Immobilier : la fête est finie !
Pour l'instant, le marché de l'immobilier affiche encore une belle tenue. Mais le contexte actuel de «stagflation» sur fond d'incertitudes politiques inquiète les professionnels de la FNAIM.
«Entrée en zone de turbulences» : pas de point d'interrogation à cet intitulé de conférence de presse choisie par la FNAIM, Fédération nationale de l’immobilier lors de la présentation de son analyse de la conjoncture actuelle. Encore favorable, elle commence à s'infléchir et plusieurs signaux augurent d'une suite plus compliquée.
Premier constat, sur le marché du logement, «l'activité reste soutenue. Nous sommes encore sur une dynamique exceptionnelle. La France est le marché le plus dynamique en Europe», souligne Jean-Marc Torrollion, président de la FNAIM. Fin mars 2022, 1 175 000 ventes ont été réalisées dans l’ancien sur 12 mois glissants, un niveau stable par rapport à 2021. Toutefois, une baisse s'est enclenchée en août 2021. De plus, la perception des Français quant à l'opportunité d'acheter un bien immobilier se dégrade. Seuls 30% de ceux interrogés par l'Ifop pour la FNAIM considèrent la période favorable à un tel achat, contre près du double, il y a un an. A contrario, près de 50% des Français pensent que c'est le moment de vendre. Le décalage entre ces perceptions risque de se répercuter sur le marché.
Dans le détail, l'évolution de ces ressentis -globalement à la baisse- diffère selon les marchés. Concernant l'immobilier locatif, les investisseurs sont encore une majorité (53%) à considérer la période favorable, tout comme près la moitié (49%) des secondo-accédants (lesquels sont majoritaires dans les transactions de la FNAIM). En revanche, l'attrait des résidences secondaires diminue nettement. «Ce segment a fait le plein. De plus, on commence à sentir un effet des prix qui se sont envolés dans les stations balnéaires et de montagne», analyse Jean-Marc Torrollion.
Et surtout, la baisse est «spectaculaire» chez les primo-accédants. Ils ne sont plus que 44% à juger la période favorable à l'achat, contre 69%, il y a un an. Par ailleurs, l'inflation a déjà un impact sur les projets immobiliers : en particulier, 18% de ceux qui en avaient un ont décidé d'annuler. Potentiellement, «cela représente 100 000 transactions», prévient Jean-Marc Torrollion.
L'évolution de la carte de l'immobilier se confirme
Le tableau dressé par la FNAIM confirme les tendances du marché immobilier nées des évolutions sociétales qui se sont déployées avec la pandémie. Tout d'abord, la dynamique post-covid continue de concerner l'ensemble du territoire (à l'exception de quelques zones comme la Lozère). Autre constat, les prix ont continué à augmenter dans la France entière, mais selon des modalités diverses. En mai 2022, ils ont augmenté de 7,7% , franchissant la barre des 3 020 euros le m2. Mais l'évolution est très différente pour ceux des maisons ( 2 411 euros/m2) et des appartements (3 797 euros/m2). Les premiers ont augmenté de 9,7%, ceux des appartements de 5,2%, seulement.
Dans le même sens, les prix ont crû de façon différenciée selon le type de territoire. Sur un an, ils ont le plus augmenté dans les stations balnéaires (+12,4%), de ski (+7,3%), les communes rurales (+ 9,3%) et les villes moyennes (+ 8%). «Cette augmentation est spectaculaire sur cinq ans. Et les deux tiers de cette hausse sont concentrés sur les deux dernières années, ce qui confirme la puissance de la réorientation du marché», commente Jean-Marc Torrollion. C'est aussi ce que confirme dans l'autre sens, la baisse des prix parisiens (-2% ) . «La ville a perdu un peu de son attrait pour les investisseurs, la demande internationale, et a été victime de la migration TGV . Sa clientèle traditionnelle, les cadres, ont choisi de s'éloigner en bénéficiant du télétravail», explique le président de la FNAIM.
Ailleurs, et en particulier dans l'Ouest du pays, les prix ont grimpé, parfois jusqu'à 10% et plus. Et les villes moyennes sont particulièrement concernées : Brest a connu une augmentation de 12,2% de ses prix, Caen, de 12%, et La Rochelle, de 15,1%... Au Sud, Pau affiche +13,6%. Ailleurs aussi, des villes affichent des croissances à deux chiffres, dont Avignon (+10,8%), Reims (+10%) et Mulhouse (+10%).
Toutefois , «l'effet prix est en train de commencer à jouer dans certaines villes», tempère Jean-Marc Torrollion. Ainsi, la croissance des prix à Lille plafonne à 1%, et 1,5% à Nantes, en dépit de sa localisation. Mais ces évolutions, qui confirment la nouvelle carte de l'immobilier, subissent aussi un ralentissement. Au global, «ces deux derniers mois, nous constatons un fléchissement de la dynamique des prix. Les acquéreurs y sont plus attentifs qu'il y a un an», pointe Jean-Marc Torrollion .
Inquiétudes économiques et politiques
Partant, les fondamentaux du marché immobilier pourrait être fortement impacté par la conjoncture économique actuelle. Olivier Lendrevie, président de CAFPI, courtier en prêts immobiliers, dresse de celle-ci un tableau plus sombre que les instances officielles. Pour lui, nous faisons face à «un troisième choc énergétique aussi fort que celui des années 1970». Peu confiant dans les prévisions de la Banque de France, l'expert n'exclut pas une croissance négative en 2022, dans un contexte de «stagflation» qui conjugue ralentissement économique prononcé et inflation vive.
Dans ce cadre, le resserrement des politiques monétaires et la remontée des taux auxquels empruntent les États devraient rapidement impacter le marché du crédit immobilier. Pour l'instant, le taux de l’OAT 10 ans (Obligation assimilable du Trésor), encore négatif en décembre dernier, a touché les 2,39%, en juin. Les taux d’intérêt sur les crédits immobiliers, eux, ont repris 50 à 60 centimes en six mois, atteignant un taux moyen (à 25 ans) de 1,57%. «Cette situation, par laquelle les ménages empruntent à des taux inférieurs à celui de l’État français, n’est pas tenable, et cela va sans doute changer dans les semaines qui viennent», estime Olivier Lendrevie. Déjà, en tout cas, les Français ont perdu environ 5% de leur capacité d'emprunt par rapport à il y a dix mois, sur les prêts sur 20 ou 25 ans. «cela n'est pas négligeable et va encore s'amplifier», prévoit l’expert.