L'Allemagne sort le "bazooka" pour sa défense et son économie
L'Allemagne veut débloquer des investissements sans précédent de centaines de milliards d'euros pour renforcer son armée, au vu de la fracture en cours avec les Etats-Unis, et faire repartir son économie en récession, en...

L'Allemagne veut débloquer des investissements sans précédent de centaines de milliards d'euros pour renforcer son armée, au vu de la fracture en cours avec les Etats-Unis, et faire repartir son économie en récession, en s'affranchissant de ses règles de discipline budgétaire.
Ces projets prévus pour les prochaines années, qualifiés de "grand bazooka" par les économistes et annoncés mardi soir par les partis conservateur et social-démocrate qui négocient la formation du futur gouvernement, traduisent une accélération spectaculaire des bouleversements à l’œuvre dans la première économie européenne.
Ils ont été provoqués par la rupture transatlantique amorcée par le président Donald Trump et son rapprochement avec la Russie, aux dépens de l'Ukraine et de l'Europe.
Après des décennies durant lesquelles l’Allemagne s’est placée sous la protection du parapluie américain, le pays s’engage dans un réarmement national et européen d’ampleur inédite.
Il ouvre pour cela sans compter les vannes des dépenses publiques, quitte à mettre de côté des décennies d'orthodoxie budgétaire.
"Compte tenu des dangers qui menacent notre liberté et la paix sur notre continent, le mot d'ordre pour notre défense doit être: quoi qu'il en coûte!", a déclaré le futur chancelier conservateur allemand Friedrich Merz, en reprenant le mot d'ordre de la Banque centrale européenne pour sauver la zone euro durant la crise de la dette en 2012.
La BCE en exemple
Le vainqueur des récentes élections a annoncé dans la soirée à Berlin avoir conclu un accord en ce sens avec les sociaux-démocrates du SPD, avec qui il négocie la constitution de la future coalition gouvernementale.
Concernant la défense, les deux formations vont demander la semaine prochaine un vote à la Chambre des députés pour assouplir les règles nationales constitutionnelles qui plafonnent strictement le déficit budgétaire annuel.
Toutes les dépenses de défense dépassant le seuil de 1 point de pourcentage du Produit intérieur brut allemand pourront être votées sans tenir compte de ce mécanisme dit du "frein à l'endettement".
Ce dernier limite en principe le déficit annuel du gouvernement à 0,35% du PIB.
L'objectif envisagé est ainsi d'atteindre un ordre de grandeur d'"au moins 100 milliards d'euros par an" de dépenses pour la défense, a dit dans la soirée une des négociatrices du SPD, Manuela Schwesig, sur la chaîne ARD, soit deux fois plus que ce qui est prévu actuellement.
Cela rapprocherait l'Allemagne du seuil annuel de 3% du PIB consacrés à la défense, correspondant au nouvel objectif que pourraient bientôt se fixer les pays de l'Otan.
Le ministre de la Défense, Boris Pistorius, a parlé dans le Spiegel d'"un jour historique pour la Bundeswehr et l'Allemagne", qui va pouvoir assumer "un rôle moteur" pour renforcer l'Otan et l'Europe.
'Signal'
"Nous envoyons un signal aux amis et aux ennemis: l'Allemagne est là. L'Allemagne ne se retire pas. Nous ferons tout ce qui est nécessaire pour protéger, renforcer l'Allemagne. Et faire avancer l'Europe", a dit de son côté un dirigeant conservateur, Markus Söder.
Autre réforme du "frein à l'endettement" annoncée: les Etats régionaux vont être autorisés à faire du déficit, jusqu'à 0,35% du PIB annuel, ce qui n'était pas le cas jusqu'ici.
Dans le même temps, M. Merz a dit vouloir débloquer "rapidement" une aide militaire supplémentaire comprise entre 3 et 3,5 milliards d'euros pour l'Ukraine, suite à la décision des Etats-Unis de suspendre la leur.
En outre, un accord a été trouvé sur un gigantesque plan de subventions publiques pour améliorer les infrastructures et la "compétitivité économique" du pays: le retour à la croissance, dans un pays en récession depuis deux ans, est perçu comme la condition pour pouvoir financer l'effort dans la défense.
Concrètement les partis vont faire voter la création d'un fonds spécial de 500 milliards d'euros sur dix ans en ce sens.
"L'Allemagne pense à nouveau en grand", a commenté l'économiste Carsten Brzeski, de la banque ING.
Les deux mesures nécessitent une majorité des deux-tiers à la Chambre des députés car elles requièrent une exception aux règles constitutionnelles.
Cette majorité peut être trouvée dans l'actuel Bundestag fonctionnant jusqu'à fin mars - d'où l'urgence des annonces - mais elle serait beaucoup plus difficile à trouver dans la prochaine, issue des législatives, du fait de la poussée des partis extrémistes.
36ZB7NU