Simon Lubais, de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes : "Notre profession apporte clarté et sécurité"
Simon Lubais est le président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Normandie. Alors que la profession manque d'attractivité, elle s'apprête à subir une profonde transformation avec l'élargissement de la certification des données extra-financières.
Lors de l'assemblée générale de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Normandie, en octobre dernier, vous avez beaucoup abordé l'attractivité de votre profession. Pourquoi le métier attire moins les jeunes aujourd'hui ?
Il fait moins rêver. Il y a une perte
d'attractivité pour plusieurs raisons : une usure d'image et
une méconnaissance du métier. À commencer par le nom, je préfère
d'ailleurs qu'on parle d'auditeurs légaux
plutôt que de commissaires aux comptes. C'est à nous d'aller vers les
jeunes pour leur montrer que ce n'est pas qu'un métier comptable,
d'ailleurs c'est un métier de droit avant un métier
de chiffres. Les jeunes n'ont pas conscience de la digitalisation de
la profession, nous utilisons de plus en plus d'outils d'intelligence artificielle pour nous aider dans les tâches répétitives. [...] Notre
profession a une véritable utilité sociétale, dans une société où il y a une certaine peur de prendre des risques, où l'information
circule vite et où les entreprises ont des difficultés à avoir de la visibilité. Les commissaires aux comptes apportent clarté et sécurité dans ce monde économique.
Alors comment pallier les problèmes de recrutement dans la profession ?
Il faut aller hors de nos sentiers battus. Il faut aller sourcer en amont, dans les lycées ; aller dans les écoles d'ingénieurs, car ils ont des profils qui intéressent nos métiers, notamment en matière de système d'information ou encore sur la question environnementale. D'ailleurs, nous avons signé, il y a quelques semaines, un partenariat avec l'ENOES (École de l’expertise comptable et de l’audit) qui va permettre à des profils, qui ont déjà un Master, de pouvoir bénéficier d'une formation accélérée pour devenir auditeur légal, sans repartir de zéro. L'objectif est de relayer cette formation dans les IAE de province. La première promotion fera sa rentrée en septembre 2023. Parmi les autres actions, il y a les campagnes de communication ainsi que les animations à l'échelle régionale.
Outre l'attractivité, la RSE est un enjeu majeur. Pouvez-vous m'en dire plus sur cette nouvelle mission sur les données extra-financières ?
Il faut revenir en arrière. La DPEF (déclaration de performance extra-financière, un rapport sur la politique environnementale, sociale, sociétale et de gouvernance d'une société, et sur ses résultats sous la forme d’indicateurs de performance, NDLR), a été mise en place dès 2017 pour les entreprises de plus de 500 salariés. En novembre dernier, la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) a été finalisée. Dès 2025, cela concernera les entreprises de plus de 250 salariés (ou 40 M€ de CA ou 20 M€ de bilan, NDLR). À l'échelle de l'Europe, cela correspond à environ 50-60 000 entreprises concernées au lieu de 10 000 actuellement. On peut donc multiplier par 4 ou 5 les entreprises françaises concernées dès 2025.
Comment les commissaires aux comptes se préparent-ils ?
Nous nous formons. [...] Nous allons devoir faire un gros travail de sensibilisation auprès de nos clients, qui vont soit comprendre les enjeux, soit ne pas avoir le choix. Il va falloir les accompagner. C'est un chantier titanesque, pour plus de transparence. Avec nos clients, nous allons partir du point 0, décoder les différentes normes, qu'elles soient conceptuelles ou thématiques, construire les indicateurs, établir une feuille de route, afficher les objectifs et communiquer des informations fiables, c'est un sujet fondamental.