Positivons !

Définir le rire, c’est un peu comme essayer de qualifier le bonheur. Philosophes, scientifiques, psychologues et sociologues s’y sont penchés. L’étude du rire et de ses effets porte un nom : la gélotologie. Nouveau-né, nous sourions dès l’âge de 3 à 5 semaines pour intégrer le rire autour du quatrième ou cinquième mois de vie. À 4 ans, un enfant rit en moyenne 300 fois par jour. Passée la vingtaine, on constate que le rire se fait plus rare. Adulte, nous ne rions, en moyenne, que 20 fois par jour. Faut-il en déduire que l’entrée dans le monde du travail et les années qui s’ensuivent font de nous des rabat-joie ? Cela serait aller vite en besogne que de l’affirmer. Pourtant, vers 70 ans, une fois à la retraite, la fréquence du rire augmente à nouveau.

Les salariés rieurs et riants : précieux pour le manager

Doit-on pour autant en conclure que nos 43 années de durée cotisations nous plongent dans la déprime ? Devra-t-on attendre la désormais retraite à 64 ans pour recouvrer le Graal, ce rire, aux multiples vertus pour la santé, notre bien-être, notre vitalité sociale ? Heureusement non. Proscrire le rire au travail est en effet contre-productif pour une entreprise. On restera ici sur l’humour positif, celui qui exclut les moqueries, la méchanceté, les dérives blessantes. L’humour positif au travail serait bien une forme d’intelligence qui agirait favorablement sur la créativité, la socialisation, les liens internes, la cohésion d’équipe, les relations, le moral, la productivité. Il faut savoir que le rire réduit la production de cortisol, l’hormone principale du stress. Ce n’est pas une blague : les salariés rieurs et riants amélioreraient leurs performances professionnelles et leur satisfaction. À méditer où les débats se centrent autour de la quête de sens dans sa sphère de travail. D’ailleurs, un faisceau d’enquêtes convergent dans une même direction : le sens de l’humour orienterait positivement les choix de recrutement dans pléthore d’entreprises. Ce sont généralement les incongruités ou les absurdités d’une situation qui déclenchent le rire. Fou-rire, pince-sans-rire, rire jaune, rire au nez, rire de bon cœur, rire aux larmes, rire aux anges, rire aux éclats... Notre belle langue de Molière ne manque pas d’expressions pour dessiner les nuances du rire.

Sortir par le sourire d'une crise...

On rit avec l’autre et non de l’autre : comme toute émotion, le rire est souvent question d’équilibre. Dans le monde du travail, et ailleurs, l’humour est un outil à utiliser à sa juste valeur, nécessitant une bonne connaissance de son environnement. Il requiert observation, écoute des sensibilités de chacun, la perception de ce qui peut blesser ou au contraire faire rire. Rire 10 à 15 minutes par jour serait bon pour notre santé. Le jeu de mots, l’auto-dérision : deux ingrédients de l’intelligence émotionnelle. Plutôt que de se morfondre dans une erreur commise, un échec subi, l’humour permet de dédramatiser les changements, d’apporter un climat de confiance, des échanges sereins, d’envisager ensemble les solutions pour rebondir et sortir par le sourire d’une situation qui aurait plutôt donner envie de pleurer. En entreprise, nous sommes chacun comme dans une pièce de théâtre : nous avons un rôle à jouer selon nos responsabilités et notre degré hiérarchique. Ici, la troupe devient équipe. Rire de soi-même, oser paraître ridicule devant les autres, c’est ouvrir une partie de soi, se désinhiber, nous relier ensemble en tant qu’êtres humains forcément imparfaits. Rire avec les autres, c’est trouver ces instants de complicité qui dépassent le cadre de la seule tâche à effectuer dans son travail : cela contribue à cimenter un collectif. Alors, rions, car tout simplement, cela fait du bien. Par les temps qui courent, il serait bien dommage de se passer ou de refréner cet élixir anti-sinistrose.