L’accessibilité concerne aussi... les oreilles

À Valenciennes, Sigrid Cathelain a créé Axe audio pour venir en aide aux personnes souffrant d’une déficience auditive… Afin qu’elles puissent, par exemple, assister à une conférence ou à un concert. Une de ses cibles : les collectivités.

Sigrid Cathelain, de Valenciennes. Elle a créé Axe Audio pour être utile aux déficients auditifs et convaincre les Etablissements recevant du public de les aider à surmonter un handicap invisible.
Sigrid Cathelain, de Valenciennes. Elle a créé Axe Audio pour être utile aux déficients auditifs et convaincre les Etablissements recevant du public de les aider à surmonter un handicap invisible.
D.R.

Sigrid Cathelain a créé Axe audio pour être utile aux déficients auditifs et convaincre les Etablissements recevant du public de les aider à surmonter un handicap invisible.

 

Sigrid Cathelain insiste sur la nature de son activité : «Attention, je ne suis pas audioprothésiste. La vocation d’Axe audio n’est pas d’équiper les personnes mais les lieux, en proposant des solutions techniques comme, par exemple, des boucles d’induction magnétique, qui permettent à des personnes appareillées d’entendre comme les autres, où qu’elles soient dans une salle.» Elle précise, au passage, que la langue des signes, «longue à apprendre», ne concerne «qu’1% des déficients auditifs» et qu’elle ne répond pas à toutes les situations.

 

Mal invisible. La Valenciennoise rappelle cette loi de 2005 sur l’accessibilité des ERP (Etablissements recevant du public) édictée en faveur des personnes souffrant d’un handicap. Son bilan reste à faire et son application, a priori contraignante, n’a pas eu tous les effets escomptés. «À propos des ERP, on a beaucoup parlé des personnes à mobilité réduite, des malvoyants aussi.  Le problème, c’est que la surdité ou les déficiences auditives ne se voient pas. Les personnes qui en souffrent ont parfois même tendance à cacher ce mal, à fuir les situations qui pourraient être inconfortables, à renoncer à assister à des conférences ou à des concerts… Beaucoup ressentent, du coup, d’une réelle détresse psychologique. Y compris des jeunes.»

Le problème, précise-t-elle, concerne à la fois les personnes équipées d’un appareil et, a fortiori, celles qui n’en ont pas. Elle estime entre 7 et 10% la part de la population souffrant de déficience auditive. Elle ajoute que c’est une population qui «ne réclame pas», même s’il existe des associations comme l’Association des devenus sourds et malentendants du Nord.

 

Solutions techniques. Sigrid Cathelain explique qu’elle travaille avec des fabricants anglais et allemands via un partenaire installateur. «Sonoriser n’est pas un problème électrique, cela demande une compétence particulière. Personnellement, je me suis formée pour repérer les défauts éventuels dans la conception et la mise en place d’une sonorisation adaptée», insiste-t-elle.

Elle énumère les solutions possibles pour les malentendants : boucle d’induction magnétique (avec un amplificateur spécifique destiné à des personnes appareillées ou dotées d’un casque), transmission du son par ondes radio demandant aux utilisateurs d’avoir un récepteur sur eux (ce système est utilisé pour les visites guidées ou l’audiodescription), transmission du son par infrarouge (comme pour la traduction simultanée). Et il y en a d’autres : sous-titrages, langue des signes (en cas de visioconférence), etc.

«Pour moi, ce sont les salles de conférences qui, aujourd’hui, ont le plus besoin de cette prestation.»

 

Quels lieux ? À écouter cette chef d’entreprise, la réglementation est loin d’être appliquée, voire tout simplement connue. «J’ai rencontré des bureaux d’études et des architectes qui n’étaient pas au courant. C’est dire !» Pour faire connaître le problème, la loi et ses solutions, elle utilise son site internet, la prospection, en particulier auprès des communes, et essaye de se glisser dans les appels d’offres et les chantiers. Elle a déjà travaillé avec des villes comme Dunkerque (la Ville et l’Intercommunalité), Croix, des organismes de formation, la CCI et une paroisse de Valenciennes, l’université de Reims…

Les équipements publics susceptibles d’être concernés sont nombreux : salles de spectacle, salles des fêtes, amphis, cinémas, lieux de culte, d’enseignement, de justice, de soins, de formalités administratives, de service public, de sports… La technique peut aussi intervenir dès le guichet d’accueil.

 

Projets. Dans son intitulé, Axe audio indique s’occuper aussi des malvoyants, faire de la formation, et ce, en plus de ses activités de vente, d’installation, de conseil. L’activité de l’entreprise est tournée vers les collectivités publiques, mais aussi vers les privés faisant du commerce, du tourisme, une activité libérale…

ENCADRE

Après un séjour aux Pays-Bas 

Pourquoi ce projet ? Sigrid Cathelain, 54 ans, explique qu’il est né en 2011. «Avec une proche souffrant de surdité, je suis allée aux Pays-Bas et c’est là que j’ai découvert cet aspect particulier de l’accessibilité des lieux publics pour les malentendants. Un aspect peu abordé. Alors, pourquoi ne pas lancer quelque chose en France… Encore aujourd’hui, il n’y a pas plus de six à sept entreprises spécialisées, chez nous, dans ce domaine.» Elle pense être la seule du genre au nord de Paris, en ajoutant qu’elle travaille à l’échelle nationale et qu’il y a de la concurrence !

En avril 2013, elle a lancé la SAS Axe audio. Elle en est la présidente et Marie-Dominique Polle, la directrice générale. «On s’était rencontrées lors de nos études à l’Ecole supérieure de commerce de Lille.»

La vie professionnelle de Mme Cathelain s’est déroulée à Valenciennes. «Pendant 22 ans, j’ai été gestionnaire d’un cabinet médical en tant qu’épouse d’un généraliste. Puis, durant quatre ans, j’ai travaillé dans le service export d’une entreprise du Hainaut-Cambrésis. Enfin, j’en ai eu assez d’être salariée, surtout dans une grosse entreprise. Je cherchais à m’orienter vers une activité solidaire, utile, quelque chose de plus humain. C’est comme cela qu’est née Axe audio.»

Elle précise qu’elle a d’abord préparé son projet à la faveur d’un temps partiel (une journée par semaine). Une fois son emploi quitté, elle a continué seule, en se faisant aider par l’association À petits pas (rencontrée lors d’un salon) et la CCI. «Pour moi, même si on a des connaissances et que l’on sort d’une école de commerce, il faut se faire accompagner et remettre à jour ses connaissances.»