L’avenir espéré du textile s’expose à Bercy
Si oripeaux divers et canapés design s’exposent dans le hall du ministère de l’Economie, c’est que l’enjeu industriel du secteur textile, aujourd’hui en crise, pèse lourd. Petit tour d’horizon des possibilités ouvertes par les textiles innovants et des usages émergents.
L’araignée de Madagascar produit une soie cinq fois plus résistante que l’acier et deux fois plus extensible que le nylon. Seul souci – de taille – : sa production s’avère difficile à industrialiser… Les fibres utilisées dans l’industrie textile présentent des origines et des caractéristiques très diverses. Et l’usage qu’on peut en faire est également parfois inattendu. C’est ce que montre l’exposition (entrée libre) Futurotextiles, présentée jusqu’au 24 janvier dans les locaux du ministère de l’Economie et des Finances, à Paris. L’exposition a commencé à circuler à travers le monde en 2006, à l’initiative de Lille 3000, qui associe sciences, techniques, design, mode et art autour de textiles innovants. Des domaines d’application inattendus sont concernés, comme l’architecture, le transport ou le médical.
Au chapitre des fibres, l’araignée n’est pas la seule représentante du monde animal à proposer une ressource. Le crabe sert à réaliser des chaussettes : la fibre Crabyon®, fabriquée à base de carapace du crustacé, produit un textile très doux, aux caractéristiques antibactériennes et qui permettent la respiration. Les végétaux ne sont pas en reste. Dans certains cas, l’industrie s’en sert pour remplacer d’autres fibres moins écologiques. Au Japon, on se sert traditionnellement de la fibre de glycine pour réaliser des robes et des sacs. Quant au lin, on en trouve partout. Exemple, à partir de ses composites et de sa résine, on peut fabriquer une coque de smartphone, de violon, mais aussi des engins de transport… Les raquettes de tennis, normalement fabriquées à partir de fibres synthétiques, intègrent aujourd’hui, pour certaines d’entre elles, de 10 à 25% de fibre de lin. D’après les fabricants, elles absorbent ainsi mieux les vibrations du choc de la balle, sont plus légères et plus respectueuses de l’environnement. On trouve également du lin dans le secteur des transports : le secteur automobile procède à des renforcements de pièces plastique par des fibres comme le lin, à la place de fibres d’origine fossile. Autre tendance, le textile peut aussi être produit avec des fibres recyclées : les polaires sont produites à partir de PET, du plastique. Pour le ski, un fabricant propose des vêtements en polyester issu de matières recyclées. Et les cordages de montagne usagés peuvent retrouver une nouvelle vie sous forme de cintre à vêtement.
Textiles à toutes les sauces.
Aujourd’hui, tous les secteurs sont concernés par les nouveaux usages du textile, à commencer par la construction et le bâtiment d’après les exemples présentés à Bercy. Exemple, la toiture du Centre Pompidou à Metz. Cet hexagone de 90 mètres de large est recouvert d’une membrane à base de fibre de verre et de téflon, destinée à assurer l’étanchéité et un environnement tempéré. Car les “géotextiles” sont intégrés dans les constructions pour servir de barrières thermiques, phoniques et de filtration de l’air. Ils peuvent être utilisés comme couche de protection ou de consolidation. Par exemple, ils peuvent constituer une couche intermédiaire entre la chaussée et le revêtement, afin de retarder la formation de fissures et pour servir de barrière contre l’humidité. Autre exemple, une moquette 100% polyester, dont 40% recyclés, optimise la réduction des bruits de dix décibels par rapport à la valeur standard. Ou encore, un écran élastique, qui résiste aux rayons du soleil, permet de filtrer la lumière dans une pièce, mais aussi dans les serres et les bassins d’ostréiculture. Il s’agit ici d’une fibre élastomère couverte avec un fil résistant au feu. Le textile “augmenté”. Les vêtements se transforment avec des usages plus ou moins innovants, dans le champ de la sécurité au travail, du confort, de la santé, de la création… On verra dans l’exposition un vêtement équipé de capteurs destiné aux très petits enfants : si la température du corps enregistrée diminue ou monte au-delà de certaines limites, le vêtement émet des lumières, alertant les parents. Traditionnellement déjà, la conception des vêtements joue un rôle important dans la protection du corps qu’ils abritent, qu’il s’agisse du feu, de conditions climatiques extrêmes, de produits chimiques et de radiations nucléaires. Ceux qui travaillent sur les lignes à haute tension sont équipés de tenues de protection réalisées à partir de fibres d’acier qui résistent à la corrosion et aux hautes températures. Et des vêtements photoluminescents professionnels, qui se chargent à la lumière du jour ou artificielle, permettent de demeurer visible huit heures durant, même sans source lumineuse.
Les possibilités liées à l’éclairage sont largement investies par le secteur de la mode et du design d’intérieur, qui tissent la fibre optique, incluent des LED, des diodes électroluminescentes, dans leurs créations et utilisent des textiles photoluminescents. Un coussin lumineux fait à la fois office de lampe, de siège et de veilleuse pour les enfants, grâce à sa structure en viscose et fibres optiques, connectées à des LED, dont il est possible de faire varier la couleur. Les stylistes ne sont pas en reste, comme en témoigne le sac qui s’illumine à l’intérieur et permet de retrouver ses clefs sans problème !
Un rebond économique par l’innovation ? “Le textile n’est pas mort, il est naissant et renaissant !”, a déclaré le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, lors du vernissage de l’exposition. Depuis 1985, sous l’effet de la concurrence des pays en développement, l’industrie du textile en France a perdu 40% de ses effectifs, un taux très largement supérieur à celui de l’ensemble de l’industrie, d’après l’étude du ministère de l’Economie, “Industrie française textile, édition 2000”. Aujourd’hui, le secteur fait l’objet du plan “Textiles techniques et intelligents”, l’un des 34 plans industriels lancés par le gouvernement en septembre dernier. Il s’agit de favoriser le développement des fibres biosourcées, les fibres instrumentées et les nouveaux modes de production et d’assemblage. Il s’agit d’encourager les PME historiques à se tourner vers des applications nouvelles, en utilisant des fibres capables de capter l’énergie solaire ou de donner des informations corporelles… D’après l’Observatoire des textiles techniques, les textiles dits techniques représentent actuellement 5,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires dans l’Hexagone, en croissance de 6%, dans un marché mondial qui connaît un essor important.