Dossier experts-comptables
L'attractivité face à la pénurie de collaborateurs
Depuis quelques années, les cabinets peinent à recruter des comptables et des gestionnaires de paie. En cause, un métier peu ou mal connu. Face à cette difficulté à recruter qui bloque le développement des cabinets, rendre attractif le métier auprès des jeunes et changer les politiques managériales sont les objectifs de ces prochaines années.
La situation actuelle est préoccupante, et si le contexte ne change pas, elle deviendra inquiétante pour l'avenir : la pénurie de recrutements touche les collaborateurs au sein des cabinets, notamment les gestionnaires de paie et les comptables. «Cette pénurie est un problème actuel qui va impacter sur le long terme et qui va se solutionner également sur le long terme. Les cabinets ne peuvent pas se développer sur d'autres missions à valeur ajoutée, comme les conseils et l'accompagnement, et ne le pourront encore moins à l'avenir. Nous n'avons pas assez de collaborateurs dans les cabinets et nous avons ce devoir de conseil.» Tel est le constat de Charles Basset, expert-comptable à la tête d'un cabinet depuis trois ans à Beauvais et par ailleurs président Picardie du syndicat ECF, vice-président de l'Ordre des experts-comptables Hauts-de-France et président national de la commission «Attractivité».
Et les chiffres parlent d'eux-mêmes : dans la région, entre 500 et 600 postes de comptables et gestionnaires de paie sont à pourvoir au sein des cabinets, et ce constat est le même sur tout le territoire national.
Ces postes désespéramment vacants inquiètent la profession sur son avenir. Alors, pour éviter le pire dans quelques années, l'heure est à l'action. Le comité «Attractivité» de l'Ordre des experts-comptables veut convaincre les jeunes en les informant, en les formant et en les embauchant... Charge aux cabinets de miser, eux aussi, sur cette jeunesse.
Faire connaître le métier
La commission «Attractivité» existe depuis une dizaine d'années, sa mission repose sur quatre axes majeurs : l'alternance, l'orientation, la réorientation et la fidélisation des collaborateurs. Car le problème est structurel : pour Charles Basset, les métiers de comptable, d'expert-comptable et de gestionnaire de paie ne sont pas connus des jeunes et ne sont pas assez intégrés aux formations initiales. «Nous proposons nos formations en alternance, du bac au bac +8. Mais il faut aller plus loin, il faut faire connaître nos métiers... Surtout au sein de nos cabinets car nous constatons qu'un jeune sur deux fait son alternance en entreprise», précise-t-il.
Aussi, dès la rentrée prochaine, des vidéos de présentation seront diffusées dans les IUT, lycées et GEA (gestion des entreprises et des administrations) volontaires. Le but ? «Montrer que nos métiers sont passionnants, qu'il n'y a pas une journée identique, que nous sommes le bras droit du dirigeant et que nos métiers ont du sens», énumère Charles Basset. Par ailleurs, il s'agit de susciter des vocations en proposant aussi des formations courtes pour rendre la réorientation professionnelle plus facile et accessible. À partir du mois de septembre 2022, des contrats d'apprentissage de six mois seront également mis en place.
Changer la politique managériale
«Place à la jeunesse», voilà comment le président national de ce comité résume donc l'avenir de la profession. Si les solutions mises en place seront effectives sur le long terme, les cabinets ont aussi leur part à jouer dans cette grande action de recrutements, et ce, dès maintenant. «Il faut arrêter de vouloir recruter des collaborateurs avec cinq ans d'expérience : nous n'en trouvons pas... Il faut former soi-même ses collaborateurs. Il faut prendre des jeunes en alternance, les former à la politique du cabinet, leur montrer les multiples facettes du métier et leur donner envie de rester», argue Charles Basset.
C'est donc un changement de politique managériale et RH qu'il conseille en proposant une montée en compétences des jeunes recrues pour solutionner le problème du recrutement sur le long terme. «Nous allons développer des outils pour les cabinets afin qu'ils fidélisent leurs collaborateurs, afin qu'on instaure une politique managériale davantage participative.»
Et cette politique s'inscrit dans le développement des cabinets. Grâce à l'usage du numérique effectif depuis quelques années, les tâches à faible valeur ajoutée sont déjà traitées, laissant la place à des actions plus intéressantes. Digitalisation et jeunes recrues : l'Ordre des experts-comptables compte bel et bien redynamiser la profession.