Israël/Gaza: les accusations d'antisémitisme mettent Sciences Po Paris sous pression
Sciences Po Paris, accusé de laisser prospérer l'antisémitisme sur fond de mobilisation étudiante pro-Gaza, affronte un feu roulant de critiques qui jugent, au grand dam d'une partie des étudiants, que l'école des élites...
Sciences Po Paris, accusé de laisser prospérer l'antisémitisme sur fond de mobilisation étudiante pro-Gaza, affronte un feu roulant de critiques qui jugent, au grand dam d'une partie des étudiants, que l'école des élites s'engage dans la dérive des campus américains.
Deux jours après l'occupation d'un amphithéâtre par environ 300 militants pro-palestiniens qui s'est soldée par des accusations d'antisémitisme de la part de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), l'affaire est devenue une quasi-affaire d'Etat.
En visite dans l'Eure-et-Loir, le Premier ministre Gabriel Attal a déploré jeudi "une sorte de lente dérive liée à une minorité agissante qui veut imposer une forme de pensée dominante au sein de cette institution".
La préfecture de police a interdit un rassemblement devant Sciences Po à l'appel du collectif Urgence Palestine. Vingt à trente manifestants se sont quand même réunis, maintenus à l'écart de l'établissement par les forces de l'ordre, dans le calme, a constaté l'AFP.
Après le président de la République Emmanuel Macron, qui a fustigé des propos "inqualifiables et parfaitement intolérables", et Gabriel Attal, ancien "science-piste" comme le chef de l'Etat, qui s'est invité mercredi au conseil d'administration de l'établissement, ce sont les deux têtes du Parlement qui ont tiré à boulets rouges sur l'institution.
"Sciences Po ne peut pas devenir un bunker islamo-gauchiste", a tonné sur France 2 le président du Sénat Gérard Larcher.
"On transforme ces lieux en lieux de militantisme effréné", a jugé la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet sur Europe1/Cnews.
"Non l'incident n'était pas dérisoire. Mieux: il n'a pas eu lieu !", a au contraire réagi le leader insoumis, Jean-Luc Mélenchon.
Le député apparenté LFI Aymeric Caron est venu soutenir jeudi les étudiants du comité Palestine, "victimes d’une cabale".
Si les faits allégués ont été signalés à la justice, les versions divergent et la situation divise un établissement considéré comme la pouponnière des élites politiques et médiatiques.
"Attention, il y a l'UEJF dans la salle": une étudiante de confession juive a témoigné dans les médias pour dénoncer l'hostilité de participants à la mobilisation pro-Gaza de mardi.
Ceux-ci lui auraient également adressé: "La laissez pas rentrer, c'est une sioniste", selon des propos qu'un camarade lui a rapporté.
"Me qualifier de sioniste, me refuser l'entrée d'une telle réunion, c'est de l'antisémitisme", a-t-elle déclaré, anonymement, au Parisien.
Crise
"Cette personne on l'a reconnue. On lui a dit +on t'a vue plusieurs fois prendre en photo des membres de notre organisation ou agresser verbalement+ donc on n'a pas envie que cette personne rentre", a expliqué à l'AFP un étudiant, Hicham, membre du comité pro-palestinien, absent lors de l'incident.
"La conférence était bien ouverte à tout le monde sauf aux personnes qui sont vues comme dangereuses pour notre sécurité", a complété à l'AFP une étudiante de 23 ans prénommée Léo. "Au moins" quatre étudiants de l’UEJF étaient présents dans l'amphi, selon elle.
Depuis l'attaque sanglante du Hamas en Israël le 7 octobre, suivie de représailles de l'armée israélienne dans la bande de Gaza, "il y a eu, et à juste titre, des mails envoyés aux étudiants israéliens pour leur apporter leur soutien psychologique. Ça n'a pas été fait pour les étudiants palestiniens, Sciences Po ne s'est pas du tout emparé du sujet", a critiqué Hicham.
"Beaucoup d'étudiants étrangers à Sciences Po, notamment américains, importent les débats politiques des Etats-Unis vers Sciences Po", expose un enseignant sous couvert d'anonymat.
De fait, la polémique dans l'établissement fait écho à la situation outre-Atlantique, où des présidents de prestigieuses universités comme Harvard ont été accusés de complaisance à l'égard de l'antisémitisme lors de mobilisation pro-Gaza sur leurs campus.
"On a la chance en France à ce stade, d’être relativement épargné par un mouvement que l’on a vu se développer dans un certain nombre de pays, notamment anglo-saxons. Je ne veux pas que Sciences Po ou tout autre école, ou toute université devienne la voie d’eau de l’arrivée de cette pensée", a fait valoir Gabriel Attal jeudi.
Le Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) a demandé jeudi l'ouverture d'une "commission d'enquête parlementaire sur l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur" en France.
La crise de gouvernance ouverte par la démission mercredi matin du directeur Mathias Vicherat, renvoyé devant la justice dans un dossier de violences conjugales, ne devrait pas aider à calmer les tensions.
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