L'Allemagne de Merz fait le pari du "No limit" pour se réarmer

L'Allemagne prend un virage encore impensable il y a peu en préparant des investissements sans précédent pour se réarmer, un pari politique du futur chancelier Friedrich Merz amorcé sous la pression du...

Friedrich Merz (c), chef de file des démocrates-chrétiens allemands et futur chancelier, monte en voiture après une réunion à la chancellerie, le 5 mars 2025 à Berlin © RALF HIRSCHBERGER
Friedrich Merz (c), chef de file des démocrates-chrétiens allemands et futur chancelier, monte en voiture après une réunion à la chancellerie, le 5 mars 2025 à Berlin © RALF HIRSCHBERGER

L'Allemagne prend un virage encore impensable il y a peu en préparant des investissements sans précédent pour se réarmer, un pari politique du futur chancelier Friedrich Merz amorcé sous la pression du désengagement de Donald Trump vis-à-vis des Européens.

L'annonce, mardi soir, du chef des conservateurs allemands, dix jours après sa victoire aux législatives, envoie un signal fort en pleine tempête provoquée par le rapprochement de Donald Trump avec la Russie.

Pour les Vingt-Sept dirigeants de l'UE, qui participeront jeudi à un sommet crucial sur la sécurité du continent et l'aide à l'Ukraine, cet électrochoc allemand s'ajoute au projet de la Commission européenne, annoncé le même jour, de mobiliser près de 800 milliards d'euros pour des projets de défense.

Si c'est bien le chancelier sortant Olaf Scholz qui représentera l'Allemagne au sommet, Friedrich Merz fait également le déplacement et a déjà rencontré mercredi à Bruxelles le Secrétaire général de l'Otan, Mark Rutte.

Les sommes annoncées par Berlin "sont une surprise, tout comme la rapidité avec laquelle cela s'est fait", souligne Jacob Ross, politologue au centre de réflexion DGAP, alors que le camp conservateur CDU/CSU et ses partenaires sociaux-démocrates (SPD) ont à peine entamé les discussions pour former une coalition gouvernementale.

"Certaines décisions changent le pays pour longtemps", commente l'hebdomadaire Die Zeit. L'accord de mardi "sur des prêts jusqu'alors inimaginables pourrait en faire partie".

Les partenaires européens, et notamment Paris "vont se demander quelles seront les conséquences pour leurs propres économies, pour la zone euro, pour les rapports de force en Europe", ajoute M. Ross, politologue au centre de réflexion DGAP.

Plafond levé

Première économie de la zone euro, en récession depuis deux ans, et sous pression du retournement d'alliance des Etats-Unis, son allié historique, l'Allemagne veut renforcer son armée et relancer la croissance.

Dans le domaine de la défense, le plafond national que s'est fixé constitutionnellement le pays pour limiter son endettement va de facto être levé. Pour le futur chancelier, la seule règle qui vaille est désormais celle du "quoi qu'il en coûte".

L'objectif est d'atteindre un volume d'"au moins cent milliards d'euros par an" de dépenses militaires, a dit une responsable du SPD, Manuela Schwesig, soit deux fois plus que ce qui est prévu actuellement. 

Cela rapprocherait l'Allemagne du seuil annuel de 3% du PIB correspondant au nouvel objectif que pourraient bientôt retenir les pays de l'Otan. 

Le ministre de la Défense, Boris Pistorius, a parlé d'"un jour historique" pour l'Allemagne", qui va pouvoir assumer "un rôle moteur" pour renforcer l'Otan et l'Europe.

Le deuxième volet des annonces porte sur les infrastructures du pays, longtemps négligées : les rails, les routes, les écoles, les réseaux de communication vont bénéficier d'un fonds spécial de 500 milliards d'euros sur dix ans.

L'ensemble du plan d'investissements "bazooka" pourrait être présenté à la chambre des députés sortante le 13 mars, selon la presse allemande, pour un vote le 17 mars, avant même que ne se réunisse la nouvelle assemblée issue des récentes législatives.

Confiance ébranlée

"Pour la sécurité, ce sera +No limit+", a promis Markus Söder, dirigeant conservateur bavarois qui a négocié l'accord avec les sociaux-démocrates.

"Pour beaucoup d'entre nous, la confiance fondamentale en l'Amérique est au moins profondément ébranlée", a reconnu M. Söder.

L'Allemagne voit dans la douleur Washington se détourner de l'Europe et menacer de refermer le parapluie militaire sous la protection duquel elle s'est placée depuis la Seconde guerre mondiale.

Un nouveau séisme géopolitique après le choc de l'invasion russe de l'Ukraine depuis février 2022. En réaction, Berlin avait déjà annoncé un "changement d'époque" pour sa défense et sa diplomatie. 

Mais l'enveloppe exceptionnelle de cent milliards d'euros alors décidée pour moderniser l'armée s'est vite révélée insuffisante.

Le pari politique de Friedrich Merz n'est toutefois pas sans risque pour ce défenseur de la rigueur budgétaire et des baisses d'impôt.

"A peine élu, le futur chancelier allemand prend un virage à 180 degrés", s'émeut le tabloïd Bild mercredi rappelant que le chef de l'opposition "avait promis de ne pas s'endetter davantage (...). Maintenant, il veut des dettes gigantesques (...)".

Le parti d'extrême droite AfD, devenu la seconde force politique à la chambre des députés, après avoir doublé son score aux législatives, l'a accusé d'avoir "menti aux électeurs".

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