Innovation et instinct grégaire: le monde des start-up vu par Gaspard Koenig

La recherche de l'innovation à tout prix n'est pas une fin en soi, estime le romancier Gaspard Koenig, lauréat du prix Interallié 2023 pour son roman "Humus", qui décrit avec un humour...

Le romancier Gaspard Koenig lors du 25e festival littéraire "Les Correspondances" à Manosque, dans les Alpes-de-Haute-Provence, le 21 septembre 2023 © JOEL SAGET
Le romancier Gaspard Koenig lors du 25e festival littéraire "Les Correspondances" à Manosque, dans les Alpes-de-Haute-Provence, le 21 septembre 2023 © JOEL SAGET

La recherche de l'innovation à tout prix n'est pas une fin en soi, estime le romancier Gaspard Koenig, lauréat du prix Interallié 2023 pour son roman "Humus", qui décrit avec un humour féroce les travers du monde des start-up.

Dans sa fiction sortie au mois d'août - qui a également remporté le prix Giono et a figuré parmi les finalistes des Goncourt et Renaudot -, le jeune quadragénaire dépeint une époque leurrée par la technologie, considérée à tort comme innovante par essence.

Désormais, l'innovation est même devenue "un but sacré dont la poursuite devrait être au-dessus de tous les autres principes, politiques et économiques", déplore-t-il lors d'un entretien avec l'AFP, lundi.

Pour l'écrivain, qui a notamment publié un essai sur l'intelligence artificielle il y a quelques années, "Humus" est l'occasion de rendre visible un monde mal connu du grand public. Un univers où les fonds d'investissement donnent le "la", jugeant de la pertinence des start-up selon des mantras contemporains et des concepts à la mode, au premier plan desquels l'intelligence artificielle.

Pourtant, derrière les ambitions vertueuses affichées par les jeunes pousses, "les moteurs restent l'appât du gain, l'ambition: ils n'ont pas changé depuis la nuit des temps", souligne l'auteur, qui fut un temps la plume de la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, sous la présidence Sarkozy.

Le problème, juge Gaspard Koenig, c'est que peu de start-up ont un discours réellement révolutionnaire. L'auteur pointe du doigt le poids de la Banque publique d'investissement, BpiFrance, qui apporte son soutien financier à nombre de jeunes entreprises tricolores.

"C'est un interlocuteur obligatoire, ce qui la met en position de monopole. Les entrepreneurs sont tous dans le même système économique et politique, et il existe un contraste entre le grégarisme de cet écosystème et sa volonté de disrupter", analyse-t-il.

Faillite du politique

L'un des personnages de "Humus", un jeune agronome, développe Veritas, entreprise qui veut créer des usines de vermicompostage. Rattrapée par la réalité technique (les lombrics ne parviennent pas à engloutir tous les déchets), la cofondatrice finira par envoyer les rebuts à l'incinération, bien loin de l'objectif environnemental initial.

Dans ces structures, "+on va changer le monde+, donc ensuite il faut d'énormes volumes de capitaux (...)  On pourrait imaginer une tech plus artisanale, où les gens n'ont pas d'objectifs aussi démesurés, et où ils arrivent à se tenir à un niveau d'équilibre", rêve Gaspard Koenig.

Alors que la COP28 démarre jeudi à Dubaï, l'écrivain - qui avait voulu se présenter à l'élection présidentielle en 2022 - se veut prudent sur les concepts de RSE (responsabilité sociétale des entreprises), sujet largement abordé par son roman. 

"J'ai toujours pensé que ces histoires de RSE sont la reconnaissance d'une faillite du politique. Le social et l'environnement, cela peut vouloir tout dire. Mais l'entreprise n'est pas la Cité", regrette-t-il.

"Les vraies discussions sont sur la taxe carbone ou le revenu universel, mais comme on n'a pas le courage de les avoir, on dit aux entreprises: +Vous allez créer votre propre système de valeurs+."

Gaspard Koenig reconnaît être à part dans la littérature contemporaine française, qui traite relativement peu de la vie en entreprise. "Dans la palette de l'écriture réaliste, nous ne sommes pas beaucoup. C'est la littérature que je veux continuer à écrire: personne n'est hors de l'économie. Il faut juste mettre en lumière les réseaux dont nous faisons partie", plaide l'auteur. 

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