L’artisanat : filière d’avenir ?
Dans le cadre du salon Créer, la Nuit de l’artisanat a réuni plus de 1 500 convives au Grand- Palais. Le conseil régional du Nord- Pas-de-Calais a voulu mettre en lumière les valeurs d’une filière parfois regardée du coin de l’oeil et perçue comme une voie de second choix. Transmission d’un savoir-faire, lien fortement marqué avec la clientèle et innovations étaient les mots d’ordre de la soirée durant laquelle neuf artisans ont témoigné de leur réussite et de leur fierté.
Alors que la crise financière plane au-dessus de nos têtes fatiguées, l’avènement de cet événement était pour le moins de bon goût. Cette conférence animée par Jérôme Bonaldi, eff icacement secondé dans son rôle d’animateur par Daniel Costantini, entraîneur de l’équipe de France de l’époque des “Barjots”, a été menée sur un rythme embrasé. Quant à Alain Griset, président de la chambre de métiers et de l’artisanat de région Nord- Pas-de-Calais, il a accueilli les intervenants et rappelé les objectifs de l’artisan en matière de développement économique, de création d’entreprise et de formation d’apprentis. Puis, cent apprentis se sont activés, deux heures durant, afin de préparer le cocktail. Grâce aux inserts télé, les invités ont pu suivre en direct l’avancement du défi, relevé avec brio. Une expérience f inement représentée qui coupe court aux idées reçues et prouve que l’activité artisanale a encore de belles années devant elle, avec une jeunesse à ses pieds.
L’artisanat : patrimoine local et vecteur économique. La Nuit de l’artisanat et le salon Créer ont représenté le symbole de la réussite collective. Alain Griset, fervent défenseur de l’apprentissage, a soutenu qu’il fallait associer le développement économique aux formations. Une conviction partagée par Pierre de Saintignon, 1er vice-président du Conseil régional, qui a rappelé les moyens que la Région consacre à l’artisanat au titre de sa politique économique et de l’apprentissage. La première démarche a été de mettre en place le PRDA (Programme de développement de l’artisanat) qui complète les actions menées dans le cadre du Programme régional de création transmi s s ion d’ ent r epr i s e s (PRCTE). Vaste plan qui inclut des subventions pour les entreprises artisanales ayant un projet de développement qui entraîne la création d’au moins un emploi en région. Parmi les dispositifs, les futurs chefs d’entreprise suivent un stage obligatoire de gestion, dit “stage préparatoire à l’installation de cinq jours”. C’est une spécif icité de l’artisanat. L’autre projet ambitieux de la Chambre est de promouvoir les formations afin de ratisser plus large et d’atteindre 40 000 jeunes d’ici cinq ans. Selon Alain Griset, “un artisan qui s’éteint dans une ville, c’est une lumière en moins”. L’artisanat a ainsi le rôle d’antidote contre la dévitalisation rurale et urbaine, étant vecteur d’un renouvellement du tissu économique. En
zone rurale, l’artisanat est un levier de dynamisation économique et représente un lien social indispensable. En zone urbaine, cette activité impulse une revitalisation sur les territoires prioritaires. Dans tous les cas, aucun d’entre nous n’oserait mépriser la baguette chaude du boulanger ou les services du cordonnier. D’ailleurs un micro-trottoir, diffusé lors de la soirée, a prouvé que les artisans gardent bien une place privilégiée dans le coeur des Français : 94% d’entre eux sont satisfaits de la prestation de leurs artisans et 95% en ont une bonne image. C’est donc une revanche pour ces professionnels que l’on croyait en mal de reconnaissance. Les intervenants qui sont venus illustrer les valeurs de leur f ilière ont mis en exergue la passion de leur métier, la transmission d’un savoir-faire parfois en voie de disparition, la qualité des services rendus et le lien social entretenu avec leur clientèle. Bien plus que des qualités prisées, l’artisanat valorise un patrimoine local, parfois même au niveau international. C’est l’histoire d’Alain Bailleux, brasseur à la brasserie Au baron, qui a commencé son activité dans un restaurant et qui, aujourd’hui, fort d’innovation et de persuasion, exporte en Belgique et aux Etats-Unis. C’est aussi le récit émouvant d’une femme qui quitté sa vie canadienne pour l’amour d’un Ch’ti et s’est éprise du métier de tapissière décoratrice. Grâce à une formation accélérée pour le moins pointue, elle a su pénétrer les secrets bien f icelés de cette profession. Puis après l’accent mis sur l’importance d’acquérir une certaine maîtrise, l’innovation a été mise à l’honneur car l’aide des nouvelles technologies et le choix d’innovations toujours plus poussées permettent sans aucun doute de pérenniser la création d’entreprise, le domaine l’artisanat inclus.
Réinventer l’avenir. Jean- Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) depuis 2010, a conclu cette soirée en invitant les artisans “à avoir confiance en soi et contribuer à réinventer l’avenir”. Il a mis l’accent sur l’importance de la création, même s’il existe toujours le risque de ne pas y parvenir. Selon lui, les Français ne croient pas assez au poids collectif et gardent toujours des réflexes qui paraissent protecteurs alors qu’ils peuvent être destructeurs. Une autre erreur bien française est aussi de trop souvent pointer les points faibles et de ne pas reconnaître les points forts. “L’artisanat peut apporter une réponse au problème du chômage”, soutient- il. La région Nord-Pasde- Calais, bien connue pour avoir un fort potentiel industriel, n’est aujourd’hui pas en reste concernant la part de l’artisanat. Le nombre d’actifs dans le Nord est actuellement de 87 340 personnes et de 52 020 dans le Pas-de-Calais ; 4 410 entreprises ont été créées dans le Nord et 2 439 dans le département voisin. En France, l’artisanat rassemble plus de 3 millions d’actifs et dépasse aujourd’hui le cap des 920 000 entreprises. Présent dans les secteurs de l’alimentation, du bâtiment, de la production et des services, l’artisanat compte plus de 510 activités différentes et occupe ainsi une place privilégiée dans l’économie française.