Inceste: le gouvernement maintient la Ciivise, mais change sa figure de proue

De nouvelles missions, menées par un binôme inédit: le gouvernement a décidé lundi de maintenir la Ciivise, commission notamment chargée de lutter contre l'inceste, mais d'en écarter celui qui la présidait jusqu'alors, le juge...

Le désormais ex-coprésident de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), Edouard Durand, à Paris, le 21 septembre 2022 © JULIEN DE ROSA
Le désormais ex-coprésident de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), Edouard Durand, à Paris, le 21 septembre 2022 © JULIEN DE ROSA

De nouvelles missions, menées par un binôme inédit: le gouvernement a décidé lundi de maintenir la Ciivise, commission notamment chargée de lutter contre l'inceste, mais d'en écarter celui qui la présidait jusqu'alors, le juge Edouard Durand, pourtant plébiscité par les associations.

"Après trois ans de travail (...), il est essentiel de maintenir l'élan créé contre les violences sexuelles subies par les enfants", a commenté la secrétaire d'État à l'Enfance Charlotte Caubel, dans une déclaration transmise à l'AFP. 

La Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) va donc poursuivre son activité. 

Elle sera désormais présidée par Sébastien Boueilh, ex-rugbyman et fondateur de l'association "Colosse aux pieds d'argile", qui lutte contre les violences sexuelles dans le milieu sportif. "Je m'engage à assurer une continuité et à entrer dans une phase opérationnelle", a-t-il indiqué.

Il mènera cette mission aux côtés d'une vice-présidente, la pédiatre et experte judiciaire Caroline Rey-Salmon.

30.000 témoignages

Les associations plaidaient toutefois en faveur du maintien du juge pour enfants Edouard Durand, apprécié notamment pour son indépendance et son franc-parler. Son aura médiatique et la mise en cause répétée des dysfonctionnements du traitement judiciaire des violences sexuelles agaçaient, selon des observateurs.

Interrogé par l'AFP, il dit regretter la décision du gouvernement de mettre fin à sa mission.

"Je m'inquiète et suis profondément choqué qu'il n'y ait pas un mot de reconnaissance à l'égard des personnes qui ont confié leur témoignage à la Ciivise dans le communiqué du gouvernement", a-t-il ajouté. 

Edouard Durand avait pris la tête de la commission, aux côtés de la responsable associative Nathalie Mathieu, lors de sa création en mars 2021, dans le sillage de l'onde de choc provoquée par le livre "la Familia Grande" de Camille Kouchner. Dans cet ouvrage, l'autrice accuse son beau-père, le politologue Olivier Duhamel, de viols sur son frère jumeau.

En l'espace de deux ans, la commission a recueilli près de 30.000 témoignages et rendu au gouvernement un rapport de 82 recommandations pour lutter contre ce "crime de masse" qui touche, selon elle, 160.000 enfants chaque année.

L'enjeu reste "de lutter contre l'invisibilisation de la parole des victimes", selon le juge Durand.

Pour le gouvernement, ce rapport "marque le terme d'une première étape essentielle, qui a permis de lever le voile sur l'ampleur des violences sexuelles imposées aux enfants, en particulier l'inceste". Il doit "ouvrir la voie à de nouvelles actions concrètes" pour "encore plus protéger les enfants" et "mieux prendre en charge" les victimes de violences.

Nouvelles missions

Le travail de la Ciivise devait prendre fin le 31 décembre, au grand dam des acteurs de terrains, d'élus et de personnalités, qui ont multiplié les appels depuis cet été en faveur d'une prolongation de son existence.

Pendant un temps, l'exécutif a entretenu le flou sur le devenir de cette commission. Il avait finalement promis mi-novembre de la maintenir, avec une nouvelle feuille de route.

A présent, la Ciivise se penchera également sur la prise en charge des mineurs victimes de prostitution ou de pédocriminalité en ligne, la prise en charge des auteurs de violences sexuelles sur mineurs et la formation des professionnels au contact des enfants "aux gestes les plus protecteurs", détaille un communiqué du gouvernement.

Pour Anne Clerc, déléguée générale de l'association Face à l'inceste, "on ne peut que saluer le maintien" de la commission. Toutefois, "il faut voir ce qui sera accompli, nous serons attentifs à la mise en oeuvre des préconisations". 

Elle estime qu'il faudrait également mettre en place une "évaluation des politiques publiques" en matière de lutte contre les violences faites aux enfants.

Pour l'heure, l'exécutif a mis en oeuvre une des préconisations de la Ciivise, la première grande campagne de sensibilisation sur l'inceste lancée mi-septembre. D'autres sont en cours.

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