L’entreprise et les salariés
CDD : requalification. En cas de requalification des contrats à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de sa première embauche. Il est en droit d’obtenir la reconstitution de sa carrière ainsi que la régularisation de sa rémunération (cass. soc. 6 novembre 2013 – pourvoi n° 12-15953).
Un salarié avait travaillé au service de La Poste du 30 juin 1995 au 20 décembre 2000, dans le cadre de 52 CDD, puis avait été engagé en contrat à durée indéterminée à compter du 1er décembre 2001. En justice, il réclamait la requalification de l’intégralité de la relation contractuelle de travail en un contrat à durée indéterminée et le paiement de diverses sommes. Il avait été débouté de ses demandes. La Cour de cassation invalide cette décision des juges du fond.
Maladie : indemnités journalières. Une caisse primaire d’assurance maladie peut refuser au salarié le bénéfice des indemnités journalières afférentes à la période pendant laquelle son contrôle a été rendu impossible (cass. civ.2° – 7 novembre 2013 – pourvoi n° 12-25976).
Une CPAM avait refusé de verser à une assurée les indemnités journalières afférentes à l’arrêt de travail qui lui avait été prescrit du 23 octobre au 5 novembre 2011, au motif que l’avis de prolongation d’arrêt de travail lui était parvenu tardivement. L’assurée contestait cette décision devant une juridiction de sécurité sociale. Pour limiter à six jours la suppression des indemnités journalières pour la période considérée et condamner la caisse à en verser le solde, les juges du fond avaient retenu que l’assurée avait fait parvenir l’avis de prolongation d’arrêt de travail à l’employeur dans les délais requis, au lieu de le transmettre à l’organisme social, par suite d’une erreur qui ne lui était pas imputable : sa bonne foi n’était pas remise en cause. La Cour de cassation censure cette décision : l’avis de prolongation d’arrêt de travail n’ayant été reçu par la caisse que le 23 novembre 2011, celle-ci n’avait pu exercer son contrôle pendant la période d’interruption du travail.
CDD saisonniers. La faculté pour un employeur de conclure des contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié, afin de pourvoir un emploi saisonnier, n’est assortie d’aucune limite audelà de laquelle s’instaurerait une relation de travail globale à durée indéterminée. (cass. soc. 6 novembre 2013 – pourvoi n° 12-20675).
Un salarié avait travaillé selon 13 CDD saisonniers, transformés ensuite en contrat à durée indéterminée, puis été licencié pour motif économique. Il avait été débouté de sa demande de requalification des CDD saisonniers successifs en contrat à durée à durée indéterminée. La chambre sociale de la Cour de cassation confirme cet arrêt.
Licenciement : faute grave. L’utilisation répétée du téléphone de l’entreprise par un salarié récemment embauché, pour des communications internationales assez longues, à l’insu de l’employeur, constitue une faute grave (cass. soc. 13 novembre 2013 – pourvoi n° 12-18280).
Une comptable avait été licenciée pour faute grave : elle avait utilisé le téléphone de l’entreprise à des fins personnelles, pour passer des appels internationaux (coût évalué à 93,93 euros).
Pour la Haute Cour, dès lors que la salariée a utilisé de façon répétée le téléphone de l’entreprise pour passer des communications internationales, pour des durées souvent supérieures à quinze minutes, à l’insu de celle-ci, les juges du fond ont pu décider que ce comportement pour une salariée récemment embauchée constituait une faute grave, rendant impossible son maintien dans l’entreprise.
Licenciement : motivation. Dès lors que la lettre de licenciement montre que la décision de licencier a été prise par une entreprise qui n’est pas l’employeur du salarié, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse (cass. soc. 13 novembre 2013 – pourvoi n° 11-26926). En l’espèce, une salariée avait été licenciée pour motif économique. Toutefois, l’analyse des faits montrait que la décision de licencier avait été prise par une autre entité du groupe auquel appartenait l’entreprise qui l’employait.
Licenciement économique : dommages et intérêts. L’indemnité allouée au salarié licencié sans cause économique, pour réparer le préjudice subi pour la perte injustifiée de son emploi, ne peut se cumuler avec des dommages-intérêts pour inobservation de l’ordre des licenciements (cass. soc. 14 novembre 2013 – pourvoi n° 12-23089).
Un salarié licencié pour motif économique avait adhéré à une convention de reclassement personnalisé (CRP). Les juges du fond avaient condamné l’employeur à verser des dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et non-respect des critères d’ordre des licenciements.
La chambre sociale de la Cour de cassation rejette cette décision : il ne peut être alloué au salarié licencié sans cause économique, en plus de l’indemnité fixée à ce titre, pour réparer l’intégralité du préjudice subi par suite de la perte injustifiée de son emploi, des dommages et intérêts pour inobservation de l’ordre des licenciements.
Procédure disciplinaire. Aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction (cass. soc. 14 novembre 2013 – pourvoi n° 12-21113).
Un directeur d’hôtel avait fait l’objet d’avertissements par lettre du 8 janvier 2008 et par courriel du 15 février. Puis il avait été mis à pied à titre conservatoire le 18 février, avant d’être licencié pour faute grave, le 10 mars, pour le même motif. Dans sa décision, la Cour de cassation rappelle qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction. Les juges du fond devaient rechercher si, après l’avertissement du 15 février 2008, le salarié avait persévéré dans son comportement fautif ou si l’employeur avait découvert des agissements antérieurs.
Mise à pied : licenciement. Dès lors que les mises à pied ne sont pas suivies d’une procédure disciplinaire dans un délai raisonnable, elles perdent leur caractère conservatoire (cass. soc. 14 novembre 2013 – pourvois nos 12-17903-12-17904). Un employeur avait notifié à une salariée une mise à pied conservatoire dans l’attente d’une mesure disciplinaire. La procédure de licenciement avait été engagée quatre jours plus tard. La cour d’appel a considéré que la mise à pied était une sanction disciplinaire.
Pour la Cour de cassation, qui rejette le pourvoi, dès lors que les mises à pied n’avaient pas été suivies de l’engagement d’une procédure disciplinaire dans un délai raisonnable, les juges du fond ont pu retenir qu’elles n’avaient pas un caractère conservatoire. Et ils en ont exactement déduit que la salariée avait fait l’objet d’une sanction dont la notification avait épuisé le pouvoir disciplinaire de l’employeur relativement aux faits reprochés.