L'ambitieux Gabriel Attal, étoile filante à Matignon
Coupé dans son élan par la dissolution, l'ambitieux Gabriel Attal pourrait quitter Matignon sans avoir eu le temps d'y planter son arbre ni aller au bout de ses dossiers, mais non sans...
Coupé dans son élan par la dissolution, l'ambitieux Gabriel Attal pourrait quitter Matignon sans avoir eu le temps d'y planter son arbre ni aller au bout de ses dossiers, mais non sans y avoir semé des graines pour l'après.
Nommé le 9 janvier au terme d'une ascension spectaculaire, le bail du plus jeune Premier ministre de la Ve République risque de se terminer le soir du deuxième tour, le 7 juillet, si le camp présidentiel n'obtient que la troisième place comme l'envisagent les sondages.
Soit deux jours avant d'atteindre les six mois passés rue Varenne, qui permettent d'être élevé à la dignité de grand-croix de l'ordre national du Mérite. Et sans avoir, comme le veut la tradition, planté un arbre dans le jardin de Matignon.
Auréolé d'un profil plus "politique" et communicant que sa prédécesseure Élisabeth Borne, Gabriel Attal impose dès la passation sa marque: se déplacer souvent, communiquer beaucoup. Trop selon certains, s'attirant les foudres des oppositions qui l'accusent d'accaparer les médias et de "baratiner".
D'autres dénoncent "un mépris" envers les Français ou critiquent son jeune âge, Marine Le Pen raillant un Premier ministre dont "l'autorité va comme un tablier à vache".
Gabriel Attal assume et continue d'occuper le terrain, à défaut d'avoir une majorité absolue à l'Assemblée nationale, où une vingtaine de textes ont été adoptés sous son mandat.
Un membre du gouvernement se dit "bluffé" par ce Premier ministre qui, à 35 ans, "dans la lessiveuse de Matignon, réussit à la fois à conserver sa capacité à porter la parole, à nouer une relation avec les Français, tout en prenant en main les dossiers" et en animant de manière "assez impressionnante" le nouveau "pack" gouvernemental.
A l'inverse, un familier des rouages gouvernementaux pointe un homme qui entend "tout maîtriser en terme de com’", plutôt que "mener des politiques publiques sur le fond, de manière solide".
Épaisseur
Diplômé de Sciences po, quatre fois ministre (Jeunesse, porte-parolat, Budget et Éducation), le jeune chef du gouvernement agace parfois avec son image de "premier de la classe".
Passé du socialisme au macronisme, il emprunte désormais des codes sarkozystes: il défend les "classes moyennes" et la "France qui se lève tôt", prône "l'autorité" à l'école, où il veut remettre l'uniforme après avoir interdit l'abaya, souhaite des sanctions aggravées pour les mineurs délinquants.
"Son enjeu, c'est de passer de la communication à la concrétisation", estimait en mars un cadre de la majorité qui estime qu'il a depuis "gagné en épaisseur" et s'est révélé "en bon leader de campagne".
Gabriel Attal est pourtant entré à reculons dans celle des européennes.
Présenté dans son camp comme "l'arme anti-Bardella", sa prestation télévisée remarquée face au président du Rassemblement national n'a pas réussi à faire bouger les sondages, et la liste de la majorité finit à 14,6%, à 16 points de celle de l'extrême droite, un échec retentissant.
"Brutale", la dissolution qui suit, sur laquelle M. Attal n'a pas été consulté, passe mal. Son mutisme pendant deux jours en dit long.
Le Premier ministre tente alors de renverser la vapeur en sa faveur, alors que l'image du chef de l'Etat suscite un rejet grandissant, et d'apparaître comme un recours pour son camp: il multiplie les passages dans les médias et les déplacements.
Présenté par Emmanuel Macron comme un de ses potentiels héritiers, il s'émancipe en appelant les Français à le "choisir" à Matignon et assure qu'il y aura "un avant et un après dans la pratique du pouvoir".
Ce fils d'un producteur de cinéma, qui n'a jamais fait mystère de son homosexualité, a fréquenté les bancs de la huppée École alsacienne à Paris, repart dans sa circonscription des Hauts-de-Seine, voisine de celle de son ancien compagnon, ministre des Affaires étrangères sortant, Stéphane Séjourné.
Il simplifie son discours, appelle à voter pour le "bloc central" face aux "deux extrêmes" qui enverraient le pays "dans le mur".
Son intérêt ? Tenter d'"être absolument irréprochable à l’issue" pour acquérir une "respectabilité" dans son camp et en reprendre éventuellement le flambeau, avance un responsable Renaissance.
Beaucoup dans la majorité lui voit un avenir, au parti ou dans le groupe. "Mais s’il y a 100 députés à la fin (au lieu de 169) tout ça c'est de la littérature", prévient un allié.
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