Entretien avec Christian Durlin, président de la Chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais
«L’accès à l’eau et son partage sont des sujets majeurs pour notre métier»
Alors que la récolte des légumes débute, les moissons prennent fin dans le Nord et le Pas-de-Calais. Pour Christian Durlin, président de la Chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais, l’heure est désormais au bilan pour les céréales.
La Gazette. La fin du printemps et le début de l’été étaient accompagnés d’une crainte concernant des sécheresses importantes. Est-ce que ce fut le cas ?
Christian Durlin, président de la Chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais : Cette période estivale était un peu chaotique. En novembre dernier, on nous a annoncé des risques de sécheresse sévères. Des premiers arrêtés sécheresse ont été pris dès le mois de juin dans le département. Mais nos cultures ont été rattrapées par un changement de températures fraîches, de fortes précipitations. Mais il faut reconnaitre que cette période a permis à plusieurs cultures de se développer sans irrigation importante. La moisson a dû démarrer plutôt vers le 15 juillet.
Justement quel est le premier bilan de ces moissons ?
La récolte est très modérée. Pour ce qui est des céréales, dont l’orge et le blé, on observe des rendements moyens à bon prix. Soit plus de 90 quintaux dans l’Artois. Mais certaines parcelles ont subi des dégradations par la pluie et la verse de fin juillet. Les prix restent corrects, au-dessus de 200€ la tonne. La déception se ressent sur la récolte du colza et du lin. Les rendements sont variables allants de 25 à 55 quintaux par hectare pour le colza.
Et pour le lin ?
Cette année, on a des lins courts qui risquent de poser des difficultés industrielles. C’est dommage puisque le lin est une filière qui cherche à se développer. La culture a rencontré des difficultés dès son implantation. Cette plante a besoin d’un sol bien profond, frais et sans excès climatiques pour se développer. Ce fut tout l’inverse cette année. Heureusement, l’irrigation a pu améliorer la situation en garantissant sa levée. La récolte semble moitié moins bonne que la moyenne (3.5 à 4 t/ha). Le lin d’hiver semble mieux résister aux aléas climatiques.
Et avez-vous déjà des éléments sur les cultures légumières ?
La climatologie n’a pas permis aux plantes et légumes d’exprimer leur potentiel. La pomme de terre a eu un démarrage compliqué à cause de l’humidité. Le potentiel de production pourrait être 13 % en dessous de la moyenne de ces cinq dernières années. On y verra plus clair dans un mois. Les betteraves sont suffisantes en poids mais elles manquent de richesse en sucre (-10%). Cette année, nous n’avons pas eu d’attaques de pucerons et donc de jaunisse alors que nous étions sans néonicotinoïdes. Nous essayons de trouver des variétés plus résistantes. Mais il nous faut du temps pour les développer et on ne sait pas si ces variétés seront de bonne qualité.
Face à ces changements climatiques, l’irrigation semble essentielle. Mais comment la conjuguer avec les restrictions d’eau ?
L’accès
à l’eau et son partage sont des sujets majeurs pour notre métier.
On appelle à la responsabilité des agriculteurs. Pourtant si les
excès de températures continuent, les besoins en eau ne vont pas
baisser. Nous en avons besoin pour maintenir nos productions
légumières. Mais la profession doit se montrer plus transparente et
engagée quant à sa consommation. Dès 2024, les agriculteurs
s’engagent à la gestion des volumes d’eau dans le cadre des
arrêtés sécheresse et du plan EAU. Les irrigants pourront être
réduits en cas de restriction. Pour lutter contre la sécheresse, il
faudrait stocker les excédents d’eau l’hiver pour les
réutiliser. Nous avons besoin de l’aide des pouvoirs publics pour
avancer sur ces projets.