Bilan de l'activité judiciaire 2020

Jean-François Krummenacker, nouveau président d'un tribunal de commerce de Douai pleinement mobilisé

Jean-François Krummenacker a été élu président du tribunal de commerce de Douai en décembre dernier. L'audience solennelle de rentrée du 12 janvier dernier a marqué sa prise de prérogatives. Alors qu'il entame ce qui sera son unique mandat (il a déjà mené quatre judicatures), il revient sur l'activité judiciaire 2020.

 Jean-François Krummenacker, nouveau président du tribunal de commerce de Douai.
Jean-François Krummenacker, nouveau président du tribunal de commerce de Douai.

La Gazette Nord-Pas-de-Calais : Quel est le bilan l'activité judiciaire en 2020 au tribunal de commerce de Douai ?
Jean-François Krummenacker : Notre activité a baissé de 30% dans à peu près dans toutes les catégories. Nous avons traité 130 contentieux, contre environ 150 l'année précédent. Et 163 procédures collectives ont été ouvertes en 2020, contre 230 en 2019. Mais cette baisse est bien moins importante à Douai que dans les autres tribunaux de la huitième région, où elle est de l'ordre de 40%.

En pleine crise économique due à la pandémie, comment cette baisse s'explique-t-elle ?
Je dirais que nous sommes devant une extraordinaire réussite des mesures financières mises en place par le ministère de l'Economie. Notre Gouvernement a tout de suite mis en place des aides exceptionnelles, à un montant très important, alors que personne ne pensait que c'était faisable. Et ces montants continuent encore d'augmenter ! Les établissements bancaires ont joué le jeu sans aucun souci. Il y a eu des prêts à bas coût avec des échéances qui permettaient d'avoir de la trésorerie et donc de ne pas être en cessation de paiement. En un an de pandémie, seuls deux dossiers pour recevoir le fonds de premier secours de la Région ont été refusés. L’URSSAF et les impôts ne demandent également plus rien. Grâce à tout cela, le nombre de procédures collectives chute. 

A côté de ça, les créations d'entreprises augmentent d'une manière importante, tandis que les radiations d'entreprises baissent. Sur le papier, cela laisserait entendre que nous avons traversé une année où l'économie allait extraordinairement bien. Ce qui n'est pas le cas. Les entreprises ne vont pas bien, mais elles sont en sommeil et elles pourront éventuellement repartir.

Ces prêts devront être remboursés à un moment ou à un autre. Redoutez-vous ce moment ?
C'est l'ancien banquier qui vous parle : il est évident que les banquiers vont être pragmatiques et vont mettre en place des plans d'amortissement pour ceux qui ne pourront pas rembourser intégralement. Tout le monde ne pourra pas rembourser la trésorerie par définition, c'est évident. D'ailleurs, ces mesures d'amortissement seront peut-être orchestrées par le Gouvernement : Bruno Le Maire a reçu les banquiers pour qu'ils s'engagent à reporter le remboursement d'un an et à regarder avec bienveillance les amortissements éventuels.
Cela ne réglera pas toutes les situations, mais cela réglera les meilleures en tout cas. Malheureusement, ceux qui ne retrouverons pas d'activité à l'issue de la pandémie iront inévitablement en procédure collective. Nous nous sommes mis en ordre de marche et nous nous attendons à avoir une arrivée extraordinaire des procédures collectives d'ici le début 2022.

Au vu de son tissu économique, le Douaisis risque-t-il d'être plus impacté que d'autres territoires ?
Pas selon moi, parce que le territoire est moins touristique. Notre secteur café-hôtellerie-restaurant dépend beaucoup des entreprises. Donc, lorsque nos entreprises vont repartir, ce secteur repartira également. Ce serait moins évident si nous étions sur la côte et que nous devions attendre des touristes. L'industrie, quant à elle, continue à travailler. Le Douaisis fait beaucoup de maintenance industrielle. Le plan de relance va aussi générer des meilleures chances de s'en sortir.

Vous restez donc optimiste ?
Évidemment. La crise a malgré tout été gérée sans catastrophe financière. On doit donc pouvoir gérer la reprise d'une manière très positive. Je suis président du TC, mon travail sera plutôt du côté des procédures collectives et j'aurai donc le mauvais rôle, mais on essaiera d'accompagner au mieux les chefs d'entreprise. Le volet social est très important.

En quoi consistera cet accompagnement ? 
L'homme, plus que le droit, est naturellement au centre du TC et de la procédure. Le chef d'entreprise est jugé par ses pairs : ce sont des chefs d'entreprise qui jugent d'autres chefs d'entreprise et connaissent leurs tourments.
Il y a une morosité ambiante qui a rendu le deuxième confinement encore plus compliqué à supporter que le premier. Nous avons donc décidé d'adhérer au dispositif Apesa pour nous occuper des personnes en souffrance psychologique. Nous sommes actuellement à la recherche de financement pour mettre en place cette association et faire la passerelle entre les entrepreneurs et les psychologues. Mon objectif est que tout soit effectif au premier trimestre 2021.

Avez-vous un dernier conseil à transmettre aux entrepreneurs pour affronter l'année à venir ?
Je leur dirais : n'attendez pas pour venir nous voir. Si votre entreprise ne va pas pour des raisons «hors-Covid», n'attendez pas que les aides gouvernementales couvrent le problème. Si vous vous apercevez que votre activité ne pourra pas repartir dans tous les cas, il ne faut pas attendre pour la cesser. Nos tribunaux restent ouverts. Il y a des audiences toutes les semaines. Il ne faut pas hésiter à venir nous voir, car arrêter une activité maintenant sera toujours effectué dans de meilleures conditions qu'en plein milieu d'une vague de dossiers.
Le rôle du tribunal n'est pas d'aider, le rôle du tribunal est de juger. Mais quand justice sera rendue, tout le monde se portera mieux.