L’entreprise et les salariés : salariés protégés
Licenciement. L’employeur est tenu de demander l’autorisation administrative de licencier un salarié qui bénéficie du statut protecteur à la date de l’envoi de la convocation à l’entretien préalable au licenciement. Peu importe que la lettre notifiant le licenciement soit envoyée après l’expiration de la période de protection (cass soc. 18 décembre 2013 – pourvoi n° 12-23745).
En l’espèce, un salarié avait été présenté par le syndicat CGT comme candidat aux élections des délégués du personnel, le 9 janvier 2004. Il avait été convoqué à un entretien préalable au licenciement le 24 juin suivant. A la suite de son licenciement prononcé par lettre du 15 juillet 2004, sans autorisation de l’inspecteur du travail, il avait saisi la juridiction prud’homale en invoquant le fait qu’il bénéficiait du statut protecteur jusqu’au 9 juillet 2004.
Inaptitude physique. Lorsqu’une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, l’administration du travail vérifie que l’inaptitude est réelle et justifie le licenciement. Il ne lui appartient pas de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d’un harcèlement moral. L’autorisation de licenciement donnée par l’inspecteur du travail ne s’oppose pas à ce que le salarié fasse valoir en justice tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude quand il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations (cass. soc. 27 novembre 2013 – pourvoi n° 12-20301). Une déléguée du personnel, comptable à temps complet, avait été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement le 3 août 2010, après que le médecin du travail a constaté son inaptitude à tout poste dans l’entreprise et que l’inspecteur du travail a autorisé son licenciement. L’employeur avait été condamné à payer à la salariée des dommages et intérêts pour perte d’emploi, outre une indemnité de procédure.
Pour la Cour de cassation, dans le cas où une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l’administration du travail de vérifier que l’inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement. Il ne lui appartient pas en revanche, dans l’exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d’un harcèlement moral dont l’effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail. Ce faisant, l’autorisation de licenciement donnée par l’inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir, devant les juridictions judiciaires, tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations. Or, en l’espèce, la salariée établissait que le harcèlement moral subi était à l’origine de son inaptitude physique. Elle était donc fondée à solliciter la réparation du préjudice résultant de la perte d’emploi. Même décision de la chambre sociale concernant une salariée, élue délégué du personnel suppléant, que le médecin du travail avait déclarée inapte avec danger immédiat de maintien au poste en application de l’article R. 4624-31 du code du travail, le 14 janvier 2009. L’inspecteur du travail avait autorisé son licenciement le 19 février suivant. L’employeur lui avait notifié son licenciement pour inaptitude le 24 février. Estimant avoir été victime d’un harcèlement moral, la salariée avait saisi la juridiction prud’homale afin, notamment, d’obtenir la réparation du préjudice moral en résultant. Elle avait sollicité, devant cette juridiction, un renvoi devant le tribunal administratif aux fins qu’il apprécie la légalité de l’autorisation administrative de licenciement (cass. soc. 18 décembre 2013 – pourvoi n° 12-19273).
Indemnisation. L’annulation par le ministre de la décision de l’inspecteur du travail ne laisse rien subsister de celleci. Le salarié, qui n’a pas demandé sa réintégration, n’a droit qu’à une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et l’expiration du délai de deux mois à compter de la notification de la décision annulant l’autorisation. Cette somme ne peut se cumuler avec les allocations chômage et les revenus d’activité professionnelle perçus pendant cette période (cass. soc. 18 décembre 2013 – pourvoi n° 12-19590).
Une salariée avait été élue délégué du personnel et membre du comité d’entreprise à compter de l’année 2000. Par une décision du 8 janvier 2004, l’inspecteur du travail avait refusé l’autorisation de la licencier. Sur recours hiérarchique, le ministre du Travail avait annulé, le 11 juin, le refus de l’inspecteur du travail et accordé l’autorisation de licencier pour motif économique. Par un jugement du 21 mars 2008, le tribunal administratif avait annulé la décision du ministre. Les juges du fond avaient déclaré le licenciement de la salariée nul et condamné l’employeur à lui verser une somme au titre de la perte de rémunération subie pendant la période du 23 juin 2004 au 21 mars 2008, sans déduction des salaires ou revenus de remplacement perçus pendant cette période. La Cour de cassation rejette cette décision.
Le salarié protégé, licencié sans autorisation préalable, qui demande sa réintégration pendant la période de protection, a droit à la rémunération qu’il aurait perçue jusqu’à sa réintégration. Cette rémunération lui est également due alors que la demande de réintégration est formulée après l’expiration de la période de protection en cours, pour des raisons qui ne sont pas imputables au salarié (cass. soc. 18 décembre 2013 – pourvoi n° 12-23745).
Pour allouer au salarié une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, au moins égale à celle prévue par l’article L. 1235-3 du code du travail, les juges du fond avaient retenu que l’intéressé ne pouvait prétendre à la fois à une indemnisation spécifique liée à la poursuite du contrat et à une indemnisation liée à sa rupture.
Dans sa décision, la Cour de cassation rappelle que le salarié protégé, licencié sans autorisation préalable, qui demande sa réintégration pendant la période de protection, a droit, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, à la rémunération qu’il aurait perçue jusqu’à sa réintégration. Cette rémunération est également due alors que la demande de réintégration est formulée après l’expiration de la période de protection en cours, pour des raisons qui ne sont pas imputables au salarié. Lorsqu’il est constaté judiciairement que l’employeur fait obstacle à la réintégration, le salarié a droit d’une part au paiement d’une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait perçue jusqu’à la date de renonciation à sa réintégration, d’autre part aux indemnités de rupture de son contrat de travail, et enfin à une indemnité pour licenciement illicite au moins égale à celle prévue par l’article L. 1235-3 du code du travail.