Jean-Michel Baillon : «Rigueur et recentrage sur l'alu»

Transmission mouvementée menée par un ingénieur HEI dans les produits en plastique pour le second œuvre… Mais de nombreux enseignements en découlent ainsi qu’une bonne précaution en temps de crise : se recentrer sur l’essentiel de l’activité en attendant des jours meilleurs.

Du stock qui bientôt va être réparti dans deux dépôts
Du stock qui bientôt va être réparti dans deux dépôts
D.R.

Jean-Michel Baillon à la barre depuis mai 2011.

 

La Gazette. Quels sont votre formation et votre parcours avant cette reprise ?

Jean-Michel Baillon. Je suis ingénieur HEI. Longtemps je suis passé par des postes opérationnels en management et techniques dans des grands groupes comme Union Carbide ou Eurotunnel. Il m’a fallu trouver des solutions partout, en télécom chez Eurotunnel par exemple. Mais, au fil du temps, j’ai fait le lien entre technique et business et ça m’a donné des idées… Ensuite je suis passé chez Atlantic et Staub à un poste de direction générale pour tout réorganiser et unifier plusieurs usines. Cela me plaisait, puis il y a eu à Béthune une belle expérience dans la distribution, dans la blanchisserie industrielle avec un côté ‘hygiène’ très intéressant et complexe. Et puis, à partir de 2005, j’ai vraiment ressenti le besoin de piloter une entreprise bien à moi !

 

Quel a été le facteur déclenchant votre volonté de reprendre une entreprise ?

Jusque-là, j’étais salarié, certes avec de grosses responsabilités en tant que cadre supérieur, mais salarié et quelque part exécutant de stratégies et de missions. Je ne créais pas pour moi ! Pourquoi ne pas créer plutôt que reprendre ? Je me suis posé la question, mais pas longtemps. Je préfère de manière générale partir de l’existant, développer plutôt que créer, rebâtir sur du bâti. C’est ma nature. Donc, en 2009, j’ai quitté mes fonctions et j’ai réfléchi en rencontrant plein de monde et en me rapprochant tout de suite du BRE. J’étais sur plusieurs entreprises, 15 environ, dont une sérieuse à Hazebrouck dans un lot de 5. Mais à plusieurs reprises on m’a cité Techniplast alu à Guesnain, en redressement depuis février 2010. La liquidation allait intervenir, il fallait faire vite si cela m’intéressait, très vite même… Je n’avais jamais imaginé reprendre une société en liquidation, j’ai creusé la question et mes conseils m’ont beaucoup aidé. Ce qui me poussait à le faire, c’était deux choses : la bonne réputation de l’entreprise, très connue, et la totale liberté dont je jouirais si le tribunal me choisissait.

 

Quelles ont été les raisons prépondérantes du choix de cette entreprise ?

Sa notoriété, la qualité de ses produits, du classique mais solide, des bâtis, des fenêtres en alu, etc. Et elle était sur un vrai marché régional. Je voulais du second œuvre dès le départ. Sa taille m’allait bien aussi : une quinzaine de collaborateurs à l’époque, qui sont pour l’instant dix en raison de la conjoncture.

 

Combien de temps a pris la transmission ?

Le premier contact avec le cédant a eu lieu en octobre 2010 et la décision du tribunal en janvier 2011.

 

Quels ont été vos partenaires ?

La banque HSBC qui m’a fait une totale confiance, la Finorpa très précieuse à divers niveaux, le cabinet Di Prima à Douai, la Fiduciaire Catry à Sin-le-Noble et un conseil en RH, Simoëns à Lille.

 

Sur quels critères avez-vous estimé la valorisation de l’entreprise ?

Dans une procédure de liquidation, la question ne se pose pas comme cela. J’avais proposé trop, de toute façon il m’a manqué un mois de réflexion tant le temps pressait. Je pense que le point très positif a été que je reprenais tout le monde car l’équipe était aussi compétente que mal organisée, mais elle n’y était pour rien.

 

Au final, comment avez-vous trouvé l’entreprise reprise ? Avez-vous été surpris par certains points ?

Surpris, c’est le moins que je puisse dire ! Techniplast alu reposait sur plusieurs activités intéressantes, dont la toiture, le négoce et de la menuiserie aluminium. Cela m’allait très bien. Dans un premier temps, après le feu vert du tribunal, je restais sur une bonne impression. J’avais rencontré le cédant, très affable, en octobre 2010 et le personnel avec qui le courant est passé très vite après une période d’observation normale. Il est même venu au tribunal le jour de l’audience pour soutenir mon projet. Il y a eu plusieurs rencontres, j’ai compris qu’il fallait une présence permanente dans l’entreprise pour mobiliser ces gens. Il y a beaucoup d’échanges sur le futur, le personnel y a favorablement adhéré alors que la nouvelle organisation impliquait des remises en question et une nouvelle organisation avec de nouveaux postes. Donc, côté compétences et technicité, tout allait bien, l’ambiance aussi et, chose importante, des gens avaient une marge de progression.

