Justice: Didier Migaud, sous le sceau de la rigueur sociale-démocrate
Vieux routier de la politique et du service de l'Etat, l'ancien député socialiste Didier Migaud, nommé samedi ministre de la Justice, est un expert des questions budgétaires, qui présida la Cour des Comptes pendant dix ans avant de veiller à la probité des élus à la tête de la...
Vieux routier de la politique et du service de l'Etat, l'ancien député socialiste Didier Migaud, nommé samedi ministre de la Justice, est un expert des questions budgétaires, qui présida la Cour des Comptes pendant dix ans avant de veiller à la probité des élus à la tête de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
A 72 ans, c'est la première fois que cet homme mesuré - qui fut proche de Laurent Fabius et conseilla la candidate PS à l'Elysée Ségolène Royal en 2007 - fait son entrée dans un gouvernement.
Parmi les ministres et secrétaires d'Etat, Didier Migaud est le seul à venir de la gauche. Lorsqu'il était adolescent à Château-Chinon, dans la Nièvre, il croisait parfois au domicile familial le maire de la ville, un certain François Mitterrand, client de son père qui était notaire.
Ses activités politiques doivent toutefois être relativisées, relève à l'AFP un cadre socialiste. "On n'a plus de contacts avec lui depuis très longtemps, on ne l'entend pas sur les sujets politiques. Il a été socialiste, mais comme tant de monde l'ont été dans le passé...", élude cette source pour qui "ça n'a pas de sens de le présenter comme une prise de guerre venant du PS". Et de s'interroger: "Si c'est vraiment un homme de gauche, que va-t-il faire dans cette galère?"
orthodoxie budgétaire
"C'est un homme courtois, urbain, intelligent", doté d'une "hauteur de vue", loue un député PS. Un homme de gauche? "Il n'est plus partisan depuis 2010", répond cet élu, qui l'a trouvé "pas particulièrement sévère" envers les gouvernements Macron lorsqu'il présidait la Cour des comptes, et note qu'il a été "le garant d'une forme d’orthodoxie budgétaire".
Depuis le début de la crise politique ouverte par la dissolution, le nom de ce juriste, amateur de rugby, avait circulé cet été pour Matignon. Une piste qui ne faisait toutefois pas l'unanimité, même à l'Elysée où certains, dans l'entourage d'Emmanuel Macron, ne cachaient pas tout le mal qu'ils pensaient de lui. "Je ne nous le souhaite pas collectivement", glissait un proche du président.
Désormais ministre, l'ancien de Sciences Po Lyon - qui n'a pas fait l'ENA - devra abandonner la présidence de la HATVP qu'il occupait depuis début 2020. Il se targuait récemment d'avoir rendu "incontournable" cette instance créée en 2013 dans la foulée du scandale Cahuzac, pour prévenir les conflits d'intérêts et l'enrichissement indu des fonctionnaires et des élus.
Lui-même a été élu local pendant 15 ans - il fut maire de Seyssins, près de Grenoble, et président de l'agglomération grenobloise de 1995 à 2010. Mais c'est surtout à l'Assemblée nationale, où il siégea pendant 22 ans (1988-2010), qu'il s'est imposé, comme un spécialiste des arcanes budgétaires.
Austérité et ironie
A partir de 2007, il préside la prestigieuse commission des Finances, en vertu d'une promesse de campagne de Nicolas Sarkozy d'attribuer cette fonction à un élu de l'opposition - un principe qui est ensuite devenu la règle, à la suite d'une réforme constitutionnelle en 2008.
A ce poste à l'Assemblée, M. Migaud avait su tenir l'équilibre entre son rôle institutionnel et ses critiques constantes contre la politique économique de la droite, le tout dans un style austère, teinté d'ironie. "Capable de bien organiser les débats, il n'a jamais trahi ses idées et ses convictions. Il a su concilier les deux", louait à son propos, en 2010, le rapporteur général du Budget d'alors, Gilles Carrez (LR).
En 2010, Nicolas Sarkozy le choisit pour présider la Cour des Comptes. Pendant dix ans à ce poste prestigieux, l'ancien député de centre-gauche n'épargne aucune majorité, défendant une gestion sourcilleuse des deniers publics, et critiquant le laxisme budgétaire des différents gouvernements et des collectivités locales. Jusqu'à dénoncer par exemple le manque de "sincérité" du dernier budget du mandat de François Hollande, suscitant l'ire du ministre des Finances d'alors, Michel Sapin.
"Notre pays doit cesser de s'abandonner à l'un de ses travers: celui de toujours reporter à plus tard les efforts à fournir" sur la dette et le déficit, soulignait-il pour la énième fois devant la presse en 2019.
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