L’entreprise et les salariés
Formation : discrimination. Le code du travail interdit toute mesure de discrimination, directe ou indirecte, notamment en matière de formation, de qualification ou de promotion professionnelle, en raison de l’âge (cass. soc. 18 février 2014 – pourvoi n° 13-10294).
Un commandant de bord d’Air France sur Boeing 747/400, proche de la soixantaine, s’était porté volontaire pour un stage de qualification sur l’Airbus A380, au cours de la campagne de qualification pour la saison hiver 2010/2011. La compagnie lui avait refusé cette formation.
Pour la Cour de cassation, l’article L. 1132-1 du code du travail interdit qu’une personne fasse l’objet d’une mesure de discrimination, directe ou indirecte, notamment en matière de formation, de qualification ou de promotion professionnelle, en raison de son âge. En l’espèce, Air France n’apportait aucun élément faisant apparaître que le refus opposé au salarié de le former sur l’A380 était justifié par un objectif légitime. L’argument de la société relatif à la rentabilité du coût de la formation était inopérant (selon lequel le navigant, proche de 60 ans, risquait de ne pas renouveler sa demande annuelle de poursuite de son activité jusqu’à l’expiration de la durée minimale d’affectation ou de ne plus pouvoir assurer des vols, suite aux visites médicales auxquelles il est soumis). Dans sa décision, la chambre sociale souligne que tout navigant peut, à un moment quelconque de sa carrière et quel que soit son âge, mettre fin au contrat de travail qui le lie à la société ou ne plus être autorisé à piloter en raison d’un problème de santé constaté lors d’une visite médicale, alors qu’il a pu bénéficier d’une récente qualification non encore amortie. Les juges du fond ont pu caractériser une discrimination fondée sur l’âge, constitutive d’un trouble manifestement illicite qu’il convenait de faire cesser.
Rupture conventionnelle. La rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties, employeur ou salarié (cass. soc. 12 février 2014 – pourvoi n° 12-29208).
Une employée de vente avait signé avec son employeur, le 16 mars 2010, une rupture conventionnelle du contrat de travail, homologuée par l’autorité administrative. Elle avait saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant à la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse et au paiement de diverses sommes.
Pour la Cour de cassation, la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. En l’espèce, l’employeur avait engagé une procédure de licenciement quelques semaines avant la signature de la convention de rupture. Il avait ensuite infligé à la salariée une sanction disciplinaire injustifiée et l’avait convoquée à un entretien destiné à déterminer les modalités de la rupture du contrat de travail qui n’avait duré qu’un quart d’heure et au cours duquel les parties n’avaient pas eu d’échange. Dès lors, le consentement de la salariée avait été vicié.
Entretien préalable au licenciement. Au cours de l’entretien préalable au licenciement, l’employeur est tenu d’indiquer au salarié le motif de la sanction envisagée, mais pas de lui transmettre les pièces susceptibles de justifier celle-ci (cass. soc. 18 février 2014 – pourvoi n° 12-17557).
Un salarié avançait que lors de l’entretien préalable à son licenciement, les éléments sur lesquels l’employeur se fondait ne lui avaient pas été communiqués.
La Cour de cassation rejette cette argumentation : si l’article L. 1232-3 du code du travail fait obligation à l’employeur d’indiquer au cours de l’entretien préalable au salarié, dont il doit recueillir les explications, le motif de la sanction envisagée, il ne lui impose pas de communiquer à ce dernier les pièces susceptibles de justifier la sanction.
Faute lourde. Afin de dire qu’un licenciement est fondé sur une faute lourde, les juges du fond doivent caractériser une intention de nuire à l’employeur (cass. soc. 19 février 2014 – pourvoi n° 12-21690).
En l’espèce, pour dire le licenciement d’un salarié justifié par une faute lourde et le débouter de ses demandes au titre de la rupture, les juges du fond avaient retenu que même en l’absence de clause expresse au contrat, un salarié est tenu par une obligation de non-concurrence vis-à-vis de son employeur jusqu’à l’expiration de son contrat. En commençant à travailler pour le compte d’une société concurrente qu’il venait de créer avec d’autres salariés alors qu’il était toujours salarié de son employeur, l’intéressé avait manifesté une intention de nuire, constitutive d’une faute lourde.
Licenciement économique : offres de reclassement. Dès lors que les offres de reclassement transmises au salarié engagent son avenir professionnel et financier et qu’il n’a pas été informé de la possibilité de prolonger le délai de réflexion, un délai de quatre jours francs pour prendre position est manifestement insuffisant (cass. soc. 19 février 2014 – pourvoi n° 12-28404).
Lors de l’entretien préalable en vue d’un licenciement économique, fixé au 5 décembre 2008, trois offres de reclassement avaient été remises au salarié sur lesquelles il devait donner une réponse pour le 10 décembre suivant. Il avait été licencié le 15 décembre. La Cour de cassation valide la décision des juges du fond : dès lors que les offres de reclassement transmises au salarié engageaient son avenir professionnel et financier et que celui-ci n’avait pas été informé de la possibilité de prolonger le délai de réflexion, ils ont pu considérer que le délai de quatre jours francs dont il disposait pour prendre position était manifestement insuffisant.
Harcèlement moral. Lorsqu’un salarié allègue un ensemble de faits constitutifs, selon lui, d’un harcèlement moral, il doit seulement établir que tout ou partie d’entre eux laisse supposer l’existence de tels agissements. Il appartient alors au juge d’appréhender ces faits pris dans leur ensemble et de rechercher s’ils permettent de présumer l’existence d’un harcèlement (cass. soc. 19 février 2014 – pourvoi n° 12-25222). En l’espèce, une salariée, élue déléguée du personnel, avait pris acte de la rupture de son contrat de travail. Pour les juges du fond, la prise d’acte de la rupture du contrat s’analysait en une démission. Ils avaient rejeté l’ensemble des demandes de la salariée : il appartenait à celle-ci de rapporter la preuve du harcèlement et de la discrimination qu’elle alléguait, ce qu’elle ne faisait pas. La Haute cour casse cette décision.