Dans le positif, il y avait aussi, dans la clientèle de la région et sa périphérie, l’entreprise mais pas le particulier, des personnes que je connaissais bien avec qui je pouvais créer des synergies. Il y avait des produits prometteurs, comme en photovoltaïque par exemple. Bref; la réputation de la société était bonne.

En fait, à l’arrivée, beaucoup de déceptions… Le CA de 2,2 M€ s’avérait notoirement surévalué grâce à ce que j’appellerai diplomatiquement des « artifices». La clientèle était en train de chuter et la qualité des produits était victime des difficultés importantes de la société, sans parler de la façon dont les finances étaient gérées. De plus, le cédant à qui j’avais fait un contrat d’agent commercial n’a aucunement effectué les quatre mois d’accompagnement. Il est parti à la concurrence , malgré une clause de non-concurrence. Il n’a bien sûr jamais honoré le contrat de commercial proposé et accepté par lui. J’ai déposé deux plaintes au tribunal.

 

Y a-t-il eu des moments particulièrement difficiles et agréables lors de cette reprise ?

Le bon moment a été quand le personnel m’a soutenu au tribunal par sa présence et je dirais la collaboration initiale avec le cédant avant que je découvre l’ampleur des dégâts. Le mauvais moment, durant la reprise elle-même, s’est passé quand j’ai dû déposer en catastrophe ou presque mon offre au tribunal alors que je voyais les défauts du dossier mais que je ne pouvais plus rien changer. Je voyais que ce n’était pas clair. La suite m’a donné raison.

 

Quel votre projet pour cette entreprise ?

Il y a beaucoup à faire. Depuis mai 2011, période à laquelle j’étais réellement seul à la barre, j’ai d’abord rétabli un climat de travail basé sur la cohérence des tâches, toutes définies et écrites noir sur blanc. Chacun fait son travail et rien que son travail, et apparemment, ça plaît ! J’ai ajouté une personne au bureau d’études, j’ai deux commerciaux à plein temps et deux collaborateurs en production. Il y a eu une réaffectation sur un poste d’acheteur. Cela a pris six mois. Ensuite j’ai rencontré tous les fournisseurs pour les rassurer, trois sur vingt sont restés. Cela m’a pris trois mois et j’ai choisi ensuite mes propres fournisseurs. Aujourd’hui on travaille avec les Allemands et les Suisses, une forme de confiance est revenue.

La grande priorité dans tous ces changements, qui sont aussi liés à la crise et pas seulement à la reprise, c’est le recentrage sur la menuiserie alu qu’il faut accélérer et professionnaliser. Une activité pour laquelle il faut plus de clients, notamment chez les grands groupes comme la grande distribution mais sans négliger les autres. La densification du portefeuille client passe aussi par la livraison. D’ici trois ans, j’aurai un dépôt à Saint-Omer et à Saint-Quentin. On a du stock, des clients viennent ici pour ça, donc je livre des dépôts. L’autre produit à promouvoir, c’est la couverture plaque. Je veux travailler avec des clients comme les étancheurs, les bardeurs et les couvreurs. Le négoce va donc être privilégié mais on a des partenaires. La crise continue après un tassement en 2008. Tous les délais s’allongent. Mais l’activité nouvelle doit progresser de + 5% par an, et le vrai CA, qui lui aussi a chuté, doit regagner + 8% chaque année.

 

Auriez-vous des conseils à donner à un candidat repreneur ?

Etudier les possibilités de reprise au tribunal, formule qui ouvre des possibilités sur le plan financier puisqu’on peut réinjecter de la finance dans le cash et la trésorerie. Etre armé pour maîtriser la partie financière. Si on pense vraiment avoir trouvé la bonne société, foncer ! Ne pas s’isoler, des clubs d’entrepreneurs comme le mien, e6, sont là pour vous soutenir.

 

D.R.

Le produit alu, phare du nouveau développement.

INFOS CLES

Dénomination : L’Air et la Lumière

Statut : SARL

CA : 2,2 M€

Effectif : 10

Dirigeant : Jean-Michel Baillon

Création : 1er janvier 2011

Ville : Guesnain (59287)

Siret : 529 782 443 

NAF : 2221 Z