» Il va porter sur les fonts baptismaux sa société dénommée Ethyloborne et sur le marché un appareil éponyme. De fil en aiguille, il construit toute l’armature de son projet, en solo, des premières esquisses à la recherche d’un fournisseur qu’il trouve au Havre, au prototypage. À partir de là, Patrick Bordin prend son bâton de pèlerin pour aller présenter l'Ethyloborne. Il revient sur le principe : «Il s’agit d’une borne éthylotest conçue pour le grand public, pour les entreprises, les établissements, les lieux, où la sécurité et la prévention sont des questions sensibles. Elle offre une grande précision et est conviviale, afin que les utilisateurs puissent facilement administrer leurs propres tests d’alcoolémie en toute confiance. Entièrement automatisée et simple à utiliser, elle fournit des résultats exacts et fiables favorisant une plus grande sécurité.»

Un procédé normé, fiable et simple d'utilisation. © Ethyloborne.

Une borne exclusive sur le marché français

Si l’on s’arrête à l’aspect technique, l’Ethyloborne possède un senseur électrochimique du même type que celui retrouvé dans les appareils utilisés par les forces de l’ordre. Le senseur de qualité professionnelle fournit des résultats relatifs aux taux d’alcool en moins de dix secondes. Ces résultats ne sont pas biaisés par d’autres substances, telles que la fumée de cigarette, la poussière et l’humidité. L’Ethyloborne est aisé d’utilisation : il suffit d’insérer une paille dans son embouchure, de souffler modérément de façon continue pendant cinq secondes jusqu’à ce qu’un signal sonore retentisse. L’écran à diode lumineuse indique le taux d’alcool dans le sang et donne des renseignements relatifs aux taux obtenu. Et après, serait-on tenté de questionner ? «L’Ethyloborne indique si la personne peut conduire ou non. Après, c’est sa responsabilité, mais aussi celle de son cercle de collègues, amical, familial de le laisser repartir ou non ainsi alcoolisé. Car chacun est responsable.» Ce système est la seule borne éthylotest électronique grand public norme européenne obligatoire NF EN 16280 de communication préventive, fixe ou mobile sur le marché français.

L'alcool en entreprise, une réalité

Dès lors, dans quels milieux peut s’insérer l’Ethyloborne ? Le champ est vaste. Pêle-mêle, aéroports, ateliers, chantiers, fabricants, grossistes, distributeurs de vins et de spiritueux, universités, hôpitaux, stades et enceintes sportives, salons V.I.P., nucléaire, gares… Il est une sphère que Patrick Bordin essaie de particulièrement sensibiliser : celle de l’entreprise. On l’a vu précédemment, les Français figurent parmi les plus gros consommateurs d’alcool en Europe, avec une moyenne de 10,8 litres d’alcool pur par habitant et par an. Cela est profondément ancré dans les usages sociaux. Cette habitude se retrouve également dans le milieu du travail. Le cénacle professionnel est un facteur favorisant la consommation d’alcool, via les «pots», mais surtout par les repas d’affaires. Ces dernières années, plusieurs études ont été menées sur ce sujet de santé publique. Cette consommation d’alcool observée chez les salariés est équivalente à celle de la population générale d’âge comparable. Quatre personnes sur dix interrogées estiment «qu'il est souvent difficile de refuser de boire quand on est invité.» Selon une enquête Ipsos, sept personnes sur dix interrogées consomment de l’alcool lors de repas professionnels. En novembre 2021, une étude sur la prévention des pratiques addictives en entreprise pour l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) a été réalisée par l’Institut Cemka, auprès de 1 245 professionnels des services de santé au travail (médecins, infirmiers, psychologues, ergonomes). Avec des résultats édifiants.

Facteurs multifactoriels

Pour 64 % des répondants, la consommation d’alcool et de cannabis est répandue au travail. Les médecins du travail évaluent à 8,6 % les salariés en difficulté avec l’alcool, sans augmentation significative par rapport à 2009, année de référence d'une enquête similaire. En revanche pour le cannabis, ce taux est aujourd’hui de 7 %, avec une augmentation de deux points par rapport à 2009. Ces pratiques addictives ont une origine multifactorielle, c’est-à-dire qu’elles sont liées à la vie privée mais aussi à la vie professionnelle. D’où l’importance d’identifier les facteurs qui favorisent ces pratiques au sein de l’entreprise et de mener les actions de prévention adéquates. L’étude montre que 73,2 % des professionnels de santé au travail recherchent l’existence d’un lien entre le travail et la consommation de substances psychoactives. Quant à ces dernières, c’est l’alcool qui pose le plus de problème chez les travailleurs, à 91 %. Contre 66 % pour le tabac, 64 % pour le cannabis, 43 % pour les médicaments psychotropes. D’après eux, les facteurs qui favorisent le plus la consommation sont les risques psychosociaux (RPS), les horaires atypiques, le travail isolé, les pots en entreprise, les séminaires ainsi que le télétravail. On ajoutera que la fréquence de l'alcoolisme peut toucher jusqu'à 15 % d'un effectif.

