Gazettescope

L'entreprise est aussi politique...

Les élections européennes auront lieu en France le dimanche 9 juin. À l’issue du scrutin, 81 députés seront élus. Dans notre pays qui oscille entre crise de confiance, perte de repères et défiance grandissante envers les organes démocratiques, l’entreprise a un rôle structurant à jouer dans les débats sociétaux, en tant que communauté humaine, force d'action et de propositions. Cela commence à l’échelon local. Par exemple en Moselle où les groupements d’entreprises rencontrent et dialoguent avec les élus. D’élémentaires cohabitation et coopération territoriales, il faut sans doute aller plus loin.

Ces dernières années, de plus en plus d’acteurs attendent de l’entreprise qu’elle dépasse la seule rentabilité et s’implique dans les débats de la société, qu’elle présente un caractère plus engagé et plus citoyen. Cela concerne de nombreux sujets, comme l’inclusion, l’égalité hommes-femmes, l'emploi des jeunes et des seniors, l’environnement… Un nombre croissant d'entreprises assume désormais cette position d’acteur de la société, s’échappant d’une position neutre et passive. On le lit tous les jours dans les enquêtes sur le sujet : de plus de en plus de citoyens doutent des institutions, du pacte qui nous unit. Une crise de confiance sociétale, une perte de repères, un effritement du contrat social au fil des crises que nous vivons collectivement. Refaire société et refaire nation : vital.

L'information est différente de la communication

Avec le développement de la fonction RSE, l’accélération post-Covid-19 de nouvelles aspirations quant au travail, la quête de sens, le statut d’entreprise à mission, l’entreprise se retrouve au cœur de l’espace public et doit prendre des positions sur des questions éthiques et sociales, sur les débats politiques, autant au niveau national qu’international. Prendre position tout en maîtrisant les risques : un défi. Dans une société fracturée, bouleversée par la montée des populismes, le débat public est forcément affaibli : brouillage entre la vraie information et la fake news, entre information et communication, entre ce qui est média véritable et pseudo média, omnipotence des réseaux sociaux. Pourtant, dans une démocratie, une presse saine, pluraliste, de qualité, est fondamentale, car avant d’exprimer un avis, une idée, il est essentiel de bien saisir l’enjeu, de comprendre le réel.

L'entreprise doit affirmer ses valeurs et des axes clairs

Malheureusement, actuellement, le débat public s’est éloigné de ce réel, la société semble ne le concevoir que dans la confrontation des idées, des opinions, en se focalisant uniquement sur le sensationnel et les aspects les plus négatifs. Tout au presque devient clivant et source de conflits, d'affrontements, pas seulement verbaux. Difficile alors pour la parole posée et sensée de se faire une place dans un débat public peu ouvert. Et la parole du chef d’entreprise dans tout ce brouhaha ? Elle est trop souvent détournée, rendue inaudible. C’est en s’appuyant sur un positionnement clair, sur ses valeurs assumées, que l’entreprise sera en mesure de prendre part à ce débat public de manière efficace et moins périlleuse. Cela veut dire pour elle faire preuve de transparence, parvenir à expliquer des axes clairs sur l’économie, les enjeux écologiques et sociaux. En somme, apprendre à voir large, à se projeter, à éviter les poncifs, à se poser les bonnes questions, à exposer ses solutions, à impliquer dans ses rouages ses salariés mais aussi les citoyens quand elle prend des décisions.

La ligne de crête ténue entre débat et influence

L’entreprise, face aux politiques, doit s’ouvrir sur de multiples sujets et prendre la parole, tout en restant à sa place. Il ne s’agit pas d’orienter la démocratie mais plutôt de la défendre. L’État édicte des règles, construit des normes. L’entreprise doit ici accompagner le changement et peut aussi avancer là où l’État ne va pas assez vite, tant qu’elle demeure ancrée sur ses valeurs démocratiques. En France, elle se situe dans un paysage où le vote n’est pas obligatoire et où les taux d’abstention grimpent à chaque scrutin. La donne est différente dans une vingtaine de pays dans le monde ayant des lois rendant le vote obligatoire (dans le plupart de ceux d’Amérique latine en Australie, en Belgique, en Egypte, au Luxembourg…). En France, l’entreprise a forcément quelque chose à dire sur des enjeux électoraux qui la concerne directement, elle et ses collaborateurs. Le futur scrutin européen l’appelle donc à s’exprimer. Ce ne serait pas un luxe par les temps présents. Nous dirions pour élever le niveau et placer le curseur à la hauteur de l’enjeu. Le temps est à l'urgence quant à cette exigence de qualité démocratique, pour éviter que celle-ci continue à se déliter.