Interdit en Espagne, un spectacle de "nains toreros" présenté en France
Travail artistique ou spectacle discriminant ? Une troupe espagnole de "nains toreros" a présenté jeudi soir dans le sud-ouest de la France un spectacle "comico-taurin", sans violence sur l'animal, alors que ce type de...
Travail artistique ou spectacle discriminant ? Une troupe espagnole de "nains toreros" a présenté jeudi soir dans le sud-ouest de la France un spectacle "comico-taurin", sans violence sur l'animal, alors que ce type de représentation est interdite depuis avril en Espagne.
Le parlement espagnol visait les spectacles présentés lors de corridas par des troupes de personnes de petite taille, "dans lesquels des personnes présentant des infirmités (...) sont utilisées pour susciter la moquerie, le ridicule ou la dérision du public".
L'interdiction se fonde notamment sur des directives européennes en matière de discrimination liée au handicap.
À Téthieu dans les Landes, village de 850 habitants proche de Dax, à quelques dizaines de kilomètres de la frontière espagnole, dans des arènes pleines - 650 places - les "toreros comicos" de la troupe "Diversiones en el ruedo" ont enchaîné saynètes et gags faciles, avec ou sans vachette, changeant de costumes à plusieurs reprises, sous les rires et applaudissements.
"C'est du spectacle comique, il n'y a ni sang, ni mise à mort, juste de la parodie", avance Daniel Calderon, chef de la troupe de 11 artistes.
On aime ce qu'on fait
Pour lui, l'interdiction faite en Espagne "se fonde sur un faux prétexte, utilisé par des gens qui n'aiment juste pas la tauromachie".
La loi approuvée par le sénat et le congrès espagnols reste sujette à interprétation : malgré des recours en justice, un spectacle comico-taurin du même type a été organisé le 4 juillet lors de la feria de Teruel, en Aragon.
Dans son costume pailleté, Paúl Muñoz, 31 ans, dont dix dans le monde taurin, dénonce "une injustice". "À aucun moment, on ne nous a demandé notre avis, personne ne nous a proposé de nous mettre autour de la table pour en discuter. Nous, on aime ce qu'on fait, c'est notre travail."
"Les priver de leur travail, c'est de la discrimination", renchérit Mika Romero, mandataire de la troupe en France.
Pour Jonathan Dufort, président du comité des fêtes de Téthieu, "ce sont des toreros, des gens qui s'entrainent, des sportifs, qui ont conçu un spectacle pour divertir", à l'image des épreuves estivales de "taureau piscine" ou de l'ancien jeu télévisé Intervilles.
"Pourquoi devrait-on les réserver à des gens de taille ordinaire ?", interroge ce bénévole qui organise "cinq à six spectacles taurins" de tout type chaque année pour "des fêtes populaires".
Contre-productif
Des troupes espagnoles de "nains toreros" se sont déja produites dans les Landes dans le passé et des spectacles du même genre sont présentés notamment au Mexique.
Mais selon Violette Viannay, présidente de l'Association française des personnes de petite taille qui travaille "à favoriser une meilleure intégration" et "à résoudre le chantier long et compliqué du "regard de l'autre", ce type de spectacle est "contre-productif".
Elle insiste sur le handicap, loin d'être "simplement une question de taille". "Le nanisme est une condition qui résulte de maladies rares. Au-delà des problématiques d'accessibilité, elles engendrent parfois des problèmes de santé importants."
Sollicitée par l'AFP, la ministre déléguée chargée des personnes handicapées, Fadila Khattabi, considère que "bien que chacun soit libre de participer ou non à ces représentations, les moqueries et discriminations faites à l'égard des personnes de petite taille s'inscrivent dans une histoire vieille de plusieurs siècles et à laquelle nous devons mettre un terme".
"Considérer le nanisme comme une source de divertissement pose problème et il est urgent de repenser collectivement cette représentation", ajoute la ministre déléguée, préférant mettre en avant la "superbe performance" des athlètes français aux mondiaux des personnes de petite taille qui s'achèvent samedi en Allemagne.
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