L’industrie ferroviaire ne perd pas le nord

SIFER est le seul salon international de l’industrie ferroviaire à rassembler en France l’ensemble d’une filière. Du 26 au 28 mars, les 400 exposants ont pu nouer des partenariats stratégiques au sein d’une région qui se hisse tout en haut du palmarès français concernant ce secteur d’avenir.

Gilles Kern, directeur de l’usine Alstom de Petite Forêt, préside le Pôle d’excellence régional ferroviaire qui s’est constitué en décembre dernier.
Gilles Kern, directeur de l’usine Alstom de Petite Forêt, préside le Pôle d’excellence régional ferroviaire qui s’est constitué en décembre dernier.
Victor Mahieu

Frédéric Cuvillier, ministre délégué en charge des Transports, et Daniel Percheron, sénateur du Pas-de-Calais et président du conseil régional Nord-Pas-de-Calais, lors de la cérémonie inaugurale du SIFER.

Hébergeant en son sein une centaine d’entreprises, dont les trois grands donneurs d’ordre (Bombardier, Alstom et Siemens) et forte de 10 000 salariés, la région Nord-Pas-de-Calais affiche fièrement son savoir-faire dans le domaine de l’industrie ferroviaire et ne vole donc pas sa 1re place en France. L’Hexagone, quant à lui, décroche la 3e place au niveau mondial, derrière la Chine et l’Allemagne. Avec au total 4,8 milliards de chiffre d’affaires, 1 250 entreprises impliquées et 21 000 emplois directs, l’activité ferroviaire semble ainsi lancée à grande vitesse alors que d’autres secteurs industriels sont écrasés par la crise. Les entreprises ont su maintenir leur outil de production en France et démontrer leurs compétences.

Mobilité et compétitivité. Afin de rester compétitif, le secteur ne doit pas s’écarter des notions de coopération et de mobilité qui représentent un véritable enjeu et la seule route vers le succès à l’international. «C’est un marché qui se mondialise. Pour maintenir leur activité et se développer, les entreprises doivent adopter une stratégie à l’export. La coopération est à la clé. C’est l’enjeu affiché par l’Association des industries ferroviaires Nord-Pas-de-Calais, établit Héric Manusset, directeur général de l’AIF. Aussi, il est important de créer un environnement économique et technique favorable. C’est l’ambition affichée par le Pôle d’excellence ferroviaire régional qui a été récemment créé.» En outre, l’innovation et la formation sont aussi au cœur de la stratégie régionale. «Ces points sont sur la feuille de route du nouveau Pôle qui doit être prochainement dévoilée» rappelle Gilles Kern, son président et directeur d’Alstom Petite-Forêt.  

Etre le Toulouse du ferroviaire. Lors de l’inauguration de cette 8e édition du SIFER, 6e année consécutive dans la capitale des Flandres, Louis Nègre, président de la Fédération des industries ferroviaires (FIF), a rappelé l’importance de ce salon afin de faire le point sur l’évolution et l’avenir de la filière. «Quel autre lieu aurait été d’ailleurs le plus approprié que celui de Lille ?», lance-t-il avec le sourire. Cet événement majeur survient après la réunion du comité stratégique de la filière ferroviaire, le 11 janvier dernier à Valenciennes. «Le salon constitue un moment privilégié pour échanger sur les grands enjeux du secteur, telle que la constitution d’une filière ferroviaire française structurée, performante, compétitive, pérenne et solidaire» insiste-t-il. Et de poursuivre : «Ce rendez-vous permet aussi d’approfondir des réflexions sur les mutations nécessaires de la filière.»  Daniel Percheron, sénateur du Pas-de-Calais et président du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, lance à son tour avec humour : «Une journée qui commence en saluant Guillaume Pépy n’est pas une journée comme les autres.» Il confirme que la région a un vrai rôle à jouer dans ce domaine : «Nous souhaitons être le Toulouse du ferroviaire. Nous pensons qu’avec la densité de nos constructeurs et notre pôle de compétitivité, nous avons cette vocation. Par ailleurs sera bientôt construite dans la Sambre la première boucle d’essais ferroviaires consacrée aux infrastructures. Un canton où le chômage est l’un des plus forts de France. Cette ambition est bien au service du développement économique et de l’optimisme régional.»