Inscrire le risque «pratiques addictives» en entreprise

Lors des visites de suivi de l’état de santé des travailleurs, l’étude révèle que les médecins du travail prennent mieux en compte ces sujets qu’il y a une dizaine d’années. En effet, 75 % d’entre eux interrogent les salariés sur leur consommation d’alcool et retranscrivent cette information dans leur dossier médical en santé au travail contre 46 % en 2009. Pour le cannabis, ce taux est de 51 % alors qu’il n’était que de 17 % en 2009. Les médecins et infirmiers du travail apportent également leur aide aux salariés qui font usage de ces produits. Plus de la moitié des répondants donne des conseils et associe le médecin généraliste dans la prise en charge des problèmes liés aux pratiques addictives. Plus 60 % des médecins, infirmiers et psychologues conseillent aux employeurs d’inscrire le risque «Pratiques addictives», 80 % conseillent d’encadrer la consommation d’alcool en entreprise, 70 % de mettre en place des mesures de prévention vis-à-vis des facteurs de risque connus pour engendrer les consommations.

Responsabiliser, ne pas être dans le déni

Dans ce contexte où la prévention est le maître-mot, l’Ethyloborne a toute sa place à trouver. Il fait sens. Sans être moralisateur, ni vindicatif, Patrick Bordin rappelle néanmoins ce que dit la loi en termes d’obligations de l’employeur en la matière et ce que stipule le code du travail. Entre autres : «il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux du travail des personnes en état d’ivresse.» Ou encore «aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre, le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail. Quand la consommation de boissons alcoolisées, dans les conditions fixées au premier alinéa, est susceptible de porter atteinte à la sécurité et à la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur, en application de l’article L. 4121.1 du Code du travail, prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service, les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d’accident. Ces mesures peuvent prendre la forme d’une limitation, voire d’une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché.»

«Fais gaffe»

Patrick Bordin, en faisant le bilan de son implication, concède : «L’Ethylotest est victime de son succès. J’ai beaucoup de demandes dans plusieurs régions et à l’étranger… mais rien en Moselle ! Je dois continuer à convaincre à passer des bonnes intentions aux actes. Je sensibilise les chefs d’entreprise comme les maires. Si je résume le message que veut faire passer cette borne éthylotest à celui qui l’utilise, ce serait : fais gaffe.» «À l’achat, son prix est de moins de 3 500 €, à la location, de 140 € par mois. Quand y réfléchit, ce n’est pas beaucoup par rapport à ce que cela apporte. Sauver une seule vie, c’est inestimable. Maintenant, pour me développer, j’ai besoin d’investisseurs.» Pas un hasard s’il a choisi comme slogan pour l’Ethyloborne, lauréat du concours Innovation de le Sécurité routière l’an dernier, «un souffle, une vie préservée.» Lui en est convaincu : «L’alcool et le volant ne sont pas compatibles. Je suis pour un taux 0 %.» Dans la croissance de son entreprise, Patrick Bordin vient de s'adjoindre la collaboration d'un alternant, Enzo Lionnet. L'Ethyloborne poursuit sa route, dans cet ADN de prévention avant tout. Patrick Bordin sera présent les 13 et 14 décembre au premier salon MICE de la Grande Région - The Mix qui se tiendra à Metz Congrès Robert Schuman.

En alternance chez Ethyloborne, Enzo Lionnet va contribuer au développement de l'entreprise. © Ethyloborne.

Pour aller plus loin : https://www.ethyloborne.com/

Pot d'entreprise, quelle responsabilité de l'employeur ? 
Si un accident survient pendant ou après un pot, l'employeur peut voir sa responsabilité engagée, pour faute inexcusable : il est tenu envers le salarié à une obligation de sécurité de résultat. En cas d'accident du travail, tout manquement à cette obligation peut engager sa responsabilité sur le fondement. Également, sur le plan pénal. Notamment pour non-assistance à personne en danger ou homicide involontaire. En cas d'accident suite à un pot, le salarié victime ou ses ayants droits pourront éventuellement engager la responsabilité de l'employeur. Enfin, sur le plan civil. L'employeur peut être tenu responsable des dommages éventuels que ses salariés peuvent causer à des tiers.