IVG dans la Constitution: l'Assemblée, largement favorable, envoie la balle au Sénat

L'Assemblée nationale a adopté à une large majorité mardi l'inscription dans la Constitution de la "liberté garantie" pour les femmes d'avoir recours à l'IVG, lançant ainsi la balle au Sénat, où la...

IVG dans la Constitution: l'Assemblée, largement favorable, envoie la balle au Sénat

L'Assemblée nationale a adopté à une large majorité mardi l'inscription dans la Constitution de la "liberté garantie" pour les femmes d'avoir recours à l'IVG, lançant ainsi la balle au Sénat, où la formulation choisie suscite beaucoup moins de consensus.

"La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours" à une IVG. La formulation proposée par le gouvernement a été validée sous les applaudissements nourris par les députés, sur fond d'inquiétude face aux remises en cause de ce droit aux Etats-Unis et en Europe.

"Cette victoire sonne comme une revanche contre la honte, la clandestinité, le silence, la souffrance, la mort qu'ont dû affronter des centaines de milliers de femmes", a lancé à la tribune Mathilde Panot (LFI), qui avait fait voter fin 2022 un premier texte consacrant un "droit" à l'IVG.

"Ce soir l'Assemblée et le gouvernement n'ont pas manqué leur rendez-vous avec l'Histoire des femmes (...) avec l'Histoire tout court", a salué le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti alors que le Premier ministre Gabriel Attal a salué sur X une "très grande victoire à l'Assemblée nationale pour les droits des femmes".

La réforme constitutionnelle a été soutenue par 493 députés contre 30. L'ensemble des élus de gauche et la quasi-totalité de la majorité et du groupe indépendant Liot ont voté pour.

A droite le groupe LR s'est divisé entre 40 pour, 15 contre et quatre abstentions. Tout comme le RN (46 pour, 12 contre et 14 abstentions).

Côté LR, plusieurs députés s'inquiètent d'un déséquilibre par rapport à la loi Veil, entre "la possibilité pour la femme d'avoir recours à l'IVG et le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie", selon la députée Emilie Bonnivard (LR).

Certains s'inquiètent également d'allongements de la durée légale pour une IVG ou de remises en cause de la clause de conscience des soignants refusant de la pratiquer, sans que le Conseil constitutionnel ne puisse plus s'y opposer. Argument également avancé par le mouvement pro-vie Alliance Vita qui craint un futur "droit opposable".

"Ce projet de loi ne crée pas de droit opposable" à l'IVG, a insisté à plusieurs reprises Guillaume Gouffier Valente (Renaissance), rapporteur à l'Assemblée.

"C'est une bataille historique gagnée par les féministes a réagi Sarah Durocher, présidente du Planning familial contactée par l'AFP, qui voit dans l'adoption large à l'Assemblée un signe "encourageant" pour le Sénat.

Arguments de façade

Le gouvernement a choisi la formulation "liberté garantie" pour trouver une voie de passage entre le texte voté à l'Assemblée évoquant un "droit", et un autre que le Sénat, dominé par la droite et le centre, a adopté à quelques voix près, mais qui retenait uniquement le terme "liberté". 

L'équilibre est primordial: la voie choisie pour modifier la Constitution implique que les deux chambres votent le même texte, à la virgule près, avant qu'il soit soumis à un scrutin au Congrès réunissant les parlementaires, et nécessitant 3/5e des voix. Sinon, la navette reprendra.

Après le vote, le garde des Sceaux a choisi soigneusement ses mots, faisant voeux de "détermination et humilité" au Sénat.

Mélanie Vogel, sénatrice écologiste en pointe sur la question, a lancé un appel à la chambre haute : "ne cédez pas à des arguments de façade ou à des considérations politiciennes. L'Histoire ne les retiendra pas".

"On ne peut pas considérer que le texte de l'Assemblée est à prendre ou à laisser", prévient d'emblée le sénateur LR Philippe Bas, auteur de la rédaction adoptée au Sénat, et qui voit dans la notion de "liberté garantie" un risque potentiel de glissement vers le "droit opposable".

Des ténors de la droite et du centre sont contre la constitutionnalisation, à l'instar du président du Sénat Gérard Larcher (LR), pour qui "l'IVG n'est pas menacée".

Autre urticant, la proposition en décembre de la ministre Aurore Bergé (alors en charge des Solidarités) convoquer le Congrès le 5 mars, perçue comme une pression sur le Parlement. Eric Dupond-Moretti a promis de prendre "le temps qu'il faut".

Les partisans au Sénat de l'inscription dans la Constitution nourrissent aussi un espoir: que des voix perdues par la droite aux dernières sénatoriales aideront à faire pencher la balance.

Le texte doit être examiné par la chambre haute le 28 février.

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