L’entreprise et les salariés
Grève : prime. Pour le paiement d’une prime, l’employeur peut tenir compte des absences, même pour grève, dès lors que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution (cass. soc. 26 mars 2014 – pourvoi n° 12-18125). En l’espèce, une société avait refusé à un salarié le versement de deux jours d’intéressement et d’un quantième du treizième mois en raison d’absences pour fait de grève. Pour condamner l’entreprise à payer les sommes litigieuses, les juges du fond avaient énoncé que l’article L. 2511-1 du code du travail prévoit que l’exercice du droit de grève ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que celle mentionnée à l’article L. 1132-2 du même code, notamment en matière de rémunération et d’avantages sociaux.
Prise d’acte : manquements de l’employeur. La prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat (cass. soc. 26 mars 2014 – pourvoi n° 12-23634/ cass. soc. 2 avril 2014 – pourvoi n° 13-11187). Un responsable informatique avait pris acte de la rupture de son contrat de travail le 23 août 2006 et saisi la juridiction prud’homale. Pour la Cour de cassation, la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. Or, en l’espèce, les manquements de l’employeur étant pour la plupart anciens, ils n’avaient pas empêché la poursuite du contrat de travail. La deuxième affaire concerne un responsable d’agence. Pour les juges du fond, la prise d’acte de la rupture s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse : l’employeur avait modifié unilatéralement la structure de la rémunération du salarié pour 2004 et manqué à ses obligations résultant de la convention collective applicable, en attribuant au salarié un classement inférieur à celui auquel il pouvait prétendre à raison de son âge et de son expérience professionnelle. Dans ces conditions, pour la Cour de cassation, la cour d’appel a pu décider que la rupture du contrat de travail produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Licenciement économique : location-gérance. Le salarié licencié pour motif économique à l’occasion de la résiliation du contrat de location- gérance d’un fonds de commerce, dont l’exploitation est ensuite poursuivie, ne peut être privé du droit de demander réparation du préjudice que lui cause la perte de son emploi que si le contrat de travail s’est effectivement poursuivi avec le repreneur malgré le licenciement, ou s’il a refusé l’offre de poursuite, avant l’expiration du délai de préavis faisant suite au licenciement (cass. soc. 26 mars 2014 – pourvoi nos 12-28687 – 12-28689). Dans cette affaire, suite à la résiliation du contrat de location-gérance du fonds de commerce dont l’exploitation était reprise par un loueur, un salarié était passé au service d’une société personne morale distincte du repreneur.
Durée du travail : contentieux. La preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties. Si l’employeur doit fournir au juge les données justifiant les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de transmettre préalablement des éléments pour étayer sa demande (cass. soc. 26 mars 2014 – pourvoi n° 12-29980). Une salariée, licenciée pour motif économique, réclamait le paiement d’heures supplémentaires. Les juges du fond avaient constaté que le décompte qu’elle produisait, pour la période de 2000 à 2004, indiquait qu’elle avait effectué une heure de travail supplémentaire par jour, sans préciser ses horaires d’arrivée et de départ. Pour la Haute Cour, ces derniers ont pu faire ressortir, dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation, que cet élément n’était pas suffisamment précis pour étayer la demande. En matière de contentieux relatif à la durée du travail, l’employeur doit démontrer la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, du travail convenue (cass. soc. 2 avril 2014 – pourvoi n° 12-25210). Un salarié avait été engagé verbalement en qualité d’aide de restauration à compter de 2007. Soutenant que le contrat devait être présumé à temps complet, il avait saisi la juridiction prud’homale. Pour débouter le salarié de sa demande de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet, les juges du fond avaient retenu que l’employeur rapportait la preuve que l’emploi était à temps partiel, que le salarié n’était pas dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’était pas tenu de se tenir constamment à sa disposition. Réponse insuffisante pour la Cour de cassation : en matière de contentieux relatif à la durée du travail, il appartient à l’employeur de démontrer la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, du travail convenue.
Contrat de travail : objectifs. Les objectifs définis unilatéralement par l’employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, doivent être réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice (cass. soc. 2 avril 2014 – pourvoi n° 12-29381). Un responsable juridique avait été licencié pour insuffisance professionnelle. L’employeur avait été condamné à lui verser des dommages-intérêts pour licenciement abusif et la prime d’objectifs pour les années 2008 et 2009. Pour la chambre sociale de la Cour de cassation, les objectifs définis unilatéralement par l’employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, doivent être réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice. Or, en l’espèce, il n’était pas établi que le salarié avait eu connaissance des objectifs fixés par son employeur et, d’après les pièces produites, que celui-ci avait été déficient dans ses interventions sur des dossiers importants. Dans ces conditions, le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et la rémunération variable devait être payée intégralement.
Rupture du contrat : consultation des délégués. La consultation des délégués du personnel, prévue par un accord collectif préalablement à tout licenciement individuel, constitue une garantie de fond pour le salarié, dont l’inobservation prive le licenciement de cause réelle et sérieuse (cass. soc. 2 avril 2014 – pourvoi n° 12-22054). Un salarié avait été licencié pour insuffisance professionnelle. Contestant le bienfondé de son licenciement, il avait saisi les prud’hommes. Les juges du fond l’avaient débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : l’accord d’entreprise prévoyait la consultation des délégués du personnel en cas de licenciement individuel. Cette formalité n’avait pas été respectée par l’employeur mais le salarié n’avait formulé aucune demande sur ce fondement.
La Haute Cour casse cette décision.