L’entreprise et les salariés : ruptures conventionnelles
Dans de récentes décisions, la Cour de cassation confirme et précise plusieurs points en matière de rupture conventionnelle.
Litige préalable
L’existence, au moment de sa conclusion, d’un différend entre les parties n’affecte pas par ellemême la validité de la rupture conventionnelle. (Cass soc. 15 janvier 2014. pourvoi n° 12-23942) Un peintre automobile avait conclu avec son employeur une convention de rupture du contrat de travail, homologuée par l’inspection du travail. Six et trois mois auparavant, l’employeur avait infligé au salarié deux avertissements en raison, selon lui, de la mauvaise qualité de son travail, puis formulé de nouveaux reproches sur l’exécution des tâches qui lui étaient confiées, avant de le convoquer à deux entretiens aux fins d’évoquer l’éventualité d’une rupture conventionnelle et d’en définir les termes. Le salarié avait saisi les prud’hommes. Les juges du fond avaient fait droit à sa demande de requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif qu’il existait un différend entre les parties sur l’exécution du contrat de travail. La Cour de cassation censure et conf irme sa décision du 23 mai 2013.
Le litige relatif à la rupture conventionnelle du contrat de travail d’un salarié ne porte pas en lui-même atteinte à l’intérêt collectif de la profession. Un syndicat n’est donc pas fondé à agir en justice. (Cass soc. 15 janvier 2014. pourvoi n° 12-23942)
Dans cette même affaire, pour condamner l’employeur à verser à l’union locale CGT des dommagesintérêts, les juges du fond avaient retenu que le syndicat, qui n’avait pas signé l’accord interprofessionnel du 11 janvier 2008 créant la rupture conventionnelle, était recevable à intervenir pour obtenir réparation du préjudice subi par l’intérêt collectif de la profession qu’il représente, en raison de la violation par l’employeur des dispositions du Code du travail relatives à ce mode de rupture.
La Haute cour casse cette décision. Information du salarié
Le défaut d’information d’un salarié, porteur d’un projet de création d’entreprise, sur la possibilité de contacter Pôle emploi pour la suite de son parcours professionnel, n’affecte pas la liberté de son consentement. (Cass soc. 29 janvier 2014. pourvoi n° 12-25951)
Un employeur et un salarié avaient conclu le 26 août 2009 une convention de rupture du contrat de travail, homologuée par l’inspection du travail. Le salarié avait saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant à la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse et au paiement de diverses sommes.
Pour la Cour de cassation, dans le cadre d’une rupture conventionnelle et après avoir constaté que le salarié avait conçu un projet de création d’entreprise, les juges du fond ont souverainement retenu que l’absence d’information sur la possibilité de prendre contact avec le service public de l’emploi, en vue d’envisager la suite de son parcours professionnel, n’avait pas affecté la liberté de son consentement.
Assistance du salarié
Le défaut d’information du salarié sur les possibilités d’assistance lors de l’entretien de négociation de la rupture du contrat, n’entraîne pas la nullité de la convention de rupture en dehors des conditions de droit commun. (Cass soc. 29 janvier 2014. pourvoi n° 12-27594) Un employeur et un salarié avaient conclu le 8 octobre 2008 une convention de rupture, homologuée par l’autorité administrative. Le salarié avait saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le versement de diverses sommes. Les juges du fond avaient déclaré valide la convention de rupture.
Pour la Cour de cassation, le défaut d’information du salarié d’une entreprise ne disposant pas d’institution représentative du personnel sur la possibilité de se faire assister, lors de l’entretien au cours duquel les parties conviennent de la rupture du contrat, par un conseiller du salarié, choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative, n’a pas pour effet d’entraîner la nullité de la convention de rupture en dehors des conditions de droit commun.
Non respect des délais
Une erreur sur la date d’expiration du délai de 15 jours prévu au Code du travail ne peut entraîner la nullité de la convention de rupture que si elle a eu pour effet de vicier le consentement de l’une des parties ou de la priver de la possibilité d’exercer son droit à rétractation. (Cass soc. 29 janvier 2014. pourvoi n° 12-24539) Un employeur et un salarié avaient conclu une convention de rupture le 27 novembre 2009, à effet au 4 janvier 2010, le délai de rétractation de 15 jours prévu par l’article L. 1237-13 du Code du travail expirant le 11 décembre 2009. L’autorité administrative, à qui la convention avait été adressée le 15 décembre, l’avait homologuée deux jours plus tard. Devant la juridiction prud’homale, la salarié réclamait l’annulation de cette convention et le paiement de diverses sommes tant au titre de l’exécution du contrat de travail que de la rupture. Pour la cour d’appel, la convention mentionnait un délai de rétractation inférieur au délai légal de 15 jours calendaires ; cette fausse information ne constituait pas une irrégularité de nature à produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Clause de non-concurrence
Le délai de 15 jours à dater de la première présentation de la notification de la rupture dont dispose contractuellement l’employeur pour dispenser le salarié de l’obligation de non-concurrence a pour point de départ la date de la rupture fixée par la convention de rupture. (Cass soc. 29 janvier 2014. pourvoi n° 12-22116) Le contrat de travail d’un salarié stipulait une clause de non-concurrence dont il pouvait être délié par l’employeur « au plus tard dans les quinze jours qui suivent la première présentation de la notification de la rupture du contrat de travail ». Le salarié et la société avaient, le 17 décembre 2009, signé une rupture conventionnelle, homologuée le 23 janvier suivant, et fixant la date de la rupture au 31 janvier 2010. L’entreprise avait, par lettre présentée au salarié le 8 janvier, libéré celui-ci de son obligation de non-concurrence. En justice, le salarié réclamait le paiement de la contrepartie financière au titre de la clause de non-concurrence.
La Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article L. 1237-13 du Code du travail, la convention de rupture fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation par l’autorité administrative. En conséquence, le délai de 15 jours au plus tard suivant la première présentation de la notification de la rupture du contrat dont dispose contractuellement l’employeur pour dispenser le salarié de l’exécution de l’obligation de non-concurrence a pour point de départ la date de la rupture fixée par la convention de rupture. La renonciation de l’employeur à l’exécution de l’obligation de non-concurrence avait été faite dans les délais contractuellement prévus; le salarié n’avait pas droit au paiement de la contrepartie financière.