L'Argentine dans l'attente des premières mesures d'austérité de Milei

Budgétaires, monétaires, ou les deux ? Gradualisme ou choc brutal ? L'Argentine attendait nerveusement mardi un premier train de mesures d'austérité de la présidence ultralibérale de Javier Milei, sans signaux...

La presse argentine lundi 11 décembre à Buenos Aires  reflète la teneur du discours de Javier Milei lors de son investiture dimanche, annonçant un "choc" sur les dépenses publiques © Luis ROBAYO
La presse argentine lundi 11 décembre à Buenos Aires reflète la teneur du discours de Javier Milei lors de son investiture dimanche, annonçant un "choc" sur les dépenses publiques © Luis ROBAYO

Budgétaires, monétaires, ou les deux ? Gradualisme ou choc brutal ? L'Argentine attendait nerveusement mardi un premier train de mesures d'austérité de la présidence ultralibérale de Javier Milei, sans signaux clairs au premier jour de gouvernement.

Le nouveau ministre de l'Economie Luis Caputo, un ancien du gouvernement libéral de Mauricio Macri (2015-2019) doit faire une première série d'annonces mardi, a indiqué lundi le porte-parole de la présidence Manuel Adorni lors de son premier point presse.

Aucun détail, mais une priorité réaffirmée: la réduction du déficit budgétaire. "Dépenser plus que ce qu'on a, c'est fini. Le +il n'y a pas d'argent!+ (lancé dimanche par Milei dans son discours inaugural) n'est pas un cliché. L'équilibre fiscal (...) sera strictement respecté", a insisté M. Adorni.

Le président Milei a réaffirmé dimanche l'objectif colossal de réduction du déficit de 5% du PIB, et a averti que "la situation va empirer" à court terme, en parallèle à une stagflation en 2024 (inflation couplée à une stagnation de l'activité).

Les premières mesures seront "en ligne avec une forte coupe budgétaire", a résumé le porte-parole. 

D'après les déclarations des dernières semaines, sont dans le collimateur les subventions à l'énergie et aux transports, dans une économie structurellement sur-subventionnée; l'émission monétaire par la Banque centrale, qui pourrait être restreinte, voire stoppée; un secteur public dense, de plus de 3,4 millions de personnes, soit plus de 18% de l'emploi total, ratio le plus élevé d'Amérique latine.

Mais même là, la présidence a soufflé le chaud et le froid. M. Adorni a évoqué un "inventaire des statuts" de l'administration centrale, ministères, universités...

Pour autant il a tenté de dissiper la crainte de coupes brutales dans la fonction publique. "Je ne vois aucun fonctionnaire qui ait à s'inquiéter pour son travail", a-t-il assuré. Le président Milei entend "mettre en valeur l'employé public".

"Ce que nous allons combattre, c'est ce qu'on appelle l'emploi +militant+, qui existe pour une question politique, n'apporte rien et enlève productivité, salaire et fonctions au salarié qui veut travailler", a-t-il poursuivi.

Choc de change" ou "équilibre

Les emplois publics de complaisance sont une critique récurrente de l'opposition libérale envers le "clientélisme" supposé des gouvernements péronistes (centre-gauche) qui ont gouverné de 2003 à 2015, puis de 2019 à 2023.

Un autre versant attendu des annonces porte sur le cours d'un peso notoirement surévalué, à 462,40 pesos pour un dollar lundi, contre 391 pesos pour un dollar vendredi, jour ouvrable précédent. Un membre du futur gouvernement avait, la semaine passée, évoqué un cours "souhaitable" à 600-650 pesos pour un dollar.

Le cabinet conseil d'investissement MégaQM a dévoilé récemment deux options: celle d'un "choc" de change, une dévaluation délibérément trop forte, qui permettrait d'accumuler des réserves de dollars, mais avec un "risque très élevé" sur le plan social.

L'autre, un scénario plus "graduel", tentant de s'approcher par étapes d'un cours "d'équilibre", moins coûteux socialement, mais pas à l'abri de rechutes.

Le quotidien financier Cronista notait lundi que "les indices à ce jour suggèrent de premiers pas prudents jusqu'à la récolte" (fin du premier trimestre 2024), généralement synonyme d'apport massif de réserves de change pour l'Argentine agro-exportatrice.

Chez les "arbolitos", changeurs à la sauvette au cours parallèle dans l'hypercentre touristique de Buenos Aires, habituel baromètre de l'anxiété ambiante, les échanges d'un volume courant se négociaient à 1.000 peso pour un dollar lundi soir, contre 980 un peu plus tôt. A 2,5 fois le cours officiel tout de même.

Dans l'attente des annonces mardi, la Banque centrale a fonctionné lundi au ralenti sur le marché des changes, comme un quasi jour férié, officiellement pour laisser le temps aux "nouvelles autorités" financières de s'installer, dont le président de l'institution.

La Bourse de Buenos Aires a clôturé en hausse de 0,81% à 949.524,67 points.

Milei a pour la part présidé un première réunion de son cabinet - délibérément restreint à neuf ministres, austérité oblige. Rencontre matinale, à 8H30, que sa vice-présidente Victoria Villaruel dit vouloir instaurer comme "une habitude très importante, de fonctionnaires qui travaillent tôt, comme n'importe quel citoyen" argentin.

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