Entretien avec Grégory Mouy, président de la Compagnie régionale des Commissaires aux Comptes
« L'économie a plus que jamais besoin de transparence »
Alors que la mission de certification des données Environnement, social et gouvernance (ESG) va devenir obligatoire au 1er janvier 2025 pour environ 50 000 entreprises, les commissaires aux comptes régionaux se préparent à ces nouvelles missions, en tant que tiers indépendants. Grégory Mouy, président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes, revient sur les enjeux de formation et de compétences.
Picardie La Gazette : La Compagnie régionale s'est réunie en octobre dernier à Chantilly pour son Assemblée générale. Il a été question de formations mais aussi d'actualité de la profession.
Grégory Mouy : En effet, nous nous sommes réunis sur deux jours lors de notre Université d'automne, avec des formations notamment sur les normes d'exercice professionnel, les nouveaux outils digitaux, ainsi que sur le management et le bien-être en entreprise et la Responsabilité sociale et environnementale (RSE).
La RSE est un chantier important pour la profession, puisque vous allez bientôt devoir certifier ces données extra-financières pour le compte de vos clients. Les sociétés concernées devront notamment présenter une description du modèle commercial, leur politique sociale et environnementale ou encore des indicateurs de performance.
La directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) est parue le 10 novembre dernier, elle vise notamment à combler les lacunes des règles existantes en matières d'informations extra-financières et s'adresse pour l'instant aux entreprises de 250 salariés, 40 millions d'euros de chiffre d'affaires ou 20 millions d'euros de bilan, soit environ 50 000 entreprises. L'obligation de certification est prévue pour le 1er janvier 2025 et en effet, pour les tiers indépendants que nous sommes, c'est l'occasion d'ajouter une nouvelle mission à la profession.
Comme nous intervenons déjà dans les structures pour valider leurs états financiers, nous avons connaissance de ces éléments et aurons la possibilité de valider ces informations extra-financières. Nous n'avons pas encore les détails précis des critères à valider mais on peut par exemple penser au bilan carbone, aux investissements éco-responsable, etc.
Comment allez-vous vous approprier cette nouvelle mission ?
C'est incontournable. Nous n'en sommes encore qu'aux prémisses mais la Compagnie Nationale a déjà mis en place des formations dédiées à la certification d'informations extra-financières. Si cela ne va concerner dans un premier temps que 50 000 entreprises, je pense que cela va ensuite s'élargir. Il faut que l'ensemble des acteurs économiques s'emparent de la question et puissent avancer en matière d'éco-responsabilités mais aussi de questions sociales si l'on veut conserver nos talents et sortir de cette spirale infernale des difficultés de recrutements.
Vous ressentez ces difficultés auprès de vos clients, voire au sein de la profession ?
Ce qui est compliqué pour nos clients, c'est qu'après avoir traversé la période Covid, ils entrent dans une nouvelle ère avec des difficultés d'approvisionnement, une rareté de la matière, l'augmentation du coût de production et maintenant, la crise énergétique.
Au niveau des Ressources humaines, les standards ont changé et il va falloir trouver un équilibre. Dans notre profession, que ce soit en audit ou en expertise-comptable, nous avons beaucoup de difficultés à recruter. C'est pourquoi on mène de nombreuses campagnes d'attractivité à destination des jeunes, en travaillant main dans la main avec l'Ordre des experts-comptables Hauts-de-France, pour expliquer tout l'intérêt de notre mission, tant du point de vue humain qu'économique. Ce sera notamment le cas avec la Nuit qui compte, le 14 décembre prochain au BMB d'Amiens et le 19 janvier 2023 au Network à Lille (de 18 h 30 à minuit).
Quels sont les autres projets en cours pour les commissaires aux comptes ?
La certification des comptes des collectivités territoriales. Un test est mis en place depuis 2015, avec une fin d'expérimentation prévue cette année pour déboucher sur une conclusion en 2023 ; conclusion qui sera ensuite présentée au Parlement. Cette certification permettrait une transparence, indispensable pour valider la correcte utilisation de fonds publics octroyés mais aussi ceux dont les collectivités locales bénéficient. Dans cette ère post-Covid, l'économie a plus que jamais besoin de cette transparence.