Immigration: au Sénat, l'accord d'une majorité fissurée
En s'accordant mardi sur le projet de loi immigration, les alliés Républicains et centristes du Sénat se sont probablement évité un rejet de cette réforme, hypothèse "dramatique politiquement" pour certains, sans éteindre totalement les divisions...
En s'accordant mardi sur le projet de loi immigration, les alliés Républicains et centristes du Sénat se sont probablement évité un rejet de cette réforme, hypothèse "dramatique politiquement" pour certains, sans éteindre totalement les divisions internes qui accompagnent l'examen de ce texte sensible.
Réputée plus calme et consensuelle que l'Assemblée nationale, la chambre haute a peiné à masquer de nettes dissensions entre les deux camps de la majorité sénatoriale sur ce texte examiné depuis lundi.
Les apparences ont été sauvées mardi avec l'annonce d'un accord sur la question des régularisations de travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, principal point de crispation.
Le droit "opposable" à la régularisation, ligne rouge érigée par le groupe Les Républicains (LR), sera écarté par un rejet de l'article 3 examiné plus tard durant la semaine. Quand au "pouvoir de régularisation des préfets" à titre "exceptionnel", une demande des centristes, il devrait être inscrit dans la loi et encadré par un article additionnel dont la rédaction reste à finaliser.
Qui a plié ? Après 48 heures d'incessantes négociations au Palais du Luxembourg, chacun tentait de crier victoire.
Un accord, deux lectures
Chez LR, le président du groupe Bruno Retailleau a mis en avant la suppression de l'article 3 qui "redonne au texte une vraie cohérence et une vraie efficacité" et s'est satisfait de pouvoir probablement voter, le 14 novembre, son "propre texte, qui modifie en profondeur la version présentée par le gouvernement".
"L'ouverture voulue par le gouvernement demeure" sur les métiers en tension, a rétorqué le groupe Union centriste dans un communiqué. Les salariés concernés "ne seront ainsi plus à la merci d'employeurs volontairement indélicats".
D'autres ont pris moins de pincettes. "Hervé Marseille (le président du groupe centriste) s'est écrasé devant Retailleau", ont lancé des sénateurs de plusieurs groupes en sortie d'hémicycle. "Qu'est-ce que vous avez signé ?", s'est indignée une socialiste auprès de collègues centristes.
"Bruno Retailleau est tellement monté en pression qu'il se doit de dire qu'il a gagné le combat. Mais la réalité, c'est qu'il a avalé son chapeau", a souligné un sénateur centriste.
Ces désaccords persistants sont assez rares pour être soulignés, d'autant que le Sénat est saisi de ce dossier depuis... mars 2023.
A l'époque, la commission des Lois avait déjà constaté les divergences entre droite et centre et décidé de réserver le débat sur cet article pour la séance publique avant que le calendrier parlementaire soit gelé. Mardi aussi, le Sénat a préféré repousser à mercredi ou jeudi l'examen des mesures irritantes, article 3 en tête, pour se donner le temps d'aboutir à un compromis.
Larcher, conciliateur
Face aux postures longtemps inflexibles, le président du Sénat Gérard Larcher, réélu au "plateau" par les deux pans de la majorité sénatoriale début octobre, s'est activé en coulisses pour que les deux camps trouvent un compromis.
"Il ne faut pas casser toute la vaisselle", a-t-il lancé à ses troupes ces derniers jours, d'après plusieurs témoins. "Quand on est d'accord sur 95% d'un texte, il faut trouver une solution qui préserve la cohésion de la majorité sénatoriale", a expliqué l'un de ses proches.
Le président du Sénat est à nouveau intervenu mardi lors d'une réunion de groupe très animée, où il a fallu concilier les positions de deux lignes, entre les plus inflexibles prêts à rejeter le texte et les adeptes d'un compromis.
"Être mis en minorité sur nos valeurs fondamentales et voter contre le texte ne me pose aucun problème", assure un sénateur proche de cette ligne dure.
"La majorité sénatoriale est plus importante que des positions de principe qui ne mènent nulle part", plaide une de ses collègues, moins catégorique. "Ne pas voter de texte immigration avec une majorité de droite au Sénat, c'est dramatique politiquement".
"On a été rattrapés par la patrouille", a également regretté un de ses collègues. "Quand on voit que le RN fait un pas de côté en soulignant les avancées du texte, notre position est difficilement tenable".
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