20 milliards d’euros, c’est bien, mais insuffisant”. Pour que cette filière tienne la route et se prépare à la sortie de la crise, il faut «avoir un temps d’avance» indique Claude Gewerc, président du conseil régional de Picardie… et l’appui incontestable de l’Etat. «Il faudra un gouvernement attentif à l’avenir de l’industrie, un choc de compétitivité. Par ailleurs, 20 milliards  d’euros, c’est bien, mais insuffisant», souligne Daniel Percheron. Et ceci n’est pas sans rappeler l’épée de Damoclès au-dessus  de la tête de Réseau Ferré de France : «Je crois qu’il n’y a pas d’avenir ferroviaire si les 30 milliards de dettes du RFF ne sont pas assumés par l’ensemble de la nation.» Frédéric Cuvillier, ministre délégué en charge des Transports, a quant à lui rappelé l’importance d’une visibilité qui va de pair avec les quatre futurs grands projets, constituant par ailleurs une aubaine pour les entreprises régionales. «Nous avons le Grand-Paris (23 milliards de perspectives d’aménagement), l’appel à projets des collectivités sur le transport urbain (450 millions d’euros), le TGV du futur pour 2018, et les moyens de mobilisation de financement pour le renouvellement des 3 milliards de TER d’ici dix ans. Des projets qui viendront garnir les carnets de commandes des industries. Il a fallu aussi dresser le paysage décisionnel de l’enjeu ferroviaire», confirme-t-il. Tout un programme qui affiche surtout la mobilisation des moyens. «Mais il faudra des contrats de projet qui règlent le rapport entre les régions et les partenaires. Nous avons besoin de rationalité pour aller au bout de notre volonté», souligne Daniel Percheron.

D.R.

Gilles Kern, directeur de l’usine Alstom Petite-Forêt, préside le Pôle d’excellence ferroviaire régional qui s’est constitué en décembre dernier.

Trois questions à Gilles Kern, président du Pôle d’excellence ferroviaire régional  et directeur de l’usine Alstom Petite-Forêt.

La Gazette. Quelle est la feuille de route de ce nouveau pôle ?

Gilles Kern. Le Pôle d’excellence ferroviaire régional est né d’une décision régionale et de l’Etat en décembre dernier. Il est chapeauté par l’AIF,  Transalley (le technopôle du Valenciennois) et Transports terrestres promotion (association porteuse du pôle de compétitivité i-Trans). Nous avons ébauché les grandes lignes de la feuille de route mais nous devons la construire dans le détail, dès lors que nous aurons recruté notre directeur. Cependant, les missions principales sont de donner de la visibilité, faire le bilan des industries régionales, coordonner l’ensemble des acteurs (constructeurs, fournisseurs, universitaires) et mieux communiquer pour se faire connaître du grand public et des politiques. C’est ainsi rendre le territoire attractif pour les entreprises et d’éventuels investisseurs, et porter l’innovation sur le territoire pour pouvoir rayonner sur le monde. La pérennité passe par ces initiatives. C’est important car la région regroupe un tiers des emplois du ferroviaire français.

Comment se porte l’activité ferroviaire régionale ?

L’activité régionale ferroviaire se porte plutôt bien. Nous avons une visibilité sur les trois ans à venir avec de nombreux contrats ainsi que des projets mondiaux. Mais l’avenir passera par le développement des petites entreprises. C’est essentiel pour s’exporter et être compétitif.

Si la région bénéficie d’un savoir-faire, qu’en est-il de la formation ?

Dans l’ensemble des projets du Pôle, j’inclue bien évidemment les écoles. La formation ne se fait pas qu’à travers l’apprentissage. Nous sommes d’ailleurs en train de développer un cursus avec l’université de Valenciennes, qui démarrera à la rentrée prochaine. En outre, nous appuyons aussi le monde de la recherche afin de trouver des innovations et avoir un coup d’avance. D’ailleurs, de nouveaux métiers émergent. Il faut conserver ce potentiel d’innovation porté principalement par i-Trans. Par ailleurs, en ce qui concerne mon site Alstom, 4 à 6 millions d’euros sont investis pour la R&D par an.