Retour à l'emploi
L'entreprise éphémère : sept semaines pour retrouver un job
Une initiative originale, inédite en Picardie, débute près de Soissons. Une cinquantaine de demandeurs d'emploi longue durée s'unissent pour monter une « entreprise éphémère » fictive et temporaire, dédiée à ce que chacun retrouve un emploi. L'initiative est menée par la DDETS (Direction départementale de l'emploi, du travail et de la solidarité) et par France Travail dans les locaux de l'entreprise Chromalox Etirex qui a fermé ses portes en janvier 2023.
L'initiative est originale et a le vent en poupe ces dernières années en France. Le Soissonnais accueille la 53ème entreprise éphémère mise en place à l'échelle du pays, la première en Picardie. Le concept de l'opération part du postulat suivant : et si les personnes en recherche d’emploi n’étaient pas des demandeurs d’emplois, mais des acteurs de l’emploi ? Une cinquantaine de demandeurs d'emploi longue durée (plus de 12 mois) du bassin soissonnais se sont vus proposer de participer à cette aventure pour s’associer et se fédérer dans une aventure entrepreneuriale et collective dont la durée de vie est de 7 semaines.
Obligation de revitalisation
« Il s'agit d'une action à l'initiative de la DDETS, rendue possible par le fonds de la revitalisation de l'entreprise Chromalox Etirex qui a mis en œuvre 4 Plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) dont 2 depuis 2020 qui ont abouti à la suppression de 90 emplois et à la fermeture de l'entreprise en janvier 2023, resitue Carine Montigny, directrice de la DDETS. Quand une entreprise procède ainsi à des licenciements importants, elle impacte de façon négative un bassin d'emploi et peut être soumise à une obligation de revitalisation sur le principe un peu de "tu casses, tu répares". Nous parlons ici d'une vieille entreprise du Soissonnais présente depuis les années 1960 qui a été d'accord pour mener une action de redynamisation. »
Après discussions avec
Chromalox Etirex, l'action structurante pour l'emploi durable retenue
est donc la création pour la première fois dans l'Aisne d'une
entreprise éphémère dédiée au retour à l'emploi de chômeurs du
secteur. « C'est aussi la 1ère fois que cette entreprise
éphémère s'installe dans les locaux de l'entreprise ayant fermé
puisque l'agglomération GrandSoissons a racheté le site de Noyant-et-Aconin et le met à
disposition », précise Carine Montigny. L'agence France
Travail de Soissons est partie prenante de cette opération. « Notre
agence et les missions locales ont trouvé une cinquantaine de
chômeurs longue durée auxquels il a été proposé ce projet,
relate Cyrille Lambert, directeur de France Travail Soissons. Ils
vont être encadrés par trois coachs et ils vont travailler en
équipe et seront sur un rythme de recherche d'emploi 4 jours par
semaine. »
Entr'Aisne pour retrouver un job
Le 30 Fab, acteur positionné sur les enjeux d’inclusion, de développement local et de l’engagement RSE des entreprises, a été chargé de monter et d'animer le projet avec les demandeurs d'emplois qui deviennent des associés de cette entreprise éphémère. « Nous avons parmi les 50 personnes une mixité hommes femmes, d'âges, de qualifications et de métiers, souligne Christine Beaupel du 30 Fab. Ils ont créé leur entreprise dans ce but de chercher un emploi pour eux-mêmes et pour les membres du collectif. Ils sont dans une posture d'associé et ont tous mis symboliquement 2 euros sur la table. L'entreprise va s'appeler Entr'Aisne, ils l'ont décidé et va être organisée en plusieurs services durant les 7 semaines. »
Ainsi, Entr'Aisne compte 5 services similaires à ceux qu'on retrouverait dans toute entreprise. Celui dédié aux RH regroupe la partie administrative et va gérer les projets professionnels de chacun, les CV, leurs talents, leurs compétences. Le service commercial sera chargé d'aller à la rencontre des chefs d'entreprise locaux, de sonder leurs besoins de main-d’œuvre et de faire connaître l'entreprise éphémère auprès d'eux. Un service de call-center va aussi être chargé d'appeler les entreprises de rêve de chacun des participants, de récolter leurs offres d'emploi et d'organiser des matinales à thème en invitant des chefs d'entreprise et en organisant des jobs dating.
Le service web/informatique va lui aider les participants à monter en compétences sur ce sujet, va gérer le matériel et saisir les données des entreprises pour réaliser une base de données des entreprises du territoire. Le service communication va lui gérer les communications internes, travailler sur un logo de l'entreprise, des cartes de visite et sur la signalétique du lieu.
« À chaque fois qu'un associé retrouvera un emploi, nous sonnerons la cloche et l'objectif est de faire sonner cette cloche le plus possible, expose Christine Beaupel, consultante et coach en entreprise. Ce dispositif se déploie en France depuis 7 ans, il s'agit de la 53ème entreprise éphémère et à chaque fois, 50 à 70% des participants retrouvent un emploi durable. »
L'entreprise éphémère fermera ses portes le 11 juillet mais un accompagnement sera toujours proposé par les équipes locales de France Travail. « Il arrive que les participants retrouvent un emploi dans les deux à trois mois qui suivent l'expérience donc il est important de continuer à les suivre », précise Christine Beaupel.
Une friche qui se tourne vers l'ESS
Parmi les participants à cette entreprise, on retrouve et c'est un hasard, deux anciens salariés licenciés de chez Chromalox Etirex. « Quand j'ai compris que l'entreprise éphémère aurait lieu ici, cela m'a un peu fait bizarre, raconte Sarah Grall, qui a travaillé durant 20 ans dans cette entreprise à l'atelier cartouches pour fabriquer des radiateurs, à la préparation puis à la logistique. J'ai accepté tout de suite ce projet parce que c'est plutôt une opportunité. » Lenny Hasley, 52 ans, ne travaillait pas pour l'ancienne entreprise mais voit lui aussi d'un bon œil cette aventure : « Avant, je retrouvais facilement un emploi mais à partir de 45 ans, c'est plus compliqué, remarque-t-il. Ce dispositif me semble valorisant pour nous comme pour le territoire et j'espère trouver un poste en communication. »
Du côté de GrandSoissons Agglomération, on souhaite orienter cette friche vers l'économie sociale et solidaire (ESS). « Il y a eu beaucoup d'emplois de perdus ici mais nous avons fait l'effort de reconquérir cette friche industrielle en en faisant l'acquisition via l'EPFLO (Etablissement Public Foncier Local des territoires Oise et Aisne) pour aller vers l'ESS. Un emploi sur dix se crée aujourd'hui dans ce secteur, souligne Loïc Lalys, conseiller délégué à l'économie de GrandSoissons. Nous avons investi 150 000 euros pour réaménager le site, accueillir l'association Aisne Collecte qui collecte des biodéchets pour les valoriser par la méthanisation ou encore pour bientôt développer un nouvel atelier pour SEVE Mobilier. »