Initiative France fête ses trente ans
La création d’entreprise par des personnes en difficulté intéresse toujours plus les politiques publiques perpétuellement impuissantes à faire plier la courbe croissante du chômage. Débat sur cette voie qui implique une pluralité d’acteurs, sur fond de réforme territoriale, lors de l’anniversaire d’Initiative France.
Des entrepreneurs aux profils et aux parcours divers, mais des témoignages concordants sur l’importance de l’accompagnement pour réussir. Ce 21 mai, une table ronde, “entreprendre, l’affaire de tous”, était organisée par Initiative France, réseau de financement de la création d’entreprise, présidé par Louis Schweitzer, à l’occasion de ses trente ans, à Paris. Une “start-upeuse” pour qui se profile – peut-être – une trajectoire à la Blablacar, animée par le désir de créer sa propre entreprise après une carrière réussie dans celle des autres ; la tenancière d’un tabac presse dans un quartier – difficile – qui a choisi une vie de proximité et d’échanges avec les clients ; un ex-intermittent du spectacle converti en patron de PME pragmatique… Tous témoignent avoir trouvé utile – voire indispensable – l’appui d’organismes divers – chambre du commerce, incubateurs, structures locales d’accompagnement – pour mener à bien leur projet. “Il est très important, pour créer une entreprise, de ne pas être seul. On parle beaucoup de financement, et c’est important. Mais l’accompagnement l’est aussi”, insiste Frédérique Grigolato, fondatrice de Click and Walk, start-up qui collecte des données commerciales dans les magasins, en se fondant sur une com- munauté d’internautes. En 2013, l’entreprise a levé 750 000 euros auprès d’un capital-risqueur. Mais au démarrage, c’est la plateforme Lille Métropole Innovation (LMI), qui accompagne les porteurs de projets innovants, qui l’a aidée à mettre sur pied son entreprise…
Le fondateur de studios VOA, Voix off agency, Ronald Magaud, qui dispose aujourd’hui de bureaux à Miami et emploie une dizaine de salariés, souligne, lui, l’importance du prêt d’honneur qui lui a été attribué par France Initiative. En 2012, pour faire grandir son entreprise et bâtir un nouveau studio d’enregistrement, il a obtenu 30 000 euros, “une somme triplée avec les prêts bancaires”, précise Ronald Magaud. Magali Julien, elle, a été accompagné par Initiative Pays d’Arles, plateforme locale du réseau Initiative France, pour monter son projet de reprise d’un tabac presse. “J’ai toujours voulu faire cela, ils m’ont aidée”, explique-t-elle. C’est comme demandeur d’emploi, puis bénéficiaire du RSA (Revenu de solidarité active), qu’elle a été aiguillée vers l’association.
Une voie alternative pour sortir du chômage ?
Statistiquement, “un tiers des entreprises est créé par un demandeur d’emploi. Et le taux de pérennité de leurs entreprises est semblable aux autres”, annonce Jean Bassères, directeur général de Pôle Emploi. Par ailleurs, même en cas d’échec, le fait d’avoir créé une entreprise “aide à la réinsertion professionnelle”, estime Jean Bassères, qui note toutefois que les demandeurs d’emploi qui créent le plus fréquemment des entreprises sont rarement des chômeurs de longue durée, ou provenant de quartiers difficiles. Pour aider ceux qui souhaitent créer leur entreprise, Pôle Emploi pratique une politique de partenariats. “La création d’entreprise, ce n’est pas notre métier. Donc, nous organisons des ateliers pour repérer ceux qui en ont le goût, puis nous les orientons vers des tiers dont c’est la spécialité”, précise Jean Bassères. En 2014, Pôle Emploi a ainsi travaillé avec quatre réseaux : l’Adie, les Boutiques de gestion, Planète Finance et Initiative France. Une solution “peut être plus rentable que certaines formes de contrats aidés”, juge le directeur général de Pôle Emploi. Une solution, dans tous les cas, qui attire de plus en plus l’attention du gouvernement : le président de la République, François Hollande, est intervenu le matin même, lors de l’assemblée générale d’Initiative France, pour annoncer un renforcement du dispositif financier Nacre, Nouvel accompagnement pour la création et la reprise d’entreprise. Ce dernier est attribué aux demandeurs d’emplois et personnes en difficulté d’insertion qui décident de se mettre à leur compte. Créé en 2009, il bénéficie actuellement à 44 000 personnes.
Réorganisation territoriale en vue.
L’annonce présidentielle intervient dans un contexte évolutif : le projet de loi NOTRe , Nouvelle organisation territoriale de la République, prévoit un rôle d’autorité organisatrice pour les régions en matière d’accompagnement vers l’emploi. Le dispositif Nacre pourrait leur être confié. Une disposition qui va conduire les nombreux acteurs concernés par la création d’entreprise à revoir leurs relations entre eux. Si la réforme se concrétise, “il faudra examiner avec les Conseils régionaux pour voir comment faire”, prévoit Jean Bassères. Mais les autres échelons territoriaux entendent continuer à jouer leur rôle. “La région est le territoire pertinent dans sa fonction stratégique, mais ce n’est pas elle qui s’occupera d’animer les écosystèmes locaux (…)il faut un pôle de proximité. Nous devons organiser l’écosystème économique local pour accompagner le créateur d’entreprise au quotidien”, prévient Charles Eric-Lemaignen, président de l’Assemblée des communautés de France (ADCF), qui prône un système de conventionnement avec les régions.
Dans le Val de Loire, la plateforme Orléans Loiret réseau pour entreprendre, elle, réunit des acteurs de l’économie locale, comme la chambre de commerce et d’industrie du Loiret, la chambre des métiers ou encore une technopole. Des acteurs comme Initiative France, les boutiques de gestion et les créateurs d’entreprises y trouvent un “parcours unifié”, précise Charles- -Eric Lemaignen. Parmi les ressources de ces associations qui accompagnent et financent les créateurs d’entreprise, figure le FEI, Fonds européen d’investissement, qui intervient de manière indirecte, par garantie ou via des fonds spécialisés. L’an dernier en France, le FEI a garanti des fonds pour 20 000 entreprises, d’après Alessandro Tappi, directeur “garanties, titrisation et microfinance” du FEI. Qui précise que les initiatives françaises, microcrédit et prêt d’honneur, en particulier, se montrent novatrices par rapport au reste de l’Europe, rendant la création d’entreprise un peu plus abordable dans l’Hexagone que dans d’autres pays européens.
Initiative France : 30 ans et 450 000 emplois
Ce 21 mai 2015, Initiative France a fêté ses trente ans. L’association est née dans le contexte de la fin des Trente glorieuses, marqué par la croissance du chômage lié à l’effondrement de secteurs comme la sidérurgie et le charbon. L’idée de base : il existe un potentiel de croissance parmi les candidats à la création d’entreprise déconnectés des réseaux économiques et financeurs traditionnels. La réponse : un dispositif de prêts d’honneur et de parrainages. L’association estime avoir contribué à créer 450 000 emplois depuis son lancement.