Jean-Louis Louvel, «chef d’orchestre» de la palette bois
Une palette en bois, rien de plus basique. Mais travaillée comme l’a fait Jean-Louis Louvel, elle conduit à la constitution d’un groupe de 1 000 salariés. Il n’entend pas en rester là.
«Je suis tombé dans la palette par hasard, quand un de mes frères qui recevait des marchandises m’a dit de revendre ses palettes. Si ma première idée a été de lui conseiller de louer une benne pour les y mettre et donc de payer pour les évacuer, je lui ai ensuite trouvé un acheteur dont le métier était de les revendre, puis un industriel qui les a réutilisées… Ce métier m’a tellement surpris qu’avec un ami, six mois après, nous avons démarré la société.» Aujourd’hui, on peut écrire qu’avec PGS (Palettes gestion services), dont le siège social est à Saint-Etienne-du-Rouvray en Seine-Maritime, Jean-Louis Louvel est le roi de la palette français. Un roi atypique par la nature de son activité, par son management et son parcours.
Pour le commun des mortels, rien de plus banal qu’une palette de bois et pourtant, raconte Jean-Louis Louvel, «ce produit d’apparence très basique, des planches de bois et des clous, est un élément totalement indispensable dans la chaîne logistique. Un monde sans palettes de bois, c’est l’arrêt total de l’économie. Sur 100% de marchandises transportées, 95% le sont sur palettes et 95% de ces 95% sur palettes en bois. La palette est assurément un excellent indicateur de l’activité économique».
C’est donc en 1993, une fois réunis (non sans mal) 50 000 francs de l’époque pour constituer le capital de PGS, qu’il se lance avec un premier associé, rejoint ensuite par un second, d’abord dans le reconditionnement de palettes, puis à partir de 2001 dans la fabrication de palettes neuves, et, enfin en 2009, dans les sciages à palettes. Trois métiers différents certes, mais tous connectés les uns aux autres et qui offrent l’avantage d’assurer une pérennité des profits, les cycles de chacun de ces métiers ne se superposant pas mais s’équilibrant.
Vingt ans après sa création, le groupe PGS réalise un chiffre d’affaires consolidé de 168 M€ au 30 septembre 2013, en progression de 19,40%, contre 140,7 M€ en 2012. Le groupe est aujourd’hui, excusez du peu, premier fabricant français et belge de palettes neuves avec 13 sites pour une capacité annuelle de 18,6 millions de palettes, premier reconditionneur français avec 27 sites en France, Belgique et Espagne, et premier producteur français de sciages à palettes avec 6 scieries pour une production de 280 000 m3 par an. Présent sur la totalité du cycle de vie de la palette bois, de l’exploitation forestière au recyclage en fin de vie, le groupe a ainsi mené depuis 2009 dix opérations de croissance externe en pleine période de crise économique et réalisé plus de 35 M€ d’investissements.
Quelles recettes a appliquées cet autodidacte qui, à 16 ans, a quitté l’école sans le BEPC pour commencer comme tailleur de pierre ? «Je suis un bâtisseur, j’ai une soif d’entreprendre et d’apprendre, une façon sans doute de rattraper mon côté autodidacte, tout en fonctionnant beaucoup à l’intuition, confie-t-il, et cela me réussit.» Mise en place d’un maillage important du territoire français sur un marché atomisé de quelque 650 concurrents, intégration de trois métiers différents mais complémentaires, opérations de croissance externe, élargissement de la gamme de produits et de services, le business model mis en œuvre par Jean-Louis Louvel est unique au monde. Il s’appuie, outre une stratégie de développement axée sur la complémentarité des trois métiers du groupe, sur trois valeurs dont il se réclame haut et fort : des valeurs sociales, sociétales et environnementales. «Mes valeurs, ce n’est pas le chiffre d’affaires, c’est d’avoir démarré à 3 pour passer la deuxième année à 7, aujourd’hui à 950 pour atteindre à la fin de l’année les 1 000 collaborateurs. L’argent ne m’attire pas, il pollue les décisions. Ces trois valeurs sont mes trois premiers critères, l’argent n’est que le quatrième», revendique-t-il en se reconnaissant un certain atypisme.
«Ma passion, c’est entreprendre», ose-t-il encore. Jean-Louis Louvel n’entend pas en rester là : il vise les 230 M€ l’an prochain et les 500 M€ à quatre ans grâce à beaucoup plus d’international. «Avant la crise, je doublais mon chiffre d’affaires tous les trois ans. Maintenant, c’est tous les quatre ans, concède-t-il. Certains disent : vous allez perdre votre âme à vouloir trop grossir. Mais mon but, c’est de continuer à développer tout en respectant mes valeurs. Si demain je les perdais, ce serait un échec.»