L’évolution jurisprudentielle de la garantie d’actif et de passif
place la convention de garantie d’actif et de passif. Cette garantie oblige le vendeur, devenu garant, de prendre en charge au profit de l’acquéreur, devenu bénéficiaire, un passif révélé ou une diminution de l’actif de la société cédée après la cession des droits sociaux. L’acquéreur veut ainsi se garantir de tous les éléments dont il n’avait pas connaissance et qui diminue la valeur de la société qu’il achète.
Chaque cession de contrôle est quasiment systématiquement assortie d’une garantie d’actif et de passif. Encouragée par la jurisprudence, cette pratique apparaît également dans les opérations de restructuration, notamment les fusions, et même dans des opérations d’augmentation de capital, ce qui apparaît critiquable au regard de l’affectio societatis.
Devenue très fréquente, la jurisprudence a pu, ces dernières années, préciser les contours de la garantie d’actif et de passif quant à son objet (1) ou sa mise en oeuvre (2). De même, s’est posée la question du transfert possible ou non de cette garantie (3).
1. Volonté des parties. Les clauses de garanties doivent être rédigées avec soin et exprimer clairement et complètement la volonté des parties. A défaut, le juge doit rechercher quelle a été la volonté des parties (cass. com. 28 sept. 2010 n° 09-17.388). De même, le juge doit respecter la volonté des parties plutôt que s’arrêter au sens littéral des termes mais il ne peut interpréter que les clauses ambiguës. Si la clause est claire et précise, il doit en faire une application et n’a plus le pouvoir de l’interpréter (cass. com. 24 mai 2011 n° 10-13 871). Fort de ces principes, la jurisprudence est venue à plusieurs reprises rappeler et interpréter des conventions. Il a été ainsi décidé que seule la garantie de passif pouvait être retenue (garantie de toute augmentation de passif) et non une garantie d’actif (couvrant le bénéficiaire de toute diminution d’actif) au motif de clauses insuffisamment claires (cass. com. 13 déc. 2011 n°10-20.985).
En conséquence, à défaut d’indiquer clairement la nature de la garantie souhaitée le juge risque d’être très limitatif dans son appréciation. Cela peut desservir tant le garant que le bénéficiaire.
2. Procédure d’information et délai. La garantie doit indiquer clairement la procédure d’information et notamment le délai dans lequel l’information d’une mise en jeu de la garantie doit intervenir, ainsi que les sanctions encourues en cas de non-respect de cette procédure. A défaut, si le délai n’est pas assorti d’une sanction expressément prévue, le non-respect de la procédure mise en oeuvre n’entraînera aucune sanction (cass. com. 14 mai 2013 n°12-19.766). Les juges, là encore, font une application stricte de la convention. Lorsque la garantie de passif sanctionne le non-respect du délai d’information du cédant par la déchéance de tous droits au titre de ladite convention, la sanction s’applique, et ce, même si le garant avait connaissance de ces événements avant la cession (cass. com. 15 mars 2011 n°09- 13.299). Cette déchéance de la garantie pour non-respect des obligations de mise en oeuvre peut avoir également comme fondement l’exception d’inexécution (CA Paris 9 avril 2013 n°12/00631 ch. 5-8, SAS Bull. c/O).
Il paraît donc prudent de prévoir que la déchéance ne peut avoir d’effet que si elle porte un réel préjudice au bénéficiaire. 3. Nom du bénéficiaire. La garantie doit indiquer clairement le nom du bénéficiaire en cas de mise en jeu de la garantie : soit la société cédée, soit l’acquéreur. Ainsi il existe deux natures de garantie : la “garantie de valeur” au profit de l’acquéreur (société/ acquéreur) et la “garantie de bilan” au profit de la société cédée.
Un arrêt du 14 mai 2013 (cass. com. 14 mai 2013 n°12-15.119) rappelle ce principe jurisprudentiel en faisant la distinction entre les deux bénéficiaires (société/ acquéreur) dans une même garantie. La partie couvrant le prix de cession par une diminution d’actif bénéficie à l’acquéreur et la couverture de l’augmentation de passif bénéficie à la société. Par le jeu de la stipulation pour autrui, l’acquéreur des titres sociaux est en droit d’agir en exécution de la garantie de passif stipulée en faveur de la société dont il acquiert les titres à condition que la garantie soit mise en jeu au profit de cette dernière.
En cas de cession des droits sociaux de la société bénéficiaire de la garantie deux hypothèses se posent :
– en cas de garantie de bilan profitant à la société, cette dernière demeure la seule bénéficiaire de la garantie (Cour de cass. 11 sept. 2012 n° 09-69.347) ;
– en cas de garantie de valeur, stipulée au profit de l’acquéreur, celui-ci reste toujours bénéficiaire de la garantie malgré la revente de ses droits sociaux sauf stipulations contraires (cass. com. 11 sept. 2012 n°11- 13.167). Il ne peut céder ses droits.
En cas de fusion, lorsqu’une société bénéficiaire d’une garantie d’actif et de passif est absorbée, la société absorbante, venant aux droits de cette dernière, devient bénéficiaire de cette garantie (cass. com. 11 sept. 2012 n°09-69.347).
La garantie d’actif et de passif est un acte particulièrement technique. L’abondance de la jurisprudence de ces dernières années sur ce sujet en est une preuve éclatante. Des notions juridiques complexes sont de plus en plus posées par les plaideurs, ce qui nécessite que la rédaction de ces actes soit réalisée exclusivement par des juristes chevronnés pour éviter des déconvenues importantes, tant au profit d’un acquéreur que d’un cédant. Les incidences financières peuvent être considérables, pouvant reprendre jusqu’à 30% du prix de la cession ! Trop de prétendus juristes pensent que cet acte est standard. Bien au contraire, la jurisprudence montre bien l’importance de la rédaction de ce